Vous est-il arrivé d’expérimenter la force incroyable des mots ? Je voudrais partager avec vous une remarquable expérience qui m’est arrivée, et que j’ai eu la surprise de pouvoir analyser a posteriori.
Bien sûr, les mots et le langage restent notre manière la plus directe, la plus naturelle, de formuler nos pensées. En ce sens, ils présentent à la fois un aspect négatif et un aspect positif : l’expression de notre pensée est contrainte par les mots, les concepts, les idées dont nous disposons, et d’un autre côté elle s’appuie et est rendue possible grâce à ces mêmes mots (langage, mais aussi les idées déjà formulées par d’autres). Nommer les choses les fait exister, les rend tangibles ; dans l’imperfection inhérente à toute existence.
J’ai récemment découvert un autre aspect des mots, plus profond. Une sorte d’inertie et de puissance des mots, presque d’expression inconsciente par les mots. Une fois une idée formulée avec des mots définis, on peut découvrir que le choix des mots n’a pas été uniquement le fruit d’une plus ou moins bonne adéquation avec la pensée que nous souhaitions exprimer. Ou plutôt, et de manière complémentaire : la pensée qu’ils ont permis d’exprimer ne se résumait pas à ces mots, qui n’étaient que des clefs pour continuer la réflexion. Des fils à tirer, avec une logique interne.
L’exemple récent m’est venu dans le cadre de mon travail : j’ai produit, avec d’autres, une sorte de tableau des « vrais métiers de l’innovation », sorte de bestiaire mi-sérieux, mi-poétique des vrais fonctions que nécessite l’innovation au sein d’une entreprise. C’est en cours de finalisation, et passionnant. Dans ce cadre, j’ai imaginé — et/ou réutilisé du déjà connu – des noms — assez directs – pour ces vrais métiers, et surtout des sous-titres à vocation plus évocatrice et ouverte. Mon métier, « animateur de communauté », s’est retrouvé affublé du sous-titre « Le discuteur de sens ». Pourquoi pas, et cela permet de mettre l’accent sur le rôle transverse, convivial, de discussion et d’échange du community manager. Bien sûr, cela n’en fait pas le tour (d’autant qu’à chaque communauté son community manager).
Mais depuis, l’expression est repassée toute seule dans mon esprit, plusieurs fois : suis-je réellement un discuteur de sens ? L’expression est-elle adaptée à mon rôle ? Celui qui discute, c’est aussi celui qui met en débat, qui questionne, qui doute. Et le sens, c’est le sens de l’action, la stratégie. Mais sur un deuxième niveau, plus inconscient probablement, se sont exprimées d’autres idées, qui résonnent autrement, qui font d’autre liens : le discuteur c’est aussi le philosophe, celui qui veut penser l’inconnu, et le sens c’est aussi le sens de la vie, de nos actes. Et ce n’est pas un hasard si tout cela me parle : j’aime la philosophie, et je l’ai toujours aimé en partie pour une des questions fondamentales qu’elle pose à l’être humain. La vie a-t-elle un sens ? Et si elle n’en a pas d’absolu, quel sens puis-je donner à ma vie ? Je crois que cela sort à un moment clé aussi de ma vie, au moment où je viens d’avoir un troisième enfant, où j’essaye d’imaginer mon avenir professionnel. Cette tension vers l’avenir, l’inconnu, ne suffit-elle pas à expliquer le choix de l’expression « discuteur de sens » ? Mais cela m’a redonné aussi envie de travailler plus dur la philosophie, et la question du sens.
Oui : les mots qui sont sortis (« discuteur de sens ») n’étaient pas fortuits et pas forcément adaptés au rôle que je cherchais à décrire (ils le sont quand même pas mal, je m’en aperçois en creusant le sujet). J’ai utilisé les mots qui me paraissaient pertinents pour me décrire, autant que mon rôle ou ma fonction. Projection involontaire et presque inévitable. Surprenante force des mots qui disent ce qu’on veut dire, mais aussi ce qu’on ne savait pas vouloir dire. Les mots disent ce que « ça » veut dire.
Ils servent donc aussi à se révéler à soi-même, pour peu qu’on leur accorde ce pouvoir (ce qui requiert un peu de lâcher-prise sur notre propre personne), et un peu d’attention.
Avez-vous déjà connu ce genre de « révélation linguistique » ?
Précision sur le sens de deux mots bien distincts (régulation, et réglementation) que l'on trouve souvent utilisés comme synonymes, alors même que leurs sens sont très différents. Et comme toujours, cette assimilation grossière sert une cause évidente : critiquer le fonctionnement des marchés concurrentiels, et faire l'apologie de l'Etat -…
Malgré son visage demeuré d’une rondeur lisse et son presque grand âge dépourvu d’âge, Laurent Fabius ne ressemble pas tout à fait à la Joconde. Cependant, il a un point commun avec la mystérieuse créature de Vinci : un certain retranchement. Son sourire de surface, un ton souvent ironique, le contrôle sévère et fluide de sa personne, ce regard vif et rapidement rétracté sous la moindre question perçue comme intrusive, tout rappelle qu’on interroge le président du Conseil constitutionnel (pour encore trois ans) comme on restaure une toile de maître : avec précautions. Dans le vaste bureau du fauve élégant et courtois, une grande sculpture représente un cheval cabré. Laurent Fabius était bon cavalier, et son frère François, rappelle-t-il, champion d’équitation. Le bronze est de Martine Martine, une artiste de 90 ans : «Elle a fait ça à 80 ans, ce qui nous donne à tous de l’espoir…» En art comme en politique, l’important est de durer.
Un beau livre sur elle est posé sur une table basse. Leurs parents étaient amis. Le père de Fabius était antiquaire et collectionneur ; celui de Martine, industriel, collectionneur et mécène. Elle a peint et sculpté des Balzac en série. Depuis quelques années, il peint aussi, comme Churchill à la fin de sa vie, généralement avant d’aller relire des lois : peintre du dimanche, semaine comprise. Il utilise l’acrylique, «ça ne salit pas et ça ne sent pas mauvais». Ses tableaux ne sont pas figuratifs : «Plus ça va, plus j’aime les choses abstraites. J’aime bien être ému, mais je n’aime pas trop être conduit. Je n’aime pas les œuvres didactiques et je fuis le réalisme politique comme la peste.» Il a dû en épuiser les charmes dans la vie. Ses œuvres, cet homme non dépourvu d’orgueil refuse de les montrer : «Je préfère ne pas mélanger les genres.» Il y en a une, tout de même, dans son bureau : une sorte de marée noire sur fond rouge. Du Stendhal écologique ? La toile a fait la couverture de Rouge carbone, son livre sur le climat, mais «[il] n’[a] pas dit qu’elle était de [lui]». Maintenant, il le dit.
Quand le Conseil constitutionnel a été créé en 1958, il rendait cinq décisions par an ; il en rend désormais une centaine. Il y a du travail pour les neuf membres et leur équipe, et «[ils] [vivent] quasiment ensemble». Cela ne l’empêche donc ni de peindre ni de publier ces jours-ci, dans la prestigieuse collection «Art et Artistes» de Gallimard, Tableaux pluriels, un livre surprenant, très bien illustré, à l’érudition et au ton étrangement universitaire, sur l’histoire des polyptyques, ces peintures à plusieurs volets, à travers les âges. Il s’amuse : «Ne faites pas l’erreur de certains de mes amis qui disent : “Encore un livre sur les politiques !” Puis, quand je leur explique, je vois leurs yeux qui disent : “Polyptyque ? Qu’est-ce que c’est que ça ? Et où sont les y ?”»
En 2010, il a publié un premier ouvrage, le Cabinet des douze (Gallimard), sur douze tableaux qu’il aimait et qui, d’après lui, avaient contribué à «faire la France». Son livre sur les polyptyques est plus pointu et moins politique. Sa fonction l’oblige au devoir de réserve sur les sujets d’actualité. Pourquoi ce choix ? «C’est né de trois éléments. D’abord, mon amitié avec certains artistes qui utilisent cette forme. Ensuite, ma propre contrainte de création : comme beaucoup de peintres, je n’ai pas assez d’espace pour faire de grands formats d’une seule toile, alors, je fais des panneaux séparés. Enfin, je me suis mis à chercher des bouquins sur les polyptyques, et je me suis aperçu qu’il n’y en avait pas. Je me suis dit “je vais m’y mettre”.» Il a étudié «ce qu’on appelle pompeusement l’oculométrie, la façon dont le spectateur regarde l’œuvre». Le voyage commence du côté de chez Giotto et Van der Weyden ; il finit du côté de chez Soulages et Ming, deux peintres que l’auteur apprécie.
Il a connu Soulages parce qu’ils habitaient tous les deux près de la place Maubert, se voyaient au marché. L’artiste xérophile lui a permis de mieux comprendre, dit-il, le sens des polyptyques : «Il me disait par exemple qu’il n’aimait pas les triptyques, parce qu’on regarde toujours le centre. Le regard doit se déplacer. Moi, j’utilise l’expression “danser des yeux”.» Etait-il ami avec celui qu’il appelle «Pierre» ? Beaucoup de gens, vers la fin de sa vie, semblaient l’être – en particulier, de gens puissants. Cherchaient-ils, comme les enfants, à ne plus avoir peur du noir, ou, comme les pharaons, à le rejoindre ? Le seul dont Soulages était assurément proche, c’était Rocard. «Soulages l’aimait beaucoup, rappelle celui qui l’aimait moins, et il a fait sa tombe.» Laurent Fabius était au cimetière pour l’enterrement.
Winston Churchill a peint quand il traversait un désert, quand il a été en retraite. Laurent Fabius s’est mis à peindre «il y a sept ou huit ans», peu avant de rejoindre le promontoire constitutionnel. Comment s’y est-il mis ? «Ma compagne, ravie ou accablée de m’entendre parler de peinture, m’a acheté un nécessaire pour peindre. Au début, c’était très mauvais.» Ça ne l’est plus ? Il sourit : «Quand je fais quelque chose, j’essaie d’aller au bout.» Ses couleurs favorites sont le rouge, le noir, le blanc, le jaune : «Je me suis amusé à faire une série de polyptyques avec ces couleurs-là.»
L’exergue de Tableaux pluriels est de l’historien de l’art Daniel Arasse, son défunt condisciple à l’Ecole normale supérieure. «Il était hors du lot et très élégant, se souvient-il, mais j’avoue que la peinture italienne, qu’il aimait tant, ce n’est pas tellement mon truc.» A l’époque, l’art tout court le faisait fuir. Dans son enfance, après le petit déjeuner du dimanche, le père allait en famille au musée ; avant tout, au Louvre : «Dans ce cas-là, ou bien on s’immerge dans le milieu, comme mon frère, ou bien on fait une overdose. Moi, j’ai suivi la deuxième voie. Jusqu’à 30 ans, je n’ai pas pu voir les tableaux en peinture. Par des détours, ça n’a pas été inefficace… mais le détour fut long.» Chez les Fabius, il y avait au mur du salon un des plus beaux Georges de La Tour, la Madeleine au miroir. On l’appelle toujours «la Madeleine Fabius». Les enfants jouaient dessous comme devant une lampe ou un pot de chambre. André Fabius l’avait acquis chez Drouot en 1936. Bingo : le tableau, très sombre, fut attribué au peintre l’année suivante. Son propriétaire le revend trente-huit ans plus tard, aux Etats-Unis. Il est à la National Gallery de Washington.
Le grand-père, également antiquaire, était spécialiste des sculpteurs du XIXe siècle, Carpeaux, Barye. En 1942, comme il est juif, ce qu’il possède est revendu à Drouot, «dans des conditions scandaleuses. Il en est mort». Après la guerre, ses fils rebâtissent une galerie. «Chez moi, dit Laurent Fabius, j’ai gardé quelques sculptures ; des tableaux, très peu. Maintenant, sur les murs, je mets les miens. Je les exposerai peut-être quand j’aurai quitté la vie publique.» On ignore si l’un d’eux ressemblera au portrait de Dorian Gray.
Comment commencer? Par quelle poignée agripper ce qui nous entoure, ce qui nous arrive, ce qu’on expérimente au quotidien? Y a-t-il, d’ailleurs, un quelconque intérêt à se pencher sur le banal, le presque rien, le cosmos voisin qui nous baigne à portée de main, de pied et d’œil?
Absolument, répond Nicolas Nova, et il nous donne d’ailleurs une série de recettes pour parvenir à saisir notre monde de (très) près. Dans Exercices d’observation, cet anthropologue (et professeur à la HEAD, à Genève) ouvre le débat de la manière suivante: «L’observation est essentielle à de nombreuses activités professionnelles. Elle est une part importante du travail des scientifiques dans leurs laboratoires et sur le terrain, des anthropologues, sociologues, historiens qui étudient la vie des choses. Mais cette capacité à remarquer importe aussi aux designers, ingénieurs ou architectes qui les conçoivent; aux journalistes qui écrivent à leur propos; aux artisans qui s’occupent de leur entretien; aux artistes et aux policiers.»
On fait défiler
Elargissons: la capacité d’observation est essentielle à chacun, et elle devrait être mise en œuvre par tous dans un monde dont on redoute aujourd’hui qu’il se fragmente, se défasse, sous les coups d’une crise de l’attention: on survole, on zappe, on fait défiler. Prendre le parti de ralentir un peu la machine, c’est le pari que lance Nicolas Nova en nous faisant 19 propositions (toujours ludiques) de travaux pratiques. Voici (à titre d’exemple et parce qu’il faut toujours commencer par le début) le premier d’entre eux, baptisé «(in)exhaustivité»:
«Où que vous soyez, passez dix minutes à dresser un inventaire systématique de ce qui se déroule autour de vous. Avec ou sans chronomètre, notez sur une feuille le maximum d’observations possible à propos des entités présentes (animaux, humains, plantes, objets, véhicules, infrastructures, panneaux et écrits divers, etc.) et de ce qui advient autour de vous (mouvements, apparitions, disparitions, changements quelconques). Relevez tout ce qui attire votre attention. Insistez sur le visuel autant que sur le sonore, sur la statique comme sur le mobile, sur le banal comme sur l’intrigant. A partir de cet inventaire, produisez une liste contenant au moins trente éléments organisés sous forme de colonnes, dans l’ordre de votre choix.»
In situ
L’auteur de ces lignes s’y est essayé, un lundi matin à 8h45 dans la cafétéria d’un centre commercial genevois. On ne reproduira pas ici, pour d’évidentes raisons graphiques, le diagramme issu de ces dix minutes d’observation, mais le fait est que l’attention portée au moment a permis de mettre au jour plusieurs types de données. Des banalités tout d’abord: sur les dix clients présents, trois étaient collés à leur smartphone; des parasols publicitaires vantaient une cervoise encore inconnue de nos services («Saint-Omer, bière fine du Nord»). Plus intéressant, on a pu noter les parts respectives de la galimafrée idiomatique locale – on entendait parler français (surtout), puis portugais et albanais à parts égales. On a pu voir des régularités se mettre en place: quand les groupes de fumeurs, une fois leurs clopes écrasées, retournent à l’intérieur de l’estaminet, les moineaux les suivent – mais jamais les corbeaux. Et en point d’orgue, cette vision assez surprenante d’une unijambiste, qui, dans son fauteuil roulant, promenait son chien en se laissant doucement tirer par l’animal.
On est là dans un procédé qui rappelle la pratique de Georges Perec dans Tentative d’épuisement d’un lieu parisien – Nicolas Nova, au rythme d’une érudition joyeuse, se place d’ailleurs explicitement sous son patronage (comme sous celui, bien sûr, des Exercices de style de Queneau). Mais ces Exercices-ci développent bien d’autres articulations encore, d’autres «arts de remarquer» (la formule est de l’anthropologue américaine Anna Tsing). Exemples: décrivez un élément du monde (par exemple un animal) en trouvant 25 questions à son propos (où l’on retrouve une manière de faire qui renoue par la bande avec la pratique des naturalistes de la Renaissance); établissez une carte sonore de votre environnement (quels sons entendez-vous? d’où proviennent-ils?); relevez (mais gardez-les pour vous) les conversations des personnes que vous croisez à un moment donné (une forme de brèves de comptoir, mais sans bistrot); etc.
Ce que nous offre ici Nicolas Nova, ce sont des paramètres d’observation, qui nous permettent d’activer tel ou tel capteur de notre monde environnant et de les combiner de différentes manières pour en faire émerger des caractéristiques, des constantes, ou pointer des faits exceptionnels. Il s’agit de se construire sa propre cartographie – en écrivant bien sûr, mais aussi en dessinant, en enregistrant (des images ou des sons) voire en récoltant des objets. C’est une manière d’apprendre à diriger ses sens.
Les exercices réunis dans la deuxième section («Interaction») du livre montrent autre chose encore. Il s’agit ici, par exemple, d’interroger des passants sur le caractère de l’endroit qu’ils traversent ou de procéder à ce que l’exercice #13 nomme des «perturbations volontaires»: prendre l’ascenseur en tournant le dos à ceux qui le prennent avec vous, puis consigner leurs éventuelles réactions. Ou tenter de dépasser une ou deux personnes dans une file d’attente. Il y a là quelque chose qui est presque de l’ordre du trickster, ce farceur légendaire que l’on retrouve dans beaucoup de récits mythologiques. Mais ces petites provocations, exercées pour faire réagir le réel, forment aussi le rappel d’une chose: l’observation de ce qui nous environne n’est pas une forme de contemplation béate: c’est une manière d’entrer dans le monde pour y être pleinement.
Essai. Nicolas Nova, «Exercices d’observation. Dans les pas des anthropologues, des écrivains, des designers et des naturalistes du quotidien». Premier Parallèle, 170 p.
La santé mentale reste « le parent pauvre de notre système de santé » - ( hcqs....et éducatif et culturel ..... ) déplore, dans une tribune au « Monde », un collectif de spécialistes de l’innovation dans ce domaine. Ils invitent les acteurs privés et publics à se mobiliser comme cela avait été le cas pour le plan Cancer en 2003.
La santé mentale est l’enjeu du XXIe siècle. Et pourtant, les maladies qui en relèvent restent cachées et stigmatisées. Déjà première cause mondiale de handicap depuis 2020, ces troubles – en particulier anxiodépressifs et cognitifs – ont fortement augmenté avec la crise liée à la pandémie de Covid-19. Ils ont notamment affecté la jeunesse et risquent de marquer durablement l’avenir de nos sociétés. Les coûts sociaux et économiques de ces pathologies sont considérables : une espérance de vie réduite de quinze à vingt ans, et, en France, le premier poste de dépenses de l’Assurance-maladie, devant les cancers et les maladies cardio-vasculaires, avec des dépenses directes et indirectes de 160 milliards d’euros par an.
Pourtant, la santé mentale demeure le parent pauvre de notre système de santé. La recherche, qu’elle soit privée ou publique, ne répond pas suffisamment aux besoins. Le financement de la recherche publique en psychiatrie ne représente que 2 % à 4 % du budget de la recherche biomédicale en France, l’un des plus faibles des pays européens, quatre fois moindre, proportionnellement, que celui des Etats-Unis. Quant à la recherche industrielle, elle considère que ce domaine demeure trop risqué et s’y engage peu.
Même constat pour les carrières médicales : près de 30 % des postes de psychiatres sont vacants en France. Et les maladies mentales sont sans doute l’un des derniers tabous sociaux. La parole ne s’est pas encore libérée sur ce sujet. Les personnes vivant avec un trouble psychiatrique sont stigmatisées et n’osent toujours pas évoquer leur handicap.
Un combat à gagner
Il est temps de sortir de cette situation qui condamne des millions de nos concitoyens à subir leur maladie plutôt qu’à la combattre, avec un arsenal thérapeutique très largement insuffisant. La science et la technologie, à travers l’innovation dont elles sont porteuses, offrent aujourd’hui des opportunités sans précédent qu’il faut saisir, sans attendre, pour améliorer la prévention, le traitement et les soins des personnes malades.
En 2003, le premier plan Cancer puis ceux qui ont suivi ont permis de structurer la communauté scientifique française autour d’enjeux partagés. Les progrès ont alors été fulgurants : entre 1990 et 2015, la survie a progressé de 21 points pour les cancers de la prostate, de 9 points pour les cancers du sein ou encore de 11 points pour les cancers du poumon. Au-delà, c’est l’image du cancer qui a radicalement changé. La maladie, qui était taboue, est devenue un combat à gagner.
Cinq leviers d’action
Il est temps de nous mobiliser collectivement, avec la même force, en faveur des maladies mentales. Deux axes nous semblent incontournables : développer la prévention et la veille sanitaire dans ce domaine en évaluant les causes (génétiques et environnementales) de manière plus précise, dès le plus jeune âge ; encourager le développement d’innovations thérapeutiques basées sur les découvertes des mécanismes à l’origine des maladies mentales. Nous identifions cinq leviers d’action pour y parvenir : suivre des cohortes de patients liées à de grandes bases de données partagées qui pourront être exploitées par les outils de l’intelligence artificielle ; développer de nouveaux mécanismes de financement de la recherche public-privé ; travailler ensemble par-delà les frontières et à travers la diversité des approches et des disciplines pour développer les plates-formes et les collaborations qui permettront d’accélérer l’innovation thérapeutique ; briser les stéréotypes et renforcer l’attractivité de nos métiers.
Faire de la santé mentale une priorité de l’Agence de l’innovation en santé, lancée par le gouvernement, serait également essentiel pour faire avancer la cause dans ses dimensions sociétales, politiques et économiques.
L’événement « Maladies mentales et santé mentale : quelles solutions grâce à la recherche et à l’innovation ? », qui doit se tenir jeudi 24 novembre et réunir industriels, professionnels de santé, acteurs de la recherche ou encore mécènes mobilisés autour de cette cause, est une première étape de cette coconstruction d’un écosystème décloisonné. Faisons en sorte qu’il devienne la première pierre d’une mobilisation ambitieuse que nous appelons de nos vœux !
Clarisse Angelier, déléguée générale de l’Association nationale de la recherche et de la technologie ; Alexis Brice, directeur général de l’Institut du cerveau ; Thierry Hulot, président du syndicat Les entreprises du médicament (Leem) ; Marion Leboyer, directrice générale de la Fondation FondaMental ; Franck Mouthon, président de Fr.
Pages relevés par la fonction " recherche de ce site avec les termes " ENtre-Grande-SantéMentale" en 2022 .... Les outils pour sortir du cercle vicieux des ruminations ...
... >>>>>>>>>>>>>>> La douleur mystique des hypersensibles «Un nombre croissant de personnes qui mènent une vie mentale d’une grande intensité, des personnes sensibles par nature, remarquent ...
... s’inscrit dans la grande tradition matérialiste des atomistes (Démocrite, Épicure, Lucrèce) à Marx (et Blanqui). Il désigne la possibilité d’un événement non nécessaire, qui n’est qualifié comme tel que ...
https://www.dedefensa.org/article/poutine-et-la-grandecrise-sous-nos-yeux-1 • Très long et très important discours de Poutine au Forum annuel du Club Valdaï. • Le président russe fait une puissante ...
... ...... Tout semble converger vers ce point de grandeur où, comme l'écrit Simone Weil, «le génie créateur de beauté, le génie révélateur de vérité, l'héroïsme, la sainteté sont indiscernables». Tou ...
... du monde. 10 enjeux géopolitiques (Tallandier, 2019). Dans un entretien au Monde, il analyse les nouveaux rapports de force entre les grandes puissances et l’irruption sur la scène internationale de nouveaux ...
... se réalisent dans l’union - avec un homme ou avec une œuvre, dans laquelle l’enfant ferait figure d’intrus -, grandes amoureuses, chercheuses passionnées ou encore artistes qui “portent” leur œuvre ; ...
... au sexe, alors que la tempête #balancetonporc n’en finit pas de souffler ? Leur plus grande crainte n’est-elle pas d’être assimilés à des prédateurs, des sortes d’Harvey Weinstein de seconde zone ? Mais ...
... particulièrement les risques, mais jamais à lâcher prise» Louis Faure, étudiant de HEC en césure De plus en plus d'étudiants, majoritairement des Français des grandes écoles - Essec ou Polytechnique ...
«Je t’aime», «j’ai sorti les poubelles», «tu te souviens ?»... L’amour avec la langue
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Des premiers papillons à la funeste chute, la linguiste Julie Neveux examine les phrases courantes de la vie à deux pour mieux comprendre les enjeux universels du dialogue amoureux.
«Vous avez ken ? — Non, on s’est juste pécho, mais gros crush» : bien sûr, en matière amoureuse comme ailleurs, il y a «l’argot des jeunes» que ceux qui le sont moins reprennent volontiers pour faire cool. Et les anglicismes, le verlan, le patois ou autre idiome plus ou moins fleuri sont les symptômes d’une langue changeante. Pour autant, de «ich liebe dich» à «on dirait ta mère» en passant par «we did it», parler d’amour a quelque chose d’universel, postule la linguiste Julie Neveux dans le Langage de l’amour. De la rencontre à la rupture, comment les mots révèlent nos sentiments (Grasset, 2022).
Biberonnée aux séries télé comme Sex and the City autant qu’à Proust, à Ernaux, à Dolan ou à Orelsan, la chercheuse décrypte la fabrique grammaticale et sémantique du couple en tressant habilement la romance feuilletonnée d’un Roméo et d’une Juliette des temps modernes à des références culturelles saupoudrées d’efficaces analyses. Car ses nobles aînés – Stendhal et son irradiant De l’amour, Barthes et ses indispensables Fragments d’un discours amoureux – ont un peu trop oublié, selon la linguiste, que l’amour n’était pas que regards transis, passion brûlante ou solitaire. Quel miroir les mots offrent-ils quand l’amour s’installe dans le quotidien, se domestique au sens propre comme au figuré ? Explosive, paresseuse, nécessaire ou mise en échec, la langue peut tour à tour éclairer, épouser, figer ou défaire la scène de la vie conjugale. Petite mise en bouche.
«J’ai rencontré quelqu’un» : reconnaître l’amour
C’est la première phrase du roman amoureux – qu’on se raconte parfois tout seul. On a besoin de la produire, pour soi ou les autres, pour mettre en scène une bascule entre la vie réelle et l’histoire qu’on en tire. Qualifier ce moment de «rencontre» le transforme en événement signifiant et l’inscrit dans le registre sentimental. L’être qui tombe amoureux éprouve le besoin d’écrire un récit où il s’institue comme sujet, héros ou héroïne d’une histoire ouverte. Ce «quelqu’un» est toujours indéfini car la charge sémantique porte sur le mot rencontre. L’attention porte sur cette rupture, une ouverture des possibles qui se caractérise par une explosion du langage. Dès lors, celui-ci vient donner de la substance à nos fantasmes. Avant même la cristallisation dépeinte par Stendhal, l’imaginaire se déploie envers une personne qu’on connaît encore très peu, à partir d’un simple nom. C’est la rencontre de cet imaginaire avec le réel qui va construire le sentiment.
«On l’a fait» : pratiquer l’amour
Cet euphémisme jette un voile pudique sur la réalité, le pronom remplaçant l’acte sexuel. Tout le monde comprend l’implicite car la chose est à la fois essentielle et taboue, l’amour est tellement central qu’il rend possible l’effacement du nom. Paradoxalement, cette absence dit la mise en pratique d’un sentiment, le seul d’ailleurs que l’on puisse «faire». Vestige d’une pudeur passée – car le langage est souvent en retard sur nos mœurs, nos façons d’être et de s’aimer, la formule a aussi un côté infantile car elle acte une victoire, la joie d’être allé au bout, comme une consécration. De plus, faire l’amour, c’est le faire ensemble : le double sujet montre la réciprocité des amants. A l’inverse, «fais-moi l’amour» ou «j’ai envie de te faire l’amour» esquisse des rôles asymétriques par la distribution des pronoms, toutes sortes de scénarios et d’interactions possibles dans l’acte sexuel.
«Je t’aime» : performer l’amour
C’est l’expression indétrônable, fondatrice. Le prononcer pour la première fois, c’est «déclarer» un sentiment opaque et diffus, c’est-à-dire le rendre plus clair, à soi-même et à l’autre. Cette prise de risque inouïe est un geste tendu vers l’autre. S’il est réciproque, si la formule est répétée dans un mimétisme pur («moi aussi, je t’aime»), la relation est transfigurée, c’est le début des possibles et elle peut devenir une relation vécue. Aucune autre phrase ne satisfait mieux ce dialogue performatif qui transforme la réalité et acte la naissance d’un lien amoureux. Pour fonder le pacte amoureux, la formule doit rester pure, il est impossible d’ajouter un adverbe : aimer «beaucoup» quelqu’un, c’est au fond ne pas l’aimer «vraiment». Cette simplicité grammaticale – sujet, verbe, objet – en fait l’efficacité. En outre, la performativité n’arrive qu’une fois. Les «je t’aime» suivants relèvent de l’exclamation pure et de l’émerveillement lyrique, quand ceux du couple au long cours s’imprégneront d’un sens contextuel : «merci, je t’aime !», ou «bonne journée, je t’aime !».
«Mon cœur, mon bébé, mon lapin» : la désexualisation
A double tranchant, ces tendres surnoms apparaissent quand «l’amour-possession» s’installe. Rebaptiser est une tendance naturelle qui sert à redéfinir l’identité de l’autre à l’aune du lien qu’on entretient avec lui, comme une renaissance. Le nouveau nom exprime cette complicité et intervient quand l’autre devient un objet familier. Il est statufié, nié dans la complexité de son existence : un être nuancé, qui nous échappe nécessairement. Parce que le bestiaire amoureux (chat, lapin, bichon) cesse d’informer sur le genre de la personne, il contribue à désexualiser.
«J’ai sorti les poubelles» : scènes de ménage
Le passage à un amour implicite conduit le langage à porter sur les choses concrètes autour des amants, qui ne consacrent plus leur énergie et leur temps à décrire cet amour. Le couple est progressivement traversé de problématiques de moins en moins spirituelles et de plus en plus matérielles, voire triviales. On s’embarrasse de choses qui parasitent, la charge domestique et mentale apparaît, et avec elle, une répartition des rôles et des tâches générées par la conjugalité. On lit dès lors l’expression de l’amour dans les gestes du quotidien plus que dans les grandes déclarations.
«Tu te souviens ?» : réaffirmer le couple
Tous les couples aiment se remémorer leurs débuts. Cette narration récurrente vient pallier le manque de récit noué au présent, et signe le décalage entre l’explosion verbale des débuts et la paresse dans laquelle le langage se réfugie ensuite. On va chercher dans la rencontre l’émerveillement du passé, l’usage de l’imparfait nimbe d’une lumière romancée les personnages qu’on était. Dans une forme de dédoublement, les partenaires se racontent comme des personnages, comme si la charge fantasmatique était figée dans le passé, alors qu’il y aurait aussi la possibilité de glorifier le quotidien. Mais c’est plus compliqué, puisqu’il y a les poubelles à sortir… On a besoin de se rappeler que le partenaire était quelqu’un d’autre avant, car on ne conçoit plus comme autonome la personne qu’elle est devenue. La remémoration ressuscite cette altérité et réinjecte du sens dans l’histoire.
«Faut qu’on parle» : l’ultimatum
Cet impératif apparaît au moment critique où l’un des deux se charge d’initier une conversation pour revisiter les fondements du couple, valider à nouveau les raisons d’être ensemble. Il acte paradoxalement l’échec temporaire du dialogue et peut annoncer la fin. Une étude américaine de 2000 sur les probabilités de divorce a montré que ce sont les femmes qui portent majoritairement la «charge expressive», c’est-à-dire l’effort de briser le train-train quotidien pour chercher à refonder le couple en pointant les problèmes. L’appel au secours peut ouvrir sur un nouvel horizon solidifié ou faire plonger dans l’abîme.
«J’ai besoin d’air» : l’alerte rouge
La métaphore de l’étouffement est l’une des plus répandues pour exprimer – plus qu’expliquer – son désarroi au partenaire. C’est aussi le retour du pronom «je» qui marque la nécessité impérieuse de s’affirmer comme être indépendant. Entendre ce besoin, fruit d’une expérience unilatérale, est nécessairement violent pour l’autre qui va chercher à s’accrocher en retour en usant d’un lyrisme pathétique. Crier des «je t’aime» dans le vide, tel Ugolin dans le film Manon des sources, est effroyable !
«Je ne t’aime plus» : le couperet
C’est la sentence la plus tragique et difficile à prononcer. Elle l’est d’ailleurs rarement lorsqu’on est à bout. Elle est la seule à pouvoir signifier la fin du contrat amoureux, la fin d’une histoire, toujours empreinte de confusion sentimentale. On a du mal à dire que l’amour, qu’on pensait durable, est révolu, avec cette négation qui percute tout ce qui a été construit. D’autant que souvent, on aime encore, d’une façon non amoureuse. On reconnaît toujours un lien, fait de bienveillance, de tendresse, mais on éprouve de façon fragmentée des sentiments qui fondaient ensemble le désir fusionnel initial d’être avec l’autre. Elle s’écrit à la première personne car il en suffit d’une pour défaire l’union quand il faut deux sujets se répétant «je t’aime» pour faire couple. En abolissant la réciprocité, celui qui part s’abstrait de devoir rendre des comptes. Il est souvent sommé de fournir des explications, or la fin de l’amour ne s’explique pas, elle se constate. Se découvrir n’aimant plus suscite, autant que de la tristesse, une stupeur, un étonnement.
.......Il y a 80 ans, les Allemands faisaient figure de superméchants pour l’Europe en particulier, mais aussi pour le monde (la guerre était ce qu’on appelle mondiale). En ce 23 novembre 2022, ils sont devenus les supergentils. La preuve, ils ont bâillonné leur propre bouche avec leur main pour protester contre le traitement des droits humains au Qatar. Et si la Coupe du monde avait eu lieu à San Francisco, ils auraient mis la main devant leur cul ?
En vérité, les sportifs font les malins, mais les supporters s’en tapent : même si la Coupe du monde avait eu lieu en Pologne en 42, avec des matches à Auschwitz et Treblinka, ils y auraient été sans problème, même avec des esclaves en pyjama rayé pour monter les tribunes et ramasser les ballons. C’est comme ça, l’amour du foot, ça se contrôle pas.
Les journalistes, eux, en bons chiens de l’oligarchie occidentale, ont pris fait et cause pour les revendications absurdes du lobby LGBT, et tentent d’emmerder les amoureux du ballon rond avec ça. Les merdiateurs appellent cette injonction « la promotion de la diversité ».
Cinq minutes d’enquête sur ce micro-fait divers provoqué à dessein... Sur le terrain – les Qataris ont effacé les images sur leur retransmission –, les onze Allemands ont posé comme des couillons :
Sûr que ce geste va faire changer d’avis les dirigeants qataris ! En plus, l’industrie allemande a besoin du gaz qatari. Ah, cette tendance qu’a l’Occident de vouloir tout régenter, à la place des autres, et ça énerve, ça énerve les autres pays du monde, qui sont majoritaires...
L’ex-Premier ministre danois, une Danoise, a arboré une robe aux manches arc-en-ciel, comme si le destin du monde dépendait du sort réservé aux homosexuels, alors qu’il s’agit d’une pratique intime qui ne regarde personne.
Cette tenue grotesque n’a pas porté chance à son équipe, qui n’a pas réussi à battre les Tunisiens, accrocheurs et voraces. Un match âpre, dur, un match d’hommes, aurait dit Thierry Roland, qui n’aurait de toute façon pas survécu 5 minutes aujourd’hui, au milieu d’un air pollué par les injonctions du woke.
Mais revenons au présent et au Qatar. La France a éclaté les Australiens 4 à 1, mais a perdu son défenseur Lucas Hernandez. Les ignorants vont dire, c’est pas grave, du moment que c’est pas Mbappé ou Giroud, on s’en fout. Erreur : une équipe, c’est une pyramide, et elle tient sur sa défense. Et Hernandez est un superdéfenseur, on pourrait ajouter ultramoderne : il défend bien, relance bien, et contre-attaque vite. C’est une pièce maîtresse de l’édifice bleu.
Il y a 20 ans, le Real, pourtant pétri de stars – Zidane, Beckham, Figo, Ronaldo, Raul ! –, s’est séparé de Makélélé, sous-payé par rapport aux précédents, qui est alors parti à Chelsea, pour le plus grand bonheur de Mourinho. Le club madrilène, lui, s’en mordra les doigts : il perdra son infranchissable barrière au milieu.
Pendant la Coupe du monde 1998, les Français avaient une énorme assise défensive, derrière et au milieu, mais des attaquants plus, euh, nous dirons modestes. Cela ne l’a pas empêchée de gagner. Vingt-quatre ans plus tard, on a une attaque de feu, mais une assisse défensive friable : il faudra donc marquer beaucoup de buts, pour gagner. Pour ça, il y a Giroud, Mbappé, Griezmann, Coman et Dembélé.
« C’était une colline qui ne se différenciait en rien des collines voisines.
... il n’y avait plus de trace de végétation, la terre convulsée, bouleversée n’offrait plus au regard qu’un spectacle de désolation.
... là, de la chair humaine avait été broyée, déchiquetée ;
aux endroits ou la terre avait bu du sang des essaims de mouches tourbillonnaient.
... Partout des débris de toutes sortes, fusils brisés, sacs éventrés d’où s’échappaient des lettres tendres...que le vent dispersait. »
Louis Barthas, tonnelier
La défense de Verdun. La Cote 304.
« Toute la détresse de la guerre se concentrait dans la grande salle d’opération. Les médecins remplissaient devant une file de tables leur sanglant office. Ici c’était un membre qu’on sectionnait, là un crâne qu’on trépanait, ou un pansement collé au corps qu’on défaisait. Des gémissements et des cris de douleur remplissaient la pièce inondée d’une lumière impitoyable, tandis que des infirmières en blanc couraient affairées d’une table à l’autre, portant des instruments ou de la charpie. »
Ernst Jünger, Orages d’acier
Stahlgewitter.
« Des poings dressés. Furie. Rage. Tout vocifère,
Un seul cri, un seul mot, dans l’air passe et repasse,
En galop furieux chargeant la populace,
Un cri qui la fouaille en plein cœur : Guerre, guerre. »
Henry Bataille, Le Départ.
« La haine du monde est dans l’air. »
Emile Verhaeren.
« Rolande est en usine et va dans les fumées,
Ployant le dos, l’air sombre et les lèvres fermées
Autour d’elle, le feu, la fonte en fusion
Tout crépite et flamboie dans le rouge arsenal
Où le fer est vomi pour le terrible bal. »
Jean Rateau – Landeville.
« Les obus miaulaient un amour à mourir
Un amour qui se meurt est plus doux que les autres
Ton souffle nage au fleuve où le sang va tarir
Les obus miaulaient
Pourpre amour salué par ceux qui vont périr. »
Guillaume Apollinaire.
« Nous avons dix-sept ans, vingt ans ou vingt-cinq ans
Bouquet d’avril ou bouquet de mai, peu importe
Le jeune siècle est quelque peu notre cadet,
Hier nous posions deux doigts légers sur son épaule...
L’orage l’emporte...
Il écrase d’un coup nos roses dispersées...
Nous sommes le blé vert qui n’aura pas d’épi,
Les jeunes filles qui ne seront pas épousées. »
Jeanne Perdriel Vaissière.
Le 28 juin 2016, Willi Lutz adjudant au 246ème régiment d’infanterie de la Reichwehr écrit à sa sœur :
« Je ne supporte plus cette maudite artillerie, il faut que je me maîtrise et que je fasse un effort sur moi-même pour rester un exemple pour mes hommes. »
Le 30 juin 1916, deux jours après, il est tué près de LORGIES.
14-18 restera à jamais des vendanges sanglantes ! ...
Ils sont tombés à la rentrée des classes comme Charles Péguy ou Alain Fournier.
Un sixième des tués de la Grande Guerre sont tombés pendant les deux premiers mois de la guerre, qui dura plus de 4 années. 27000 Français sont tombés pour la seule journée du 22 août 1914, c’est la journée la plus meurtrière de l’Histoire de France.
Ils sont tombés par l’incompétence de la hiérarchie militaire, adepte de l’offensive de l’infanterie, baïonnette au canon, face à l’artillerie et aux mitrailleuses.
14-18 fut une guerre totale, embrasée par le génie destructeur des hommes qui invente et développe pour toujours des armes nouvelles, les gaz, les sous-marins, les chars, les avions, les canons.
1,4 million de soldats français
885 000 Britanniques
651 000 Italiens
1,8 million de Russes
1,1 million d’Autrichiens et Hongrois
2 millions d’Allemands
800 000 Turcs
Plus de 9,7 millions de soldats sont tombés et près de 9 millions de civils tués.
L’Europe se couvre de croix blanches, d’étoiles de David et de croissants.
Chaque village français érige un monument à ses enfants tombés au champ d’honneur.
Ce ne sont là que des chiffres, des statistiques terribles mais anonymes.
Paul Moutard est né le 24 avril 1892 chez ses parents à Maisons-Laffitte, 9 rue des Canus.
Paul Moutard fait partie de la classe 1912, il doit un service militaire de trois ans.
Il est incorporé en octobre 1912 et affecté au 129ème régiment d’infanterie stationné au Havre à la caserne Kléber.
Le 9 juillet 1913 Paul Moutard réussit son brevet d’aptitude militaire, il est nommé Caporal.
Le 4 août 1914 Paul écrit à sa mère.
« Chère maman je n’ai rien de nouveau à te dire si ce n’est que l’on dit que nous partons jeudi soir.
J’ai reçu près de deux cents réservistes en deux jours pleins d’entrain, l’active sera bien soutenue. »
Le 29 août 1914 Paul Moutard est tué à la bataille entre Guise et d’Audigny.
Ce n’est qu’en août 1916 que le Comité international de la Croix rouge informe son père que Paul est tué au combat et enseveli au cimetière de la Désolation à Guise.
Le 25 juillet 1919 Paul Moutard est cité à l’ordre du Régiment.
Il reçoit la médaille militaire le 26 septembre 1919.
« Bon gradé a fait vaillamment son devoir dès les premiers combats de la campagne.
Tombé glorieusement pour la France à la bataille de Guise. »
Une seule question se pose :
Pourquoi ?
Pourquoi cette hécatombe ?
Dont Paul Valéry dit avec angoisse « Nous autres civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. »
Avec plus de cent ans de recul historique essayons de comprendre,
Essayons de comprendre en gardant en mémoire les événements tragiques du siècle dernier, conséquences de 14-18 :
- La terreur du régime des bolcheviks en Russie avec leurs goulags en Sibérie.
- La Seconde guerre mondiale voulue par Adolf Hitler qui s’adresse le 22 août 1939 aux généraux de la Wehrmacht :
« Agissez brutalement, le plus fort a raison. »
- La trahison du pacte germano-soviétique qui dépeça la Pologne.
En ayant à l’esprit ces événements tragiques, oui essayons de comprendre ce qui arriva en juin et juillet 1914.
Comprendre pourquoi et comment les Nations européennes, ces Nations dites les plus civilisées, se sont laissé emporter avec enthousiasme dans ce cataclysme.
Du côté français :
Il est vrai que l’Etat major voulait la revanche de la défaite de 1870.
L’Etat major a recherché des alliances de revers, il conclut un accord avec la Russie.
Poincaré, Président de la République, et Viviani, Ministre des Affaires étrangères, effectuent un voyage officiel à Saint Pétersbourg le 16 juillet 1914.
Jaurès refuse de voter les crédits pour ce voyage. Il dénonce à la chambre des députés les « Traités secrets. »
« Il nous paraît inadmissible que la France puisse être jetée dans des aventures naissant de l’obscurité des problèmes orientaux par des Traités dont elle ne connait ni le texte, ni le sens, ni les limites, ni la portée. »
Prescience totale que Jaurès paya de sa vie à trois jours de la déclaration de guerre le 3 août 1914.
Du côté allemand, il est non moins vrai que le Reich se sent et se sait fort, il est convaincu de sa supériorité militaire.
Guillaume II, le Kaiser, se confie à plusieurs reprises en 1913 au roi des Belges Albert 1er. Il lui dit « la guerre est inéluctable. »
Les tensions entre la France et l’Allemagne sont nombreuses.
Dès 1911 la course aux colonies faillit conduire à la guerre avec le coup d’Agadir pour le contrôle du Maroc.
Un accord est signé in extremis : l’Allemagne ne s’oppose pas au protectorat français sur le Maroc, Berlin reçoit en échange une partie du Congo français qui est rattaché au Cameroun allemand.
Tout s’enclencha à Sarajevo, en Bosnie Herzégovine sous domination austro-Hongroise.
- Le 28 juin 1914, François-Ferdinand d’Autriche-Hongrie est assassiné avec sa femme par Gavrilo Princip, un serbe membre de la main noire, qui veut le regroupement de tous les Serbes dans un état indépendant de l’Autriche-Hongrie.
- L’Autriche-Hongrie accuse la Serbie.
- Le 7 juillet 1914, Vienne envoie à Belgrade un ultimatum pour enquêter en Serbie.
- Le 25 juillet 1914, les Serbes refusent.
- Le même jour Berlin apporte son soutien à Vienne.
- Du 23 au 29 juillet, Poincaré et Viviani de retour de Saint Pétersbourg sur le cuirassé France sont privés de toute information en mer, les Allemands brouillent les communications.
- Le 30 juillet, la Russie mobilise.
- Le 31 juillet l’Allemagne adresse un ultimatum à la Russie et à la France : la Russie doit cesser sa mobilisation, la France rester neutre et livrer aux Allemands en gage les forteresses de Verdun et Toul.
- Le 2 août 1914 la France mobilise.
- Le 3 août l’Allemagne exécute son plan Schlieffen et envahit la Belgique, le Luxembourg.
- Le 3 août l’Allemagne déclare la guerre à la France.
- Le 4 août le Royaume-Uni déclare la guerre à l’Allemagne.
Le domino infernal des alliances précipite les Nations européennes porteuses de la civilisation dans la guerre, un commun désastre.
Plus de cent ans après, avec l’historien australien Christopher Clark, nous devons reconnaître que toutes les puissances européennes ont une responsabilité partagée.
Mais on ne peut pas oublier que Berlin a insisté auprès de Vienne pour que l’ultimatum à la Serbie soit inacceptable pour Belgrade et soit rejeté.
L’attentat de Sarajevo a bien été l’étincelle dans le baril de poudre des Balkans dont l’explosion a embrasé l’Europe.
Au moment où les hostilités s’enclenchent pour plus de 4 années, n’oublions pas que l’attaque de la Russie en Prusse orientale et en Galicie, sur le front de l’Est – qui mobilisa en contre-offensive plusieurs corps d’armée de la Reichswehr sous le commandement de Von Hindenburg, permit au Général Joffre de sauver Paris grâce au concours des taxis parisiens pour gagner la bataille de la Marne.
Face à ces événements implacables et tragiques, une question nous tenaille :
Toute similitude avec la situation internationale en Ukraine n’est-elle que fortuite ?
L’Histoire toujours tragique va-t-elle nous repasser ses plats ?
« Quand les mortels s’emploient à leur perte - nous dit Eschyle dans les Perses – les dieux viennent les aider. »
Guerre d’agression et guerre préemptive, guerre par proxy et terrorisme d’Etat, crimes de guerre et manipulations sont désormais de retour avec leur cortège de morts civils et militaires.
Soyons sans illusions, la violence destructrice des Hommes est consubstantielle à l’humanité, les guerres en Syrie, en Irak, en Afghanistan, en Iran sont autant de guerre d’agression, de guerre préemptive et de crimes de guerre.
La paix perpétuelle rêvée par Kant n’existera jamais !
Gardons à l’esprit avec lucidité que les mêmes causes dans l’ordre international produisent toujours les mêmes conséquences dramatiques et terribles.
Gardons toujours à l’esprit que la logique de guerre d’un conflit peut conduire là où nous ne voulons pas aller.
Souvenons-nous de la mise en garde de Jean-Jaurès.
Assurons toujours par nous-mêmes notre défense qui demeure plus que jamais l’ardente obligation de la Nation.
Ne ménageons aucun effort pour assurer l’efficience de nos services de renseignement ; les manipulations, les provocations, même entre alliés sont une réalité.
Elles sont une constante des siècles passés et à venir.
« A la guerre, nous avertit Eschyle, la première victime est la vérité. »
Plus d’un siècle s’est écoulé.
14-18 nous étreint de ses souffrances et sacrifices.
14-18 sonne toujours le tocsin des terribles batailles de tous ces héros fauchés à la fleur de l’âge.
Gardons précieusement en mémoire le courage jusqu’au sacrifice de Paul Moutard et de tous ses camarades tombés au champ d’honneur pour notre liberté, l’indépendance de la Nation.
Vive nos Alliés
Vive la République
Vive la France !
MESSAGE
de Jacques MYARD
Membre Honoraire du Parlement
Maire de Maisons-Laffitte
Président du Cercle Nation et République
Allocution de Jacques Myard
11 novembre 2022
« C’était une colline qui ne se différenciait en rien des collines voisines.
... il n’y avait plus de trace de végétation, la terre convulsée, bouleversée n’offrait plus au regard qu’un spectacle de désolation.
... là, de la chair humaine avait été broyée, déchiquetée ;
aux endroits ou la terre avait bu du sang des essaims de mouches tourbillonnaient.
... Partout des débris de toutes sortes, fusils brisés, sacs éventrés d’où s’échappaient des lettres tendres...que le vent dispersait. »
Louis Barthas, tonnelier
La défense de Verdun. La Cote 304.
« Toute la détresse de la guerre se concentrait dans la grande salle d’opération. Les médecins remplissaient devant une file de tables leur sanglant office. Ici c’était un membre qu’on sectionnait, là un crâne qu’on trépanait, ou un pansement collé au corps qu’on défaisait. Des gémissements et des cris de douleur remplissaient la pièce inondée d’une lumière impitoyable, tandis que des infirmières en blanc couraient affairées d’une table à l’autre, portant des instruments ou de la charpie. »
Ernst Jünger, Orages d’acier
Stahlgewitter.
« Des poings dressés. Furie. Rage. Tout vocifère,
Un seul cri, un seul mot, dans l’air passe et repasse,
En galop furieux chargeant la populace,
Un cri qui la fouaille en plein cœur : Guerre, guerre. »
Henry Bataille, Le Départ.
« La haine du monde est dans l’air. »
Emile Verhaeren.
« Rolande est en usine et va dans les fumées,
Ployant le dos, l’air sombre et les lèvres fermées
Autour d’elle, le feu, la fonte en fusion
Tout crépite et flamboie dans le rouge arsenal
Où le fer est vomi pour le terrible bal. »
Jean Rateau – Landeville.
« Les obus miaulaient un amour à mourir
Un amour qui se meurt est plus doux que les autres
Ton souffle nage au fleuve où le sang va tarir
Les obus miaulaient
Pourpre amour salué par ceux qui vont périr. »
Guillaume Apollinaire.
« Nous avons dix-sept ans, vingt ans ou vingt-cinq ans
Bouquet d’avril ou bouquet de mai, peu importe
Le jeune siècle est quelque peu notre cadet,
Hier nous posions deux doigts légers sur son épaule...
L’orage l’emporte...
Il écrase d’un coup nos roses dispersées...
Nous sommes le blé vert qui n’aura pas d’épi,
Les jeunes filles qui ne seront pas épousées. »
Jeanne Perdriel Vaissière.
Le 28 juin 2016, Willi Lutz adjudant au 246ème régiment d’infanterie de la Reichwehr écrit à sa sœur :
« Je ne supporte plus cette maudite artillerie, il faut que je me maîtrise et que je fasse un effort sur moi-même pour rester un exemple pour mes hommes. »
Le 30 juin 1916, deux jours après, il est tué près de LORGIES.
14-18 restera à jamais des vendanges sanglantes ! ...
Ils sont tombés à la rentrée des classes comme Charles Péguy ou Alain Fournier.
Un sixième des tués de la Grande Guerre sont tombés pendant les deux premiers mois de la guerre, qui dura plus de 4 années. 27000 Français sont tombés pour la seule journée du 22 août 1914, c’est la journée la plus meurtrière de l’Histoire de France.
Ils sont tombés par l’incompétence de la hiérarchie militaire, adepte de l’offensive de l’infanterie, baïonnette au canon, face à l’artillerie et aux mitrailleuses.
14-18 fut une guerre totale, embrasée par le génie destructeur des hommes qui invente et développe pour toujours des armes nouvelles, les gaz, les sous-marins, les chars, les avions, les canons.
1,4 million de soldats français
885 000 Britanniques
651 000 Italiens
1,8 million de Russes
1,1 million d’Autrichiens et Hongrois
2 millions d’Allemands
800 000 Turcs
Plus de 9,7 millions de soldats sont tombés et près de 9 millions de civils tués.
L’Europe se couvre de croix blanches, d’étoiles de David et de croissants.
Chaque village français érige un monument à ses enfants tombés au champ d’honneur.
Ce ne sont là que des chiffres, des statistiques terribles mais anonymes.
Paul Moutard est né le 24 avril 1892 chez ses parents à Maisons-Laffitte, 9 rue des Canus.
Paul Moutard fait partie de la classe 1912, il doit un service militaire de trois ans.
Il est incorporé en octobre 1912 et affecté au 129ème régiment d’infanterie stationné au Havre à la caserne Kléber.
Le 9 juillet 1913 Paul Moutard réussit son brevet d’aptitude militaire, il est nommé Caporal.
Le 4 août 1914 Paul écrit à sa mère.
« Chère maman je n’ai rien de nouveau à te dire si ce n’est que l’on dit que nous partons jeudi soir.
J’ai reçu près de deux cents réservistes en deux jours pleins d’entrain, l’active sera bien soutenue. »
Le 29 août 1914 Paul Moutard est tué à la bataille entre Guise et d’Audigny.
Ce n’est qu’en août 1916 que le Comité international de la Croix rouge informe son père que Paul est tué au combat et enseveli au cimetière de la Désolation à Guise.
Le 25 juillet 1919 Paul Moutard est cité à l’ordre du Régiment.
Il reçoit la médaille militaire le 26 septembre 1919.
« Bon gradé a fait vaillamment son devoir dès les premiers combats de la campagne.
Tombé glorieusement pour la France à la bataille de Guise. »
Une seule question se pose :
Pourquoi ?
Pourquoi cette hécatombe ?
Dont Paul Valéry dit avec angoisse « Nous autres civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. »
Avec plus de cent ans de recul historique essayons de comprendre,
Essayons de comprendre en gardant en mémoire les événements tragiques du siècle dernier, conséquences de 14-18 :
- La terreur du régime des bolcheviks en Russie avec leurs goulags en Sibérie.
- La Seconde guerre mondiale voulue par Adolf Hitler qui s’adresse le 22 août 1939 aux généraux de la Wehrmacht :
« Agissez brutalement, le plus fort a raison. »
- La trahison du pacte germano-soviétique qui dépeça la Pologne.
En ayant à l’esprit ces événements tragiques, oui essayons de comprendre ce qui arriva en juin et juillet 1914.
Comprendre pourquoi et comment les Nations européennes, ces Nations dites les plus civilisées, se sont laissé emporter avec enthousiasme dans ce cataclysme.
Du côté français :
Il est vrai que l’Etat major voulait la revanche de la défaite de 1870.
L’Etat major a recherché des alliances de revers, il conclut un accord avec la Russie.
Poincaré, Président de la République, et Viviani, Ministre des Affaires étrangères, effectuent un voyage officiel à Saint Pétersbourg le 16 juillet 1914.
Jaurès refuse de voter les crédits pour ce voyage. Il dénonce à la chambre des députés les « Traités secrets. »
« Il nous paraît inadmissible que la France puisse être jetée dans des aventures naissant de l’obscurité des problèmes orientaux par des Traités dont elle ne connait ni le texte, ni le sens, ni les limites, ni la portée. »
Prescience totale que Jaurès paya de sa vie à trois jours de la déclaration de guerre le 3 août 1914.
Du côté allemand, il est non moins vrai que le Reich se sent et se sait fort, il est convaincu de sa supériorité militaire.
Guillaume II, le Kaiser, se confie à plusieurs reprises en 1913 au roi des Belges Albert 1er. Il lui dit « la guerre est inéluctable. »
Les tensions entre la France et l’Allemagne sont nombreuses.
Dès 1911 la course aux colonies faillit conduire à la guerre avec le coup d’Agadir pour le contrôle du Maroc.
Un accord est signé in extremis : l’Allemagne ne s’oppose pas au protectorat français sur le Maroc, Berlin reçoit en échange une partie du Congo français qui est rattaché au Cameroun allemand.
Tout s’enclencha à Sarajevo, en Bosnie Herzégovine sous domination austro-Hongroise.
- Le 28 juin 1914, François-Ferdinand d’Autriche-Hongrie est assassiné avec sa femme par Gavrilo Princip, un serbe membre de la main noire, qui veut le regroupement de tous les Serbes dans un état indépendant de l’Autriche-Hongrie.
- L’Autriche-Hongrie accuse la Serbie.
- Le 7 juillet 1914, Vienne envoie à Belgrade un ultimatum pour enquêter en Serbie.
- Le 25 juillet 1914, les Serbes refusent.
- Le même jour Berlin apporte son soutien à Vienne.
- Du 23 au 29 juillet, Poincaré et Viviani de retour de Saint Pétersbourg sur le cuirassé France sont privés de toute information en mer, les Allemands brouillent les communications.
- Le 30 juillet, la Russie mobilise.
- Le 31 juillet l’Allemagne adresse un ultimatum à la Russie et à la France : la Russie doit cesser sa mobilisation, la France rester neutre et livrer aux Allemands en gage les forteresses de Verdun et Toul.
- Le 2 août 1914 la France mobilise.
- Le 3 août l’Allemagne exécute son plan Schlieffen et envahit la Belgique, le Luxembourg.
- Le 3 août l’Allemagne déclare la guerre à la France.
- Le 4 août le Royaume-Uni déclare la guerre à l’Allemagne.
Le domino infernal des alliances précipite les Nations européennes porteuses de la civilisation dans la guerre, un commun désastre.
Plus de cent ans après, avec l’historien australien Christopher Clark, nous devons reconnaître que toutes les puissances européennes ont une responsabilité partagée.
Mais on ne peut pas oublier que Berlin a insisté auprès de Vienne pour que l’ultimatum à la Serbie soit inacceptable pour Belgrade et soit rejeté.
L’attentat de Sarajevo a bien été l’étincelle dans le baril de poudre des Balkans dont l’explosion a embrasé l’Europe.
Au moment où les hostilités s’enclenchent pour plus de 4 années, n’oublions pas que l’attaque de la Russie en Prusse orientale et en Galicie, sur le front de l’Est – qui mobilisa en contre-offensive plusieurs corps d’armée de la Reichswehr sous le commandement de Von Hindenburg, permit au Général Joffre de sauver Paris grâce au concours des taxis parisiens pour gagner la bataille de la Marne.
Face à ces événements implacables et tragiques, une question nous tenaille :
Toute similitude avec la situation internationale en Ukraine n’est-elle que fortuite ?
L’Histoire toujours tragique va-t-elle nous repasser ses plats ?
« Quand les mortels s’emploient à leur perte - nous dit Eschyle dans les Perses – les dieux viennent les aider. »
Guerre d’agression et guerre préemptive, guerre par proxy et terrorisme d’Etat, crimes de guerre et manipulations sont désormais de retour avec leur cortège de morts civils et militaires.
Soyons sans illusions, la violence destructrice des Hommes est consubstantielle à l’humanité, les guerres en Syrie, en Irak, en Afghanistan, en Iran sont autant de guerre d’agression, de guerre préemptive et de crimes de guerre.
La paix perpétuelle rêvée par Kant n’existera jamais !
Gardons à l’esprit avec lucidité que les mêmes causes dans l’ordre international produisent toujours les mêmes conséquences dramatiques et terribles.
Gardons toujours à l’esprit que la logique de guerre d’un conflit peut conduire là où nous ne voulons pas aller.
Souvenons-nous de la mise en garde de Jean-Jaurès.
Assurons toujours par nous-mêmes notre défense qui demeure plus que jamais l’ardente obligation de la Nation.
Ne ménageons aucun effort pour assurer l’efficience de nos services de renseignement ; les manipulations, les provocations, même entre alliés sont une réalité.
Elles sont une constante des siècles passés et à venir.
« A la guerre, nous avertit Eschyle, la première victime est la vérité. »
Plus d’un siècle s’est écoulé.
14-18 nous étreint de ses souffrances et sacrifices.
14-18 sonne toujours le tocsin des terribles batailles de tous ces héros fauchés à la fleur de l’âge.
Gardons précieusement en mémoire le courage jusqu’au sacrifice de Paul Moutard et de tous ses camarades tombés au champ d’honneur pour notre liberté, l’indépendance de la Nation.
Après trente-six heures de rab, les quelque 200 pays réunis en Egypte ont fini par signer dans la nuit un accord minimaliste, réaffirmant l’objectif de limiter le réchauffement climatique à +1,5 °C mais échouant à se donner les armes pour y parvenir.
Au lieu d’avoir un message politique fort sur les droits humains et la protection de la planète à la veille de la Coupe du monde au Qatar, le chef de l’Etat balaie toute idée d’engagement des sportifs alors qu’il rêve de capitaliser sur une nouvelle victoire des Bleus.
Défait par Joe Biden en 2020 puis fragilisé par la déconvenue du camp républicain lors des récentes élections de mi-mandat, l’ex-président de 76 ans a officialisé son entrée en campagne en vue de reconquérir la Maison Blanche dans deux ans.
Dans le pitoyable affrontement Boyard-Hanouna, sur la navrante chaîne C8, la litanie des insultes déversée par l’animateur sur un député, élu au suffrage universel, la pire, la seule insulte, en vérité, qui décrit parfaitement celui qui la profère, n’est pas «abruti, merdeux» ou tout autre anathème dégueulé par Cyril Hanouna. Hanouna, ce puits de vulgarité, fils de médecin qui se prend pour une voix du peuple, s’est défini lui-même, lors de cet échange, par d’autres mots, au premier abord moins insultants. Une phrase qui répondait à la tentative du député LFI Louis Boyard de parler des méfaits de Vincent Bolloré en Afrique. Dès que le député (ancien chroniqueur de l’émission) a prononcé le nom de Bolloré, un déluge d’insultes s’est abattu sur lui, moins pour l’accabler que pour étouffer le blasphème en direct : «Moi je ne crache pas dans la main qui m’a nourri et toi tu ne devrais pas cracher dans la main qui t’a nourri», a fini par dire Cyril Hanouna. Voilà une phrase de mafieux, d’affidé dépendant, de prévaricateur.