ARTICLEs

8) .... Heureux sans enfant ... c'est possible

7) ....Force (philosophie)( matérielle)  ...

6) ....Les dangers de l’auto-mensonge

5) ....LE CYNISME

4) .... VIDEO Pourquoi tant de Haine ?

3) ....Approche phénoménologique existentielle de la haine

2).....«Contenir la haine ou étouffer la dissidence?»

1) .... Les années Pompidou: était-ce le bon temps?

 

00) .... CORRELATs

 

 8888888888888888888888888888888888888888888888888888888888

 -----------------------8 -------------------------

Heureux sans enfant… c’est possible!

>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>

Les Ginks (Green Inclinated No Kids) refusent d’enfanter pour des raisons écologiques, pour ne pas ajouter à la surpopulation et à l’épuisement des ressources. 

 

«Tu le regretteras», «Tu vieilliras seule», «Tu es trop égoïste»… Même en 2020, ne pas vouloir d’enfant reste un choix difficile à assumer, surtout pour les femmes, sommées de se justifier sur ce non-désir de maternité qui va à l’encontre de ce que la nature a «prévu» pour elles. En 2016, une infographie publiée dans le Sunday Times avait ainsi fait grand bruit en recensant les femmes politiques sans enfant (Angela Merkel, Theresa May…), sans dire un mot de leurs homologues masculins dans le même cas.

Pour l’essayiste Mona Chollet, auteur de Sorcières, la puissance invaincue des femmes (La Découverte, 2018), celles qui ne veulent pas d’enfant seraient même des figures modernes de la sorcière: elles font peur car elles s’émancipent des normes sociales, du patriarcat, et sont toujours suspectées de ne pas aimer les enfants. Un peu comme ces sorcières qui -disait-on - dévoraient les nouveau-nés les soirs de sabbat.

Inconscient collectif

Si l’injonction à renouveler les générations pèse toujours sur l’utérus des femmes, c’est aussi parce qu’elle est inscrite dans notre inconscient collectif depuis des millénaires. «Ce n’est que depuis la fin du XIXe siècle que nous maîtrisons les techniques obstétricales. Autrefois, beaucoup de bébés mouraient à la naissance, d’où la nécessité d’assurer la survie de l’espèce», rappelle la psychologue Edith Vallée, qui travaille depuis trente ans sur le sujet (son site: non-maternite.org).

En France, le taux d’infécondité volontaire reste faible et quasiment inchangé depuis trente ans: 6,3 % des hommes et 4,3 % des femmes n’ont pas d’enfant et ne souhaitent pas en avoir (Rester sans enfant, un choix à contre-courant, Population & Société, 2014). Mais les «childfree» (non-parents par choix, par opposition aux «childless» qui n’ont pas pu avoir d’enfant) réclament désormais qu’on respecte leur choix et qu’on cesse de les montrer du doigt. Ils s’expriment aujourd’hui dans des groupes Facebook, des livres, des documentaires (Femmes sans enfants, femmes suspectes, de Colombe Schnek), des chansons (Juste une femme de Chimène Badi)… et même des journées spéciales comme la Fête des non-parents, célébrée à plusieurs reprises entre 2009 et 2015 à Bruxelles, Paris et Montréal.

Depuis quelques années, une nouvelle catégorie de «childfree» fait également parler d’elle: les Ginks (Green Inclinated No Kids), qui refusent d’enfanter pour des raisons écologiques, pour ne pas ajouter à la surpopulation et à l’épuisement des ressources. «Cet argument écologique permet aussi aux femmes non-mères de se retrouver autour d’une cause positive, car elles se sentent souvent très seules dans leur choix, alors que les mères accèdent naturellement à plusieurs cercles d’appartenance comme la crèche, l’école, les fêtes autour de la famille…», analyse Isabelle Tilmant, psychothérapeute clinicienne et auteur d’Une vie sans enfant, un bonheur est possible (De Boeck, 2018).

Un appel vers autre chose

Cette solitude, Édith Vallée l’a vécue lorsque, dans les années 1970, elle a réalisé sa thèse sur ce sujet et rencontré d’autres femmes qui avaient fait le même choix qu’elle. «Aujourd’hui, la parole s’est tout de même libérée, estime-t-elle. L’intérêt pour l’écologie remet la question au cœur de la société, ainsi que les débats sur la filiation dans les couples homosexuels qui nous confrontent à des remises en question encore plus importantes du schéma traditionnel familial.»

Qui sont ces femmes qui choisissent de ne pas enfanter? Ont-elles été à ce point traumatisées par leur enfance qu’elles redoutent d’imposer cela à un autre être humain? Pour Édith Vallée, certaines sont en effet dans la rupture avec la génération passée, refusant de reproduire ce qu’elles ont vécu ; mais pour beaucoup d’autres, ce refus d’être mère correspond d’abord à un appel vers autre chose. «Je vois deux autres catégories de femmes “childfree”, explique-t-elle. Celles qui se réalisent dans l’union - avec un homme ou avec une œuvre, dans laquelle l’enfant ferait figure d’intrus -, grandes amoureuses, chercheuses passionnées ou encore artistes qui “portent” leur œuvre ; mais aussi celles qui s’épanouissent dans l’action: les entrepreneuses, les journalistes curieuses du monde et toujours en perpétuel mouvement…»

Pionnières

Être bien sans enfant, avoir d’autres priorités, vouloir rester libre… Telles sont les principales motivations invoquées aujourd’hui par les «childfree», bien avant les raisons financières ou celles liées à la santé (Rester sans enfant, un choix à contre-courant).

«Nous pouvons aussi nous interroger sur notre tendance à juger ce choix, alors que nous pourrions simplement le respecter même si nous ne le comprenons pas toujours, souligne Isabelle Tilmant. Peut-être qu’il y a aussi de la part de certaines mères une pointe d’envie pour ces femmes qui ont fait un choix qu’elles ne se sont pas autorisées à faire. Les “childfree” sont des pionnières dans le sens où elles empruntent des chemins peu fréquentés et cherchent à donner un sens à leur vie autrement.» Avoir une existence féconde sans passer par la maternité, heureusement, c’est possible!

 

Les "Ginks", ces femmes qui renoncent à la maternité pour sauver l'environnement

 

--------------------------------- 7 -------------------------------------

ARTICLE 7 du 02.07.2019

 

  • de La Force ....(philosophie)

 

>>>>>>>>>>>>wikipedia <<<<<<<<<<<<<<<<<

 

 

  •  ..... Theatrum Belli...(matérielle)

>>>>>>>>>>>>>>>>>>>

 et

>>>>>>>>>Europe et Défense (Dossier 24 du G2S).<<<<<<<<

 ---------------------------------------------6-------------------------------------------

 

ARTICLE 6 du 02.07.2019

Les dangers de l’auto-mensonge

>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>

 

 

Si un petit mensonge blanc ne fait en général de mal à personne, il en est tout autre des mensonges profonds que l’on se fait à soi-même. Dans son livre « Du mensonge à l’authenticité », Marie Lise Labonté prévient des conséquences que l’automensonge peut avoir sur la reconnaissance de soi.

Nous pouvons tenter de nous mentir à nous-mêmes, mais il y a toujours une partie de nous qui sait que nous nous mentons. Cette partie est notre corps, siège de l’inconscient. Souvent, lorsque nous sommes enfermés dans le mensonge, notre corps nous adresse des signaux, notre inconscient nous envoie des rêves nous informant qu’un temps de sincérité et d’honnêteté avec soi serait approprié pour notre santé physique et mentale. Si nous refusons ces signes qui nous interpellent pour attirer notre attention, nous pouvons avoir l’impression que notre corps est notre ennemi et qu’une partie de nous tente d’avoir raison sur nous. Nous sommes alors aveugles ou sourds. Nous aimerions tellement que notre monde intérieur se mente à lui-même, tout comme nous le faisons avec notre personnalité.

Heureusement pour nous et malheureusement pour notre ego, notre corps et notre inconscient portent en eux une sagesse, une partie intacte qui sait que nous sommes dans le leurre, même si nous croyons que nous faisons les bons choix. Cette partie ne nous ment pas, même si nous nous mentons à nous-mêmes. Notre corps et les dimensions inconscientes en nous sont les amis de notre sincérité profonde. Ils sont nos guides vers l’authenticité.

Nous avons tous le droit de mentir et nous avons nos raisons pour le faire. Mais, à la longue, mentir blesse le corps et l’âme. Il y a un prix à payer pour utiliser le mensonge comme outil de protection, de manipulation ou de pouvoir. Ce prix est une inauthenticité envers les autres, mais avant tout et surtout envers soi-même, ce qui n’est pas sans conséquences physiques, émotionnelles et psychiques. Mentir cause du stress. Il y a décharge hormonale, libération d’adrénaline, sueurs, anxiété. Les menteurs chroniques s’habituent à ces symptômes physiques, s’y identifient jusqu’à les cultiver, car ces symptômes peuvent engendrer une accoutumance semblable à certaines drogues. (...)

Nous mentir à nous-mêmes nous éloigne de notre propre vérité et creuse un fossé entre les parties de soi qui « savent » et les autres parties qui font semblant de ne pas savoir. Le cas de Mylène n’est pas unique : se mentir à soi-même est souvent accompagné d’un retour vers des compulsions telles que l’alcool, le sexe, la drogue physique ou affective. Ce phénomène est pernicieux, car le fait de nier une vérité intérieure engendre d’importantes frustrations, beaucoup d’irritation et de colère dirigée contre soi. Ces expériences émotionnelles sont souvent suivies d’un sentiment de désespoir et de séparation intérieure. Pour notre personnalité consciente, ces émotions sont douloureuses, c’est pourquoi nous pouvons ressentir le besoin urgent de combler cet état de frustration par la compulsion. La satisfaction est alors immédiate et elle anesthésie la partie de nous qui sait la vérité.

Plus le degré de colère contre nous est élevé, plus durement nous pouvons utiliser la compulsion pour nous punir, nous faire souffrir. C’est un cercle vicieux d’autopunition. Si nous reprenons le cas de Mylène, l’achat de magnifiques vêtements satisfait sa personnalité, mais vide son compte de banque. La sensation excitante des achats compulsifs est comme un anesthésiant qui lui permet de faire face au fait qu’elle vient encore une fois de se mentir à elle-même. Cette anesthésie ne sert qu’à endormir la souffrance reliée à l’acte de se mentir. Lorsque Mylène est venue me voir pour sa première consultation, elle était consciente de cette autodestruction, mais elle y était enfermée. La prise de conscience est un pas dans la bonne direction, mais ce n’est pas toujours suffisant pour s’en sortir.

A l’opposé de Mylène, pour beaucoup, l’automensonge n’est pas un acte conscient. Au contraire, il peut s’agir de bons vieux réflexes d’autoprotection, de survie, qui sont devenus des habitudes comportementales non réfléchies. C’est là que le mensonge blesse. Le mensonge envers soi-même n’est pas innocent dans l’écologie intérieure : il entraîne des conséquences qui bouleversent notre être.

La blessure de se mentir


La blessure du mensonge ressemble à une compresse de gaze qui au début remplissait sa fonction. Une compresse de gaze recouvre et protège une plaie, réalisant un pansement qui prévient l’infection. On peut retirer périodiquement ce pansement pour permettre à la plaie de respirer, ce qui favorise la cicatrisation. Imaginons maintenant que la compresse est laissée en place pendant des mois et que la plaie n’est plus traitée. Que se passera-t-il ? La plaie s’infectera et la gaze s’amalgamera à la chair. Si l’on tentait alors de retirer le pansement brusquement, on arracherait la peau, laissant une nouvelle plaie encore plus grande que la première.

Cette description peut choquer, car l’image est forte. Il n’empêche que se mentir à soi-même, c’est comme mettre des pansements sur une plaie qui s’infecte, alors que cette souffrance ancienne aurait plutôt besoin de vivre à l’air libre, dans une expression juste de soi. Se mentir laisse en place une blessure de non-reconnaissance de soi. Elle crée en nous un doute profond sur notre authenticité et perturbe gravement la relation de confiance de soi à soi, confiance pourtant nécessaire dans la construction de notre réelle identité.

 

Ce même jour par la recherche " se mentir à soi-même"  ai relevé ces autres articles qui me paraissent complementaires :

Traduit de l'anglais·Tromperie L'illusion de soi est un processus consistant à nier ou à rationaliser la pertinence, la signification ou l'importance des preuves opposées et des arguments logiques. L'illusion de soi implique de se convaincre d'une vérité afin de ne pas révéler la connaissance de soi de la tromperie.

Ouvrir la page traduite*

 

---------------------------------------------5--------------------------

 

 

ARTICLE 5 du 24.06.2019

LE CYNISME

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 voir en CORRELATION : 

« Je ne mets pas la kippa, le voile et la croix sur le même plan »

Mis en cause par notre contributrice Anne-Sophie Chazaud pour avoir pointé la supposée laïcité à géométrie variable de la députée LR Valérie Boyer, Raphaël Enthoven répond. Peut-on arborer une petite croix et défendre sincèrement la laïcité ? Quelle est la place du catholicisme en France ? Tous les signes religieux se valent-ils ? L’essayiste met les points sur les i.

 

 -----------------------------------------------4----------------------------------------------

 

 ARTICLE 4 du 23.06.2019 .... trouvé par hasard en consultant la Revue de presse - Egalité et Reconciliation

 

 

>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>

 

-------------------------------------------------------3---------------------------------------------------------------------

 

ARTICLE 3 du 23.06.2019  .... trouvé en tappant ' haine existentielle " .......

 

Approche phénoménologique existentielle de la haine

>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>

 

Fondamentalentales, la liberté au prix de la nécessité, la créativité à la mesure du conformisme et l’uniquede l’identité humaine dans sa proportion avec le même, alors l’expérience de la haine peut signi-fier la désarticulation entre les assises affectives émotionnelles et l’émancipation douloureusede la colère, du dégoût, de la tristesse et de la peur, détachées de la confiance et du sentimentbasal de sécurité et en rupture de leur lien proportionnel habituel Alors l’énergie vitale et l’exal-tation réduisent le projet humain à la quête solitaire, violente et illusoire d’une sauvegarde dela liberté, engagent la dynamique du sujet dans un unique principe de survie, et animent unedangereuse protestation identitaire qu’il faudra savoir saisir de la profondeur biographique. Lapathologie en psychiatrie et plus encore l’actualité de notre modernité interrogent plus dure-ment les racines de la haine et la genèse intersubjective de son exigence

 

 
 
 
 
 
 

Pour l’approche phénoménologique existentielle, l’enjeu de la viehumaine répond de l’équilibration des antinomies existentiellesfondamentales : la liberté au prix de la nécessité, la créativité àla mesure du conformisme et l’unique de l’identité humaine dans sa propor-tion avec le même, ces équilibres relevant de l’articulation harmonieuse desassises affectives émotionnelles formant le socle de la dynamique vitale et deson lien à l’environnement.Le trouble mental décline parfois intensément ces trois questions :celle de la liberté du sujet dans l’angoisse et ses multiples formes (panique,tension, phobie, état dissociatif, somatisation...) où est mise en questiondirectement la Confiance, celle de la créativité dans le trouble de l’humeur,la dépression et la manie (et les immédiats de la crise, de l’itération, de l’ad-diction...) et celle de l’identité dans la dissociation schizophrène (retraitautistique, délire paranoïde) et dans le trouble psychotique et la disjonctionentre de Soi et le corps notamment.La haine se définit classiquement comme une hostilité très profonde,une exécration et une aversion intenses envers quelqu'un ou quelque chose.Calculée, froide et systématique, la haine se distingue de la simple inimitié,plus spontanée, impulsive et affective. De structure complexe, elle connoteune humeur dysphorique, sthénique et froide, un composite d’émotions néga-tives mêlant colère, tristesse, dégoût et peur, et souvent d’une satisfactionsthénique, un sentiment de frustration, d’injustice, de jalousie, de mépris, detrahison, qui forment le socle d’un thème de revanche et de vengeance, et ani-Séminaire de psychanalyse 2015 - 2016Approche phénoménologique existentielle de la haineApproche phénoménologique existentiellede la hainePr Dominique Pringuey

Si l’enjeu de la vie humaine répond de l’équilibration des antinomies existentielles fonda-mentales, la liberté au prix de la nécessité, la créativité à la mesure du conformisme et l’uniquede l’identité humaine dans sa proportion avec le même, alors l’expérience de la haine peut signi-fier la désarticulation entre les assises affectives émotionnelles et l’émancipation douloureusede la colère, du dégoût, de la tristesse et de la peur, détachées de la confiance et du sentimentbasal de sécurité et en rupture de leur lien proportionnel habituel Alors l’énergie vitale et l’exal-tation réduisent le projet humain à la quête solitaire, violente et illusoire d’une sauvegarde dela liberté, engagent la dynamique du sujet dans un unique principe de survie, et animent unedangereuse protestation identitaire qu’il faudra savoir saisir de la profondeur biographique. Lapathologie en psychiatrie et plus encore l’actualité de notre modernité interrogent plus dure-ment les racines de la haine et la genèse intersubjective de son exigence.Mots-clefs :haine, émotions, identité, phénoménologie, approche existentiellement un comportement d’évitement puis de violence.Ces traits mêlés d’humeur, d’émotion et de sentiment motivent la repri-se d’une phénoménologie de la vie affective émotionnelle qui d’abord entendpar affectivité la « faculté d’être affecté par... » (Tatossian 1979) et par affectun état psychique minimal qui caractérise le sens des réactions de l’agréable(plaisir) au désagréable (douleur). La vie affective résulte de la compositionde trois dimensions distinctes intriquées, l’humeur, assise basale, autonome,portant des variations lentes, de tonalité passive en épaisse toile de fond del’expérience (être de bonne ou de mauvaise humeur), le sentiment, affectivi-té-conflit et relationnelle, qui prend la forme significative d’une action dumoi, attachée à un objet particulier, et déroule le temps d’une action avec undébut, une acmé et une terminaison, et l’émotion, réactivité affective, sensi-bilité aiguë et ponctuelle, réponse non spécifique à l’événement mais qui vautpour un appui fort du lien relationnel dans le message corporel, réactionsignificative à expression faciale notable.Paul Ekman (1969) a proposé une typologie pratique de la catégorisa-tion faciale des émotions sur la base de leur universalité expressive, opposantautour des traits neutres de la surprise, la mimique si reconnaissable de la joie(appelant l’adhésion) au quatuor des émotions négatives, la tristesse, la peuret le dégoût (inspirant la fuite) et la colère (motivant l’attaque) (Mastsumoto2001).À la haine, on oppose aussi trop hâtivement l’amour qui depuis Platonmêle toujours plusieurs émotions « fondamentales » et ressort d’une compo-sition habile de la filia, amour pour le genre humain, du couple fait de l’éros,désir et plaisir sexuel, et de la storgé, amour dans la famille, les enfants, lesparents, le tout porté par l’agapéqui est le caractère inconditionnel, absolu etsacrificiel de l’amour.La haine plus qu’un visage, est à la fois un regard, une posture qui peutêtre agressive, menaçante, raide, tendue, une humeur rageuse, glaciale, colé-reuse, une menace, dans le geste, les insultes, la provocation, la malédiction,la vengeance, le projet de mort, un passage à l’acte, la violence, le crime...D’un point de vue descriptif, l’expérience de la haine signifie l’éman-cipation douloureuse de la colère, de la peur, du dégoût et de la tristessemélangés, émotions négatives en rupture de leur lien proportionnel habituelet détachées de la confiance et du sentiment basal de sécurité et leur recom-position plus ou moins marquée avec la dimension positive sthénique. Alorsl’énergie vitale et l’exaltation combinée aux émotions négatives réduisent leprojet humain à la quête solitaire, violente et illusoire d’une sauvegarde de laliberté, engagent la dynamique et l’énergie du sujet dans un unique principede survie, et animent une dangereuse protestation identitaire. Alors il faudrasavoir saisir de la profondeur biographique le début du trouble et y déceler lesracines de la colère, la genèse intersubjective à l’origine de son exigence.Haïr, c’est vouloir la mort de l’autre c’est le refus de toute détermina-tion et donc de l’autre, « banale » possibilité, certes extrême mais d’une sim-150ALI Alpes-Maritimes–AEFLSéminaire de psychanalyse 2015 - 2016Pr Dominique Pringuey

 

plicité étrange qui surligne l’effort éthique de la paix et du renoncement à laréciprocité (Girard 2007). Après l’échec du processus d’externalisation dia-bolique, elle apparaît comme la tentative ultime d’une projection du mal surl’autre, et devient le motif du combat contre « l’axe du mal ». Elle est enfinun échec définitif en ce que la liberté de l’autre est fondamentalement inac-cessible.« Homo homini lupus est» ! l’assertion « l'homme est un loup pourl'homme » serait la réponse ironique de Plaute vers 195 av. J.C. dansAsinaria, La Comédie des Ânes, à Cæcilius Statius pour qui Homo hominideus est,si suum officium sciat(l'homme est un dieu pour l'homme, s'ilconnaît son propre devoir) Fabulaincognita, V. 265, assertion que Sénèqueobstinément refuse : Homo, sacra res hominià (l’homme est une chose sacréepour l’homme) Lettres à Lucilius, XCV, 33. Thomas Hobbes la reprendradans l’épître dédicatoire de son De cive, et nombre sont ceux qui confirme-ront : Érasme Adagiorum Collectanea, Rabelais Tiers livre (chapitre III),Montaigne Essaislivre III, chapitre V, Agrippa d'Aubigné Les Tragiques(Livre I), Francis Bacon De Dignitate et augmentis scientiarum et NovumOrganum, Schopenhauer Le Monde comme Volonté et commeReprésentation...Pourquoi tuer l’autre« Je te tue avant que tu me tues », pour que jevive et que j’assure ma descendance..., mais je ne le sais pas. Je te tue pourfaire vivre et assurer le meilleur pour l’humanité à venir : on évoque l’étudepopulationnelle des haplotypes Y l’atout d’un brassage génétique adaptatifpar acquisition des femmes des vaincus (Haak 2015).Et Thomas Hobbesredevient à la mode. « C'est par crainte de la mortviolente que (l’homme) fait société avec ses semblables » (Decive1642).L'homme n’est pas sociable par nature mais par nécessité. L'égalité naturelle,soit le désir d’appropriation, fait peser sur la vie de tous une menace perma-nente. L’état de nature est un état de « guerre de tous contre tous » (Bellumomnium contra omnes), un état sans loi, sans juge et sans police... un étatfondamentalement mauvais ne permettant pas la prospérité, le commerce, lascience, les arts, la société. C’est seulement par contrat civil que l’hommegarantit ce qui ne l’était pas dans l’état de nature : sa liberté, sa sécurité etl’espoir de bien vivre. Selon son bon vouloir et l’air du temps.Hegeldans sa « Phénoménologie de l’esprit » (1807) considère quec’est en vue d’une reconnaissance mutuelle que toute conscience poursuitinéluctablement la mort de l’autre. Si les hommes sont engagés dans une lutteà mort les uns avec les autres, c’est afin de se faire reconnaître comme hom-mes, de s’élever au-dessus de la vie animale, de s’affirmer en tant que cons-cience de soi, d’accéder à la conscience de leur propre autonomie. Cettereconnaissance mutuelle par le combat avec l’autre assure les droits de l’êtresingulier et préserve la différence au sein de l’unité. Cette thèse de la recon-naissance sera reprise dans le contexte de la philosophie sociale par AxelHonneth (2008).JP Sartre (1943) dans « L’être et le néant* » propose un véritable151ALI Alpes-Maritimes–AEFLSéminaire de psychanalyse 2015 - 2016Approche phénoménologique existentielle de la haine

 

« traité » des relations concrètes avec autrui et entreprend une analyse phéno-ménologique fine de la haine, du sadisme et de la honte (p401) Il voit dans ledésir une émotion d’appropriation de la chair d’autrui : la conscience se faitcorps et fait l’expérience d’un trouble. Le sadisme manifeste l’échec dudésir ; il est refus de la chair et du trouble, pure conscience, pure liberté d’as-servir l’autre devenu un simple objet. La haine vaut pour un double échec carelle devient désir d’annihilation de l’altérité et de l’autre. Elle consiste à vou-loir la mort de l’autre pour se libérer totalement de son aliénation. Guerrecontre l’autre en général, la haine réclame elle-même d’être haie.De fait, l'autre constitue mon être même et j’ai besoin de l’autre pourla constitution de mon moi : je ne suis un être pour soi qu’à travers l’autre.Mais l’autre est aussi essentiellement celui qui me regarde et qui limite maliberté : je m'éprouve dès le départ dans la rencontre comme "possédé" parl’autre. Être vu par l'autre est ma honte, une passivité, une décentration demon monde. Je hais le pouvoir que l’autre a sur moi. Je hais l’autre en entier,son existence, sa liberté. Et je hais tous les autres en un seul. Et je leur fais laguerre...Mais « la guerre est finie ! » titre Frédéric Gros en 2006 dans son tra-vail intitulé « États de violence ». De fait, comme conflit armé, public et juste(Alberico Gentillis, De jure belli1597 livre I, chapitre II) la guerre qui vise àla mise en forme du chaos dans un horizon régulateur n’est plus. Elle reposaitjadis sur la tension éthique d’un échange de morts dans le contexte de l’hon-neur, du courage et du sacrifice ; elle avait pour objectif l’unité politique dela Cité, de l’État ou de l’Empire ; elle possédait un cadre juridique au titre dela « poursuite armée de la justice » qui se résumait dans une cause. La confi-guration terroriste dans l’assassinat aléatoire de civils démunis, l’attaqued’individus vulnérables, une surenchère d’atrocités portées dans la Cité, lespectacle du malheur nu, télévisé, en ligne, signent de fait la venue – leretour ? – des « états de violence ».La guerre consistait à risquer sa peau pour sauver des vies et, qu’on lagagne ou qu’on la perde, assurer l’avenir et la paix. Elle instaurait une rupturedans l’histoire. Le terroriste vise en se tuant à tuer le maximum de personneset à détruire le passé, dans la perpétuation indéfinie d’un cauchemar continuau sein d’un monde global régulé par les systèmes de sécurité et des interven-tions. De fait la guerre est finie, disparus ses honneurs et ses atrocités. Lavenue des états de violence diligente mesures sécuritaires, vigilance continue,et impose un vivre composant avec la violence devenue le sentiment de « vul-nérabilité d’un vivant soumis aux dangers de causes extérieures : attentatsaussi bien que maladies, accidents, catastrophe naturelle, conflits civils oucrimes de droit commun. ». (Gros 2006) C’est l’état terroriste.Et la radicalisation terroriste interroge. Si nous « revenons aux choseselles-mêmes », force est d’ébaucher une compréhension anthropologique del’acte terroriste. Celui-ci le plus souvent émane d’un membre d'une organisa-tion politique qui l’exécute pour imposer par la terreur ses conceptions idéo-logiques. Le terme de radicalisation, substantif de radical – de radix, la racine,se rapporte à ce qui est profond, intense, total, absolu, dans un comportement152ALI Alpes-Maritimes–AEFLSéminaire de psychanalyse 2015 - 2016Pr Dominique Pringuey

 

ou une décision, à ce qui détient un caractère excessif, fondamentaliste. Onqualifie ainsi l’« accroissement ou le renforcement du caractère extrémistedes pensées des sentiments et des comportements d’individus ou de groupesd’individus » animant une violence collective (Mandell 2009).D’une grille académique qui énumère ses propriétés, la radicalisationressort d’aspects multiples, psychologiques: cognitifs, émotionnels, motiva-tionnels, relationnelsde type empathique : propriété des structures et organi-sations assurant les recrutements, promoteurs: qui sont le fait d’instigateurs,de facilitateurs, de catalyseurs, et socioculturelset historiques, qui légitimentune contagion thématique aisée. Le modèle du processus d’adhésion actuelaux organisations de l’islam terroriste est instructif, dévoilant les ressorts desa dynamique (Centre de Prévention des Dérives Sectaires liées à l’Islam). Lemécanisme de recrutement passe dorénavant par les réseaux sociaux, nourrisde la propagande du cyberterrorisme et s’avère plus lisible de ce fait. Les spé-cialistes décrivent l’exemple typique de « l’hameçonnage » d’un sujet jeune,âgé de 15 à 25 ans, plutôt issu des classes moyennes et supérieures, venantdans 80 % des cas de familles athées (Bouzar 2014).L‘opération de radicalisation terroriste se prétextant de l’islam sedéroule en quatre phases. La première est une phase de sensibilisation depuisle web et les réseaux au travers d’informations générales notamment agré-mentées de vidéos. Le message rapporte les difficultés de notre vie quotidien-ne à une injustice qui génère un mal-être et à l’abandon par la laïcité de toutecroyance et pratique religieuse. Sont évoqués pêle-mêle les excès de la civi-lisation de consommation, le règne de l’argent, les publicités mensongères,les scandales sanitaires, la domination des firmes pharmaceutiques... le toutcouplé à une opération de « love bombing » qui renforce le lien. S’ensuit unephase de déconstruction selon une progression algorithmique calculée desmodalités du message, ajusté selon les intérêts du sujet par le suivi de ses« like ». Est alors affichée la thèse du complot : des sociétés secrètes mani-pulent l’humanité. Sont profilés les paramètres idéaux de la solution isla-mique extrémiste qui ont pour effet d’accentuer l’isolement. Le troisièmetemps est à la reconstruction qui personnalise les messages de séduction etprésente définitivement l’islam radical comme seule solution toujours plusmagnifiée par des qualités extraordinaires de beauté, de vérité, de pureté... Ledernier stade est celui d’un renforcement par un suivi serré, le rappel ducaractère irréversible de la conversion, l’usage de la culpabilisation, desmenaces... S’ensuit un intense processus d’intégration groupale militante,défaisant les derniers restes de la personnalité, par la formation au combatdans un climat de compétition pour atteindre l’idéal et la planification dehauts faits guerriers pour l’accomplir sous la forme majeure de l’attentat sui-cide. Bien que le suicide soit interdit dans l'islam, de même que les conduitesvisant à semer la corruption sur la terre, l’islamisme radical déploie une théo-rie mortifère, glorifiant la mort de ses combattants en guerre contre lesmécréants. Leur projet est de devenir « Chahid », martyr de Dieu, en tuant desimpurs pour gagner le paradis qui les attend.Cette progression ressemble singulièrement à un processus d’adhésionsectaire tel le mécanisme d’embrigadement pratiqué par la scientologie

 

notamment, comme le commente récemment un très important documentaire(Gibney 2015) basé sur un livre de témoignages édifiants (Wright 2015). Lepoint d’ancrage initial est à la vulnérabilité subjective. On s’adresse plutôt à un sujet de personnalité fragile, en période de difficulté, par exemple dans ledécours d’une déception sentimentale, en échec ou difficulté scolaires ou pro-fessionnels, à la suite d’un accident de santé... sujet dont les proches sont peu disponibles, le milieu familial distant, rigide et froid, peu aidant voire disqua-lifiant, ou « absent ». Voire, il s’agit d’un sujet rejeté par les siens pour divers motifs liés à ses comportements antisociaux tel la délinquance. C’est alors l’histoire d’une rencontre qui fournit une série de réponses aux questions émanant du mal-être vécu. Une écoute empathique facilite la verbalisation des problèmes créant un climat de confiance, une solution estsuggérée dans un message délivré de façon habillement dosée et manipulé, et qui aboutit de façon caractéristique à la proposition d’un soutien de diversesformes mais qui évolue au travers d’un projet d’intégration à un groupe sub-stitut du groupe d’appartenance sociofamilial d’origine. Ce groupe dominépar une figure d’autorité, dirigé souvent par un gourou, nouvelle communautétrès structurée, apporte un soutien souvent exalté, offrant une reconnaissancecapable de redonner confiance en soi et même de fournir une identité de rem-placement, jusqu’à la liberté de changer de nom pour un titre mythique,pseudoscientifique ou guerrier. Le processus initial d’amorçage montre enquoi la séduction dans sa puissance, et indépendamment de la recherche debénéfices secondaires, détient les principes de l’exercice d’une emprise surautrui et guide le projet de son aliénation. L’adhésion à une secte a été assi-milé à une addiction (Abgrall 1996, Clément 2006) selon le schéma classiqued’une rencontre significative entre un sujet, une situation et un produit.On retrouve une faiblesse initiale de l’adepte en rupture avec sonmilieu, un contexte d’anomie institutionnelle motivant l’expression culturelled’une protestation anthropologique contre les structures de la modernité(Hunter 1981) et la manifestation d’un besoin de transcendance par la recher-che d’un canal de contact avec l’extraordinaire – la science-fiction chezHubbard dans la création de la Scientologie (Wright 2015), le sacré et le supranaturel, satisfaisant alors un développement personnel impérieux depuis lesubstitut d’une famille que propose un groupe d’appartenance structuré.Il faut compter aussi avec les méthodes de persuasion au moins aumoment de l’amorçage initial. On a montré en psychologie générale dans lathéorie de l’engagement comment un individu se trouve lié à ses actes selonl’importance qu’ils revêtent pour lui (Kiesler 1971). De fait, il nous sembleque nous prenons nos décisions en toute liberté quand bien même autrui nous les auraient inspirées. Malgré nous, nos valeurs propres se trouvent mises en question dans les mécanismes d’obéissance « agentique » à l’autorité(Milgram 1963) comme à ses figures. Diverses stratégies de communication simples permettent d’obtenir que nous infléchissions nos comportements ou que nous changions d’opinion ou de croyance dans certaines circonstances,en faveur d’une « soumission librement consentie » résultant des mécanismes de contact, d’amorçage, de manipulation de l’information... et que nousadoptions en toute liberté des comportements nouveaux après avoir réaliséceux qu’autrui est parvenu à obtenir de nous (Joule & Beauvois 1998).Si nous revenons à l’étude des motivations à l’engagement terroriste,on relèverait diverses configurations psychosociales peu ou prou centrées surun vécu de haine. Dans un contexte sociohistorique propice, l’expérience duressentiment valide le principe de la vengeance et de sa réciprocité (Girard2007). Sur l’horizon relationnel matriciel, pour divers motifs indépendants dela question sociale, religieuse ou politique, père, mère et proches familiauxn’ont pas permis de surmonter une crise de l’adolescence, barrant l’accès dusujet à une autonomie harmonieuse. Cet échec motive alors la quête effrénéed’une identité, favorisant l’émancipation d’un projet radical. Reprenant leplus haut de la pyramide des besoins humains qu’Abraham Maslow a proposédans les années quarante, l’approche phénoménologique relie cette quêteidentitaire au comblement de trois besoins vitaux fondamentaux articulésentre eux :Un besoin de signification, un besoin de reconnaissance et un besoind’identité. Le besoin de signification, vigoureusement porté par Karl Jasperset Victor Emile Frankl, correspond au souci de donner un sens à sa vie, à lavie, et de savoir gagner sa liberté face à la nécessité, et dans certaines condi-tions la défendre au risque d’en mourir.Le besoin de reconnaissance étayé par Axel Honneth (2008), définittrois sphères interdépendantes : celle de l’intime, de l’amour, où est reconnuela valeur de l’être et qui fonde la confiance en soi, celle des activités coopé-ratives, du travail, de lavie de familleoù est reconnue la valeur de la contri-bution de l’individu, de son utilité sociale, et qui fonde l’estime de soi, et lasphère juridique et politiqueoù est reconnue la valeur de la liberté de l’indi-vidu et des droitsqui la garantissent, qui fonde le respect de soi. Lorsque nises proches ni le corps social ne permettent pas d’en disposer, on peut gagnercette reconnaissance d’une relation interpersonnelle « située » soutenue parune « appartenance » groupale nouvelle de substitut.Enfin, et il s’agit bien d’une issue de la reconnaissance, le besoin d’i-dentité que Paul Ricœur, après d’autres, a inscrit comme un enjeu existentielmajeur où, depuis l’autre, le Soi se construit, est fondamental : il s’agit d’êtrel’auteur de cette construction qui articule l’identité et le corps en vue d’équi-librer le même (identité Idem) et l’unique (Identité ipse), et en continu d’a-juster l’autre que Soi à l’autre de Soi, ou son inverse.Or pour le combattant, la guerre a valeur de tenir au moins cinq confi-gurations éthiques élémentaires (Gros 2006). À la guerre, il s’agit de sedépasser : c’est l’éthique chevaleresque, le défi des héros, un code d’honneur,l’affirmation de soi. Il faut tenir bon et manifester courage, endurance et maî-trise de soi. Il convient d’obéir, simple rationalisation de l’art de la guerre oùl’on devra savoir se sacrifier, mourir pour une cause qui nous dépasse, unidéal. Il est nécessaire d’en finir, soit d’anéantir l’autre jusqu’au désastre et àl’armistice. Ces configurations portent le parfait construit de l’identitéhéroïque où la mise en jeu de sa propre vie vise à gagner une liberté perdue,obtenir enfin une reconnaissance et assumer une identité durement acquise.155ALI Alpes-Maritimes–AEFLSéminaire de psychanalyse 2015 - 2016Approche phénoménologique existentielle de la haine

 

Et il est des situations de vie plus propice à la montée aux extrêmes,reportant la question à leur origine, ce que les classiques ont approché dansle concept de ressentiment, ce que Freud a vu dans le meurtre du père, ce quela phénoménologie pourrait retenir comme une récapitulation de l’êtreconfronté à une finitude perdue et réifiée en don où le vaniteux le dispute àl’absurde.CONCLUSIONEn contrepoint de la conclusion de Jean Paul Sartre à son œuvre prin-ceps « L’être et le néant » où il déplore que « L’homme (est) une passioninutile » p. 662, nous proposons de reprendre l’énigmatique déclaration deMartin Heidegger faite au cours d’un entretien télévisé en 1966 et publié auSpiegel en 1976 pour qui « seulement un Dieu peut encore nous sauver », unDieu advenant de nouveau dans « la lumière de l’Être » et venant nous sauver« de l’emprise du nihilisme » (Sichère 2002). L’interprétation de cette asser-tion depuis son grand œuvre suggérerait trois sources de salut possibles : desretrouvailles avec la parole des Grecs et les dieux de la Grèce..., la reprised’un dialogue passionné avec Nietzsche et avec le mot de Nietzsche ‘’Dieuest mort’’, et l’entente de la parole du poète Hölderlin : « Proche et difficileà saisir est le Dieu » (Sichère 2002).On a fait dire à André Malraux que « le XXIe siècle sera religieux oune sera pas » ce qu’il a récusé plusieurs fois. Questionné dans les années cin-quante sur le fondement religieux de la morale, Malraux répondait : « Depuiscinquante ans, la psychologie réintègre les démons dans l’homme. Tel est lebilan sérieux de la psychanalyse. Je pense que la tâche du prochain siècle, enface de la plus terrible menace qu’ait connu l’humanité, va être d’y réintro-duire les dieux. » « Le problème capital de la fin du siècle sera le problèmereligieux sous une forme aussi différente de celle que nous connaissons, quele christianisme le fut des religions antiques.». Pour signifier que le « retourdu religieux » auquel nous assistons, notamment sous sa forme fondamenta-liste et terroriste, est aux antipodes du religieux qu’il appelait : un événementspirituel majeur capable de sortir l’homme de l’abîme dans lequel il s’estplongé au cours du XXe siècle, l’avènement d’une « nouvelle spiritualité auxcouleurs de l’homme » étouffée en ce début de siècle par la fureur du chocdes identités religieuses traditionnelles » (Lenoir 2005).La question religieuse qui fait issue de cette réflexion motiverait dereprendre sous son enseigne notre développement où nous sommes de faitrendus au problème psychopathologique de la distinction entre croyances etdélire qui, pour être familier à la discipline, ne s’est jamais résolu aisément.BIBLIOGRAPHIEABGRALLP.La mécanique des sectes. Ed Payot Paris 1996/2002 Centre de Prévention des Dérives Sectaires liées à l’Islam. http://www.cpdsi.fr/.CLÉMENTF.Les mécanismes de la crédulité, Librairie Droz Genève/Paris,2006156ALI Alpes-Maritimes–AEFLSéminaire de psychanalyse 2015 - 2016Pr Dominique Pringuey

 

BOUZARD., CAUPENNECH., VALSANS.La métamorphose opérée chez lejeune par les nouveaux discours terroristesNovembre 2014. http://www.bou-zar-expertises.fr/metamorphoseELBOGENEB, JOHNSONSC.The Intricate Link Between Violence and MentalDisorder. Arch Gen Psychiatry 2009 ; 66, 2 :152-161 EKMANP, SORENSON, ER, FRIESENWV.Pancultural elements in facialdisplays of emotion. Science, 1969 ; 164 (3875), 86-88.FRANKLV.E.Découvrir un sens à sa vie avec la logothérapie. Éditions del'Homme, Paris 1988, Réed J’ai lu, Paris 2013GIBNEYA.Scientologie sous emprise. Documentaire Canal+ du 11 novembre2015. Web 2:16:41 : https://www.youtube.com/watch?v=R-mhNHM1z3YGIRARDR.Achever Clausewitz. Ed. Carnets Nords Paris, 2007GROSF. États de violence. Essai sur la fin de la guerre. Ed. Gallimard HRFEssais Paris 2006HEGELPhénoménologie de l’esprit. 1807, Ed. Gallimard NRF Paris 1993HEIDEGGERM.« Seulement un Dieu peut encore nous sauver». Entretien auDer Spiegel le 23 septembre 1966HONNETHA.La lutte pour la reconnaissance dans la philosophie socialed’Axel Honneth. Présentation par Yannick Courtel, Revue des sciences reli-gieuses 2008, En ligne : rsr.622-la-lutte-pour-la-reconnaissance-dans-la-phi-losophie-sociale-d-axel-honneth1.pdf HUNTERJ.The new relidions : demodernization and the protest againstmodernity In The social impact of the new religions movementsEd. BrianNelson, The Rose of Scharon Press 1981, 1-19JASPERSK. Introduction à la philosophie. Ed. Bibliothèque Paris 2001JOULERV, BEAUVOISJL. La Soumission librement consentie : Commentamener les gens à faire librement ce qu'ils doivent faire ?PUF 1998.KIESLERCA.The Psychology of Commitment, Academic Press, New York,1971LENOIRF.Malraux et le religieux. Le Monde des religions, septembre-octo-bre 2005, n° 13MILGRAM, S."Behavioral Study of Obedience". Journal of Abnormal andSocial Psychology 1963 ; 67 (4) : 371–8. MANDELLD.R. Radicalization, what does it mean ?in Home GroundTerrorism. Ed. TM Pick et al. IOS Ress 2009, 101-113. From Tinking, Riskand Intelligence Group. Adversarial Intent Section Defence R&D Canada-TorontoMATSUMOTOD.Culture and Emotion. In D. Matsumoto (Ed.), The handbookof culture and psychology. New York : Oxford University Press. 2001, pp.171-194RICŒURP.Soi-même comme un autre. Ed. Seuil, Paris 1990.SARTREJP L’être et le néant. Ed. Gallimard Paris, 1943 pp 604SICHèREB.Seul un dieu peut encore nous sauver. Le nihilisme et son envers.Ed. Desclée de Brouwer, Paris, 2002TATOSSIANA.Phénoménologie des psychoses. Ed. Masson Paris 1969, Rééd.Art du Comprendre Vrin Paris 2011WRIGHTL.Devenir clair : la scientologie, Hollywood et la prison de la foi.Ed. Pirhana, 2015 pp. 464157ALI Alpes-Maritimes–AEFLSéminaire de psychanalyse 2015 - 2016Approche phénoménologique existentielle de la haine

 

 

--------------------------------------------------------2--------------------------------------------------------

ARTICLE 2  du 19.06.2019

Mathieu Bock-Côté: «Contenir la haine ou étouffer la dissidence?»

>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>

CHRONIQUE - Nul ne contestera la nécessité de civiliser les médias sociaux et de calmer les fous furieux qui y sévissent. Mais s’il faut maudire la haine, on aura au moins la décence de la définir sans œillères idéologiques.

La députée LREM Laetitia Avia a présenté à la commission des lois de l’Assemblée nationale sa proposition de loi sur «la haine en ligne». Cette préoccupation, de plus en plus présente dans le monde occidental, doit pourtant susciter de grandes inquiétudes. Si chacun peut convenir de la nécessaire civilisation des mœurs sur les réseaux sociaux, où se déversent quotidiennement des torrents de la boue virtuelle la plus toxique qui soit, certains se demandent si une telle politique ne conduira pas à une extension du domaine de la censure. La lutte contre «la haine en ligne» ne risque-t-elle pas de virer assez rapidement à la mise à l’index des idées qui ont mauvaise réputation et qui ne s’expriment pas toujours dans un langage amidonné? Ce n’est pas la première fois que LREM essaie de restreindre le domaine de la liberté d’expression.

» LIRE AUSSI - François Sureau: «Les lois liberticides prospèrent sur notre démission collective»

Car la question de la haine est plus complexe qu’on ne le croit. De manière quasi rituelle, on l’assimile au combat contre le racisme, l’antisémitisme, l’«islamophobie», l’homophobie et le sexisme. Qui s’y opposera? Toutefois, la définition de ces termes ne cesse de s’étendre. Qui s’oppose à l’immigration massive a de bonnes chances de passer pour raciste. Qui critique l’islam ou s’oppose à l’islamisme sera quant à lui étiqueté islamophobe ou antimusulman. Le refus de souscrire à l’agenda LGBTIQ+ vaudra assurément à l’inconscient qui s’y risque une réputation d’homophobe ou de transphobe. En d’autres mots, le régime diversitaire en vient presque inévitablement à ranger dans la catégorie des haineux ceux qui refusent de s’y soumettre. Peut-être est-ce inévitable lorsqu’on se croit porté par le sens de l’histoire.

C’est plus fort qu’elle : la gauche a tendance à transformer son combat politique en croisade idéologique et à transformer ses adversaires en ennemis du genre humain

C’est plus fort qu’elle: la gauche a tendance à transformer son combat politique en croisade idéologique et à transformer ses adversaires en ennemis du genre humain. Elle «extrême-droitise» systématiquement ceux qui lui résistent. La pensée progressiste se construit en rejetant dans les marges ce qui lui est étranger. Ne lui suffit-il pas de classer une idée à droite pour se croire dispensée de la discuter?

Dans son esprit, toute résistance à sa vision de l’émancipation s’exprime au mieux par l’ignorance, au pire par l’intolérance. Sans surprise, elle accuse ceux qui lui résistent de verser dans la haine. Ne serait-ce que pour cela, on devrait relativiser le concept de «discours haineux» ou d’«incitation à la haine» qui prend tant d’importance aujourd’hui.

Pour nos progressistes, ce sont toujours les groupes «minoritaires» qui sont victimes de la haine issue d’une «majorité» heurtée à l’idée de perdre ses privilèges et se déchaînant pour cela contre eux. La haine contre la «majorité», lorsqu’on daigne la reconnaître, sera interprétée comme une réaction exagérée mais légitime de défense des groupes discriminés contre le sort qu’ils subissent. Cette théorisation d’une haine à sens unique n’a rien pour surprendre. Faut-il rappeler que la sociologie diversitaire ose nier l’existence du racisme anti-Blancs comme si ce concept était fondamentalement absurde? Aussi bêtement militante soit-elle, cette sociologie n’en demeure pas moins aujourd’hui dominante, à la fois dans les sciences sociales et dans le système médiatique.

» LIRE AUSSI - Loi «contre la haine» sur internet: objectif louable mais danger pour la liberté d’expression!

Il existe pourtant aussi un progressisme haineux. Lorsque nos progressistes nazifient ceux qu’ils appellent les populistes, ils y cèdent. Il suffit de voir de quelle manière des figures publiques jugées controversées sont traitées sur les réseaux sociaux dès qu’ils sont rattrapés par la polémique. Le rituel est toujours le même: on les conspue, on les diabolise, on se demande pourquoi ils ont droit à une tribune et on en appelle à leur expulsion de l’espace public. Contre les salauds officiels du régime diversitaire, toutes les injures sont permises. Il suffit de voir le traitement réservé à un Éric Zemmour, qui subit une campagne de diffamation permanente dans les grands médias et sur les réseaux sociaux pour comprendre que la haine en elle-même n’indigne pas nos progressistes, et qu’ils n’y sont pas étrangers.

Revenons-y: nul ne contestera la nécessité de civiliser les médias sociaux et de calmer les fous furieux qui y sévissent en y multipliant les propos les plus abjects, clairement diffamatoires. Mais s’il faut maudire la haine, on aura au moins la décence de la définir sans œillères idéologiques. Sans quoi on sera en droit de se demander si la question de «la haine en ligne» ne sert pas plutôt de prétexte pour justifier le contrôle politique et idéologique sur les réseaux sociaux. Ce qu’on leur reproche, essentiellement, c’est d’être un espace se dérobant aux codes de la respectabilité politico-médiatique où peut s’exprimer sans complexe et quelquefois de manière débridée une vision du monde hostile à l’idéologie dominante. Autrement dit, il est bien possible qu’on cherche moins à contenir la haine qu’à étouffer la dissidence.

Cet article est publié dans l'édition du Figaro du 22/06/2019. Accédez à sa version PDF en cliquant ici

--------------------------------------------------------------1----------------------------------------------------------

 

ARTICLE 1  du 19.06.2019

 

Les années Pompidou: était-ce le bon temps?

>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>

 

RÉCIT - Il y a cinquante ans, Georges Pompidou succédait au général de Gaulle à la présidence de la République. La Ve République allait devoir fonctionner sans son fondateur. Ce «quinquennat» fut un temps de prospérité qui, cependant, vit poindre les germes des crises que nous connaissons.

C’était il y a cinquante ans, jour pour jour. Le président de la République par intérim, Alain Poher, accueillait ce 20 juin 1969 Georges Pompidou sur le perron de l’Élysée. Ainsi s’achevait la deuxième campagne présidentielle de l’histoire de la Ve République. Tout s’était précipité après la victoire du non au référendum du 27 avril sur la réforme du Sénat. Le général de Gaulle avait brusquement décidé de tirer sa révérence et de quitter l’Élysée, obligeant les électeurs à une présidentielle anticipée. Georges Pompidou, âgé de 58 ans, ancien premier ministre du général, s’y était naturellement présenté, même s’il était conscient du fait que son choix n’était pas à proprement parler une évidence pour le parti gaulliste. Il n’était pas un ancien de la France libre, un baron du «gaullisme». Mais il se réclamait de sa grande proximité avec le fondateur de la Ve République, lui écrivant dès le 28 avril, depuis son bureau du boulevard de Latour-Maubourg, qu’il se présenterait à sa succession pour conforter son œuvre: «Je puis vous assurer qu’aucune des grandes directions que vous avez marquées (…) ne sera abandonnée de mon fait.» Le Général n’était pas entièrement convaincu par ce discours. Pour lui, son échec au référendum était en partie dû à l’attitude de Georges Pompidou (qui avait pourtant fait campagne pour le oui, à la différence de Giscard d’Estaing).

Georges Pompidou et Charles de Gaulle, sur le perron de l’ Elysée, le 10 février 1968.
Georges Pompidou et Charles de Gaulle, sur le perron de l’ Elysée, le 10 février 1968. - Crédits photo : Rue des Archives/Credit ©Rue des Archives/AGIP

Entre le vieux Connétable et son fidèle serviteur, les relations s’étaient détériorées depuis les événements de Mai 68 et ils avaient cessé de se fréquenter après le triste dîner du 12 mars 1969 à l’Élysée. La misérable affaire Markovic, montage photographique d’une cellule de «barbouzes» du SDECE (service secret extérieur) humiliant Mme Pompidou, avait définitivement rompu les liens entre les deux hommes. Pompidou reprocha à de Gaulle de ne pas l’avoir assez soutenu dans cette épreuve mettant en cause l’honneur de sa femme. De Gaulle avait eu la réaction détachée de l’homme d’État impitoyable qu’il avait toujours été. «À trop vouloir dîner en ville dans le tout-Paris comme aiment le faire les Pompidou et à y fréquenter trop de monde et de demi-monde, il ne faut pas s’étonner d’y rencontrer tout et n’importe qui», dira de Gaulle à son fils. Le héros du 18 Juin reprochait notamment aux Pompidou leur familiarité avec des vedettes de cinéma qui frayaient ouvertement avec des truands. Le Général ne supportait pas cette fascination pour le showbiz de l’ancien petit enfant d’Auvergne qu’il aurait fini par surnommer «Marie-Cantal». Pour les gaullistes historiques, un autre «faux pas» avait accentué la rupture entre les deux hommes. Les déclarations de Rome et de Genève de Pompidou, où ce dernier avait fait savoir au début de l’année 1969 qu’il briguerait la succession du Général le moment venu. L’Élysée s’était empressé de faire savoir que la question n’était pas à l’ordre du jour. Bref, les entourages avaient fait monter la polémique. Querelles d’appareils sur fond de fin de règne.

En janvier 1968, 40 % des personnes sondées pensaient que la Constitution de 1958 ne serait pas maintenue après le départ du Général.

La grande question qui se posa dès l’annonce de la démission du Général était de savoir si les institutions de la Ve République, si ces fondations quasi monarchiques voulues par le Général, en d’autres termes cette «monarchie républicaine» bâtie pour son fondateur, seraient susceptibles de survivre à sa disparition. Ne risquaient-elles pas d’étouffer ses successeurs, comme le château de Versailles, pensé pour Louis XIV, fut fatal à ses héritiers? La grandeur peut se révéler fatale.

Certains Français s’interrogeaient. Après dix ans d’une présidence flamboyante, guidée par cet homme exceptionnel qui, comme le disait François Mauriac, disposait de «l’incroyable pouvoir d’oser dire: “Moi, la France”, et d’être cru», la question restait ouverte. En janvier 1968, 40 % des personnes sondées pensaient que la Constitution de 1958 ne serait pas maintenue après le départ du Général. L’histoire républicaine postérieure à 1969 doit ainsi se lire à travers cette question de la «normalisation» plus ou moins réussie du régime.

Dès le 29 avril 1969, l’ancien premier ministre du Général avait posé la question devant le groupe gaulliste de l’Assemblée nationale. Pompidou souligna que le successeur d’un «très grand homme» ne pourrait être que «condamné au mieux à un semi-échec historique». Dans Le Nœud gordien, le livre que Pompidou laissera inachevé à sa mort, il évoquera la nécessité d’opérer ce qu’il appelait un «retour à la normale». Et le 14 mai 1969, il déclarait devant les élus de la majorité: «Un président qui n’est pas le général de Gaulle ne peut pas gouverner comme le général de Gaulle.» Pompidou entendait donc «adapter les institutions à une présidence normale».

 

À gauche, beaucoup espéraient que cette Ve République ne résisterait pas au départ de son auteur.

À gauche, beaucoup espéraient que cette Ve République ne résisterait pas au départ de son auteur. Ils restaient opposés à ce présidentialisme exacerbé par la réforme de 1962, consacrant l’élection du président au suffrage universel. D’aucuns, comme Pierre Mendès France, ne voulaient même pas se présenter à l’élection afin de ne pas cautionner un tel régime. La gauche était aussi profondément fracturée par Mai 68. Aussi se présenta-t-elle en ordre dispersé à la présidentielle, notamment l’extrême gauche, toujours empêtrée dans des querelles de lignes et de personnalités. Les héritiers autoproclamés de Mai étaient devenus des frères ennemis et les trotskistes de la Ligue présentèrent Alain Krivine contre les «gauchistes» du PSU de Michel Rocard. Autant dire que la traduction politique de Mai 68 se trouvait définitivement morte, l’extrême gauche récupérant par le «sociétal» ce qu’elle avait définitivement perdu sur le plan politique.

Elle finira par gagner pour les cinquante prochaines années cette «crise de civilisation» pronostiquée par Georges Pompidou. Les années à venir virent le triomphe de la «critique artiste» (Boltanski et Chiapello) déstabilisant la vieille société bien plus que la critique sociale et l’ancienne violence de rue. La révolution est finie, place à la contestation et aux combats pour les «droits» des minorités (femmes, homosexuels, immigrés, etc.). Dans ce contexte d’ébullition intellectuelle, les vieilles gardes socialistes ne sont pas en forme, présentant Gaston Defferre à l’Élysée, François Mitterrand s’étant retrouvé parmi les non-inscrits, après avoir abandonné la présidence de la FGDS moribonde. Seuls les communistes semblent encore tenir la route grâce à leur candidat, Jacques Duclos, farouche stalinien qui a pour lui l’avantage d’être faussement jovial, ce qui illusionne une large frange populaire de l’électorat.

Cette gauche confuse et divisée se voit éliminée dès le premier tour. Les socialistes en particulier font un score lamentable de 5 % (en raison, dit-on, du soutien officieux de Guy Mollet au centriste Alain Poher). Seuls les communistes connaissent un grand succès, avec 21,27 %, un des meilleurs scores de leur histoire. Ils ne savent pas encore qu’ils sont comme l’oiseau de Minerve prenant son envol au crépuscule.

Le second tour oppose Pompidou, qui a fait au premier tour le plein du socle gaulliste (autour de 45 % de l’électorat), obtenant le score très enviable de 44,47 % des voix, au candidat des centristes, Alain Poher, président par intérim, qui a obtenu 23,31 %, guère plus que les communistes. Il paraît indéniable qu’il a échoué à incarner une alternative crédible au gaullisme, en particulier à cause de ses piètres performances télévisées.

Tous les sept ans, puis tous les cinq ans, le pays allait se transformer en une sorte de cour hystérique arbitrée par des chambellans médiatiques de plus en plus puissants et sans légitimité.

La télévision confirme l’importance cruciale qu’elle a commencé à prendre dès la première élection présidentielle de 1965. Ce fut probablement un élément que le Général n’avait pas mesuré en imposant la réforme de l’élection du chef de l’État au suffrage universel: la médiatisation et la personnalisation de la question politique finiront par devenir un poison mortifère pour la démocratie française. Tous les sept ans, puis tous les cinq ans, le pays allait se transformer en une sorte de cour hystérique arbitrée par des chambellans médiatiques de plus en plus puissants et sans légitimité. Les autres démocraties parlementaires européennes ne donnent pas, du fait de l’absence de cette élection cardinale, les mêmes pouvoirs aux médias audiovisuels. En l’espèce, ce système médiatique a profité à Georges Pompidou, bien plus à l’aise dans les débats que son adversaire. Alors qu’Alain Poher avait d’abord été encouragé par des sondages favorables, le candidat du centrisme, qui se présente comme le partisan d’une réorientation des institutions en faveur d’une logique plus parlementaire, une sorte de IVe République améliorée, laissant croire qu’il pourrait séduire une France lassée par la «grandeur» gaulliste, c’est finalement Georges Pompidou qui s’impose. Il sillonne le pays, Poher étant retenu à Paris du fait de ses responsabilités institutionnelles (il n’a pas la même liberté pour participer à des meetings dans toute la France). Le président par intérim a beau promettre in extremis qu’il nommera Pierre Mendès France à Matignon en cas de victoire, il ne parvient pas à convaincre la gauche. Le PCF déclare notamment que «Pompidou et Poher, c’est bonnet blanc et blanc bonnet». Finalement, la victoire de Georges Pompidou est éclatante: 58,21 % des suffrages exprimés. Le taux d’abstention est assez élevé pour l’époque (33,1 %). Au final, l’électorat gaulliste qui porte Pompidou à l’Élysée semble avoir un peu évolué: il apparaît plus conservateur que celui du gaullisme «historique» (le fameux «métro à 6 heures du soir») et aussi plus méridional. Le gaullisme se «droitise».


Dès son arrivée à l’Élysée, Georges Pompidou consacre les institutions de 1958, voire même, aux yeux de certains, les lave de leurs origines douteuses, comme l’affirme François Mitterrand lors de sa conférence de presse de ce 20 juin 1969, prétendant que «l’élection du nouveau chef de l’État a été légalement acquise», ce qui efface selon lui «le péché originel du 13 mai 1958» que l’auteur du Coup d’État permanent (1964) regardait comme un vulgaire golpe sud-américain.

« Chaban » a beau être un gaulliste historique, il est aussi un homme de la IVe

Le 20 juin, Pompidou nomme à Matignon Jacques Chaban-Delmas, qui présente le visage d’une politique libérale, ouverte sur la société, probablement nécessaire après Mai 68, même si la personnalité de «Chaban», comme on le désigne, voire «Charmant-Delmas» (dixit Le Canard enchaîné), semble aux yeux de certains un peu trop exubérante, pour ne pas dire superficielle. Au moins a-t-il le mérite de bien connaître les députés, dont il a été le président depuis les débuts de la Ve République. Très vite, l’opposition entre le style Chaban et le style Pompidou va devenir l’aliment de l’effervescence médiatique. Les entourages, en particulier ceux de la présidence derrière le conseiller spécial Pierre Juillet, n’y sont pas pour rien.

Le conflit éclate au sujet du discours de politique générale du premier ministre, prononcé le 16 septembre 1969. «Chaban» a beau être un gaulliste historique, il est aussi un homme de la IVe. Il n’a pas totalement intégré la présidentialisation à marche forcée de l’exécutif qui s’est accélérée depuis 1962. Aussi n’a-t-il pas pensé à faire valider le texte de son intervention sur la «nouvelle société» à l’Élysée. Le chef de l’État n’en a eu connaissance qu’à la dernière minute, alors qu’il était trop tard pour le corriger. Outre que Pompidou se méfie en homme de lettres des grandes formules creuses - il ne s’agit pas pour lui de parler de «nouvelle société» alors qu’il faut surtout adapter la «vieille société» -, il est surtout irrité - et son entourage se charge d’entretenir son courroux - que l’hôte de Matignon semble empiéter sur des prérogatives qui relèvent depuis le général de Gaulle de l’Élysée. Pompidou étant bien décidé à combattre tout ce qui pourrait rappeler la IVe République, il ne va pas cesser de surveiller et de déposséder petit à petit le premier ministre qui a osé le défier jusqu’à leur rupture définitive, en 1972, qui consacrera comme une sorte de virage conservateur de la présidence Pompidou.

Ces années Pompidou laissent l’impression d’avoir été le meilleur moment des  Trente Glorieuses, parenthèse enchantée dans une histoire de France déchirée et violente.

Malgré ces divergences de coulisses, aux yeux de ceux qui les ont connues, ces années Pompidou laissent l’impression d’avoir été le meilleur moment des  Trente Glorieuses, parenthèse enchantée dans une histoire de France déchirée et violente. Ces années qui vont de la chute du général de Gaulle jusqu’à la crise du pétrole, en 1973, avant le chômage de masse, la désindustrialisation, la construction européenne bancale, la crise des banlieues et de l’immigration, offrent aujourd’hui un fort goût de nostalgie car elles sont associées à une certaine idée du bonheur et de la confiance. La France se croyait encore une des plus grandes nations du monde et elle voyait le bonheur à portée de main. Le candidat Pompidou, lors du lancement de sa campagne électorale, le 16 mai 1969, en avait du reste fait un thème majeur: «Français, Françaises, je suis un démocrate, je crois être humain et libéral (…) pour préparer des lendemains qui peuvent être, qui doivent être heureux.» Et les électeurs en étaient alors persuadés.

Avec une croissance de 5 % l’an, la France passait alors pour « le Japon de l’Europe »

La France pensait avoir l’occasion historique d’échapper à ce «grand magasin de rancunes», comme disait Bernanos, qui marquait son histoire depuis 1789, toujours tiraillée entre deux camps irréconciliables. Elle ignorait encore ces crispations identitaires qui ont désormais pris notre pays à la gorge. Et les soubresauts de la colonisation ou de la guerre d’Algérie qui avaient marqué les débuts de la présidence de Gaulle semblaient du passé. En outre, le grand restaurateur de la «grandeur» du pays, le général de Gaulle, avait remis le pays d’aplomb. Avec une croissance de 5 % l’an, la France passait alors pour «le Japon de l’Europe» (à la même époque, le taux de croissance est de 2,7 % par an aux États-Unis et de 2,5 % au Royaume-Uni). Grâce à une politique industrielle visionnaire, menée par un État «colbertiste», le pays renouait avec la politique qui lui avait été profitable de Louis XIV à Napoléon III. À l’époque, les élites administratives, qui n’avaient pas cédé à l’«hérodianisme» (Toynbee) fatal des années 1980, y participaient encore avec conviction, persuadées de la nécessité de suivre la voie du «génie national», même si le discours sur la «nouvelle société», rédigé notamment par Jacques Delors, adepte de la future «deuxième gauche», dénonçait déjà un État «défectueux» et «tentaculaire».

La France était encore un des piliers du monde libre, mais d’un monde libre qui reposait sur un pacte équilibré entre le capitalisme et la démocratie, ne sacrifiant pas la seconde au premier. Le général de Gaulle en était depuis 1945 l’âme fédératrice. Et malgré une orientation sociale moins prononcée, Georges Pompidou en restait le continuateur. Cette tradition se poursuivra jusqu’au «tournant» de 1983, entamé paradoxalement par la gauche mitterrandienne (le fameux «compromis de Paris»). C’est alors que la France passa définitivement en deuxième catégorie, en se soumettant au modèle anglo-saxon.

C’est le président Pompidou qui pousse à une industrialisation à marche forcée, au nom d’un « progressisme » qui a des réussites (Concorde, TGV), mais finit par défigurer le vieux pays

Le président Pompidou, avec son physique de paysan, issu du terroir, mais doté d’un esprit raffiné et vif, saisissant les évolutions du monde, apaisait un peuple qui vivait depuis 1968 en fébrilité sociale. «Avec lui, les Français étaient rassurés», titrait Le Figarosous la plume de Jean d’Ormesson. «C’était le bon temps», ajoutait en 1984 le magazine L’Expressà propos de cette présidence souvent négligée. Il faut pourtant se méfier d’une lecture trop mélancolique de l’histoire. Car cette séquence des années Pompidou a aussi jeté les premiers grains de nos dissensions et de nos dérives, quand bien même la présidence de cet homme hautement estimable a toujours eu pour ambition de protéger les Français. Il n’a pu empêcher l’inéluctable déclin de la paysannerie (elle chute brutalement de 20 % à 10 %), le président s’en inquiétant pourtant: «Une nature abandonnée par le paysan, dira-t-il, devient une nature funeste.» De même n’a-t-il pu empêcher cette explosion d’une vie urbaine déshumanisante qui atteint près de 70 % de la population, non compensée par un cruel manque de logement, d’où les débuts de la «rurbanisation». Les salaires restent anormalement bas du fait d’un patronat parmi les plus conservateurs d’Europe, ne cessant, confiera Pompidou, d’exiger toujours plus de main-d’œuvre étrangère pour faire pression à la baisse sur les salaires, sans s’interroger sur les conséquences culturelles d’une telle politique.

Enfin, c’est aussi le président Pompidou qui pousse à une industrialisation à marche forcée, au nom d’un «progressisme» qui a des réussites (Concorde, TGV), mais finit par défigurer le vieux pays. Dans sa conférence de presse du 21 septembre 1972, le président Pompidou a ces mots malheureux: «Chère vieille France! La bonne cuisine! Les Folies Bergère! Le gai Paris! La haute couture… c’est terminé. La France a commencé et entamé une révolution industrielle.»

Nous payons cet état d’esprit. La victoire de Tricatel dans L’Aile ou la cuisse. Pompidou a beau avoir été un président cultivé, capable de citer Éluard ou un poète latin en conférence de presse, il n’en fut pas moins marqué par ces illusions saint-simonistes qui hantent la haute fonction publique française depuis le second Empire, et plus encore depuis 1945, et qui expliquent la façon dont certains n’ont pas hésité à moderniser le pays en le piétinant. Et cette tradition semble hélas loin d’être oubliée. D’autant que la «normalisation» voulue par Pompidou a fini à partir des années 1990 par se transformer en trahison. Au point de se demander si le régime posé par le général de Gaulle a finalement bien su résister à la disparition de son fondateur… Ce qui permettra à Emmanuel Macron d’affirmer en 2015 que le départ du général de Gaulle n’a toujours pas été digéré: «Après lui, la normalisation de la figure présidentielle a réinstallé un siège vide au cœur de la politique française.» Parole toujours actuelle?

» Amateurs d’Histoire? Rejoignez le Club Histoire du Figaro, réservé aux abonnés Premium, pour échanger entre passionnés.

Cet article est publié dans l'édition du Figaro du 20/06/2019. Accédez à sa version PDF en cliquant ici