https://www.lhistoire.fr/livres/france-quas-tu-fait-de-ton-bapt%C3%AAme

 

Saint Jean-Paul II, France qu’as-tu fait des promesses de ton baptême ?***

 

Dans les années 1960, la société française a vécu une rupture radicale, en cessant d'être encadrée par la religion chrétienne. Guillaume Cuchet l'explique notamment par les changements de pratiques engendrés par Vatican II. Une démonstration magistrale.

Il y a trente ans, Henri Mendras consacrait un ouvrage, chez Gallimard, à ce qu'il appelait La Seconde Révolution française, démarrée en 1965. Il démontrait qu'au coeur des sixties un tournant de civilisation s'était amorcé et, dans une partie traitant de la « désacralisation des institutions », il faisait une large part au « recul de l'Église ». Guillaume Cuchet, qui s'est fait connaître par ses travaux sur le purgatoire, devenu un de nos meilleurs spécialistes d'histoire religieuse, reprend cette thématique en profondeur dans un ouvrage dont le sous-titre est sans équivoque : Anatomie d'un effondrement.

L'auteur constate et analyse en historien les réalités d'un phénomène qui a changé la face de notre société si longtemps dominée par la religion catholique. Si l'affaiblissement de celle-ci en France remonte très haut, au moins jusqu'à la Révolution, il note son accélération brutale dans les années 1960. Bien des commentateurs avant lui avaient observé une rupture de la pratique religieuse et en avaient attribué la cause soit aux conséquences de 1968, soit à l'encyclique Humanae vitae de Paul VI contre la contraception. Pour Guillaume Cuchet, cette rupture est antérieure à ces deux événements, même si ceux-ci ont pu amplifier la tendance. A ses yeux, il faut considérer les effets du concile Vatican II, commencé en 1962 sous le pontificat de Jean XXIII et achevé en 1965 sous Paul VI, si l'on veut comprendre ce qui s'est passé.

L'analyse repose d'abord sur des statistiques. Le chanoine Boulard, à qui nous devons la carte de la pratique religieuse dont la première édition date de 1947, montre qu'avant les années 1960 94 % de la génération est baptisée ; que plus de 80 % des enfants font leur communion solennelle ; que 25 % des Français participent à l'office du dimanche (cf. L'Histoire n° 443). Aujourd'hui, ce sont seulement 30 à 35 % de la génération qui sont baptisés, et le taux de pratique de la messe dominicale est tombé aux environs de 3 %.

Les symptômes de l'effondrement sont tous notables dans les années 1960 : outre la chute de la pratique, l'augmentation des mariages civils, la raréfaction des vocations sacerdotales, l'abandon accru par les prêtres de leur ministère, la déliquescence des mouvements de jeunesse catholique, la remise en cause généralisée des dogmes. Tous ces signaux de crise ont pu être observables de longue date. Le livre des abbés Godin et Daniel La France pays de mission ? date de 1943, et l'auteur rappelle que bien avant ce cri d'alarme on a pu se plaindre (ou se réjouir) de « l'indifférence en matière de religion », selon l'expression de Lamennais, au début du XIXe siècle. Cependant, ce qui se passe dans les années 1960 est nouveau : ce n'est plus un mouvement lent de désaffection religieuse, mais une rupture brutale.

Vatican II en a été non le créateur, mais le déclencheur. On pourrait dire en termes simples que le concile a changé la face de la religion traditionnelle à laquelle les catholiques français étaient habitués. Il y eut d'abord la réforme de la liturgie, la fin de la messe en latin. Les prêtres ont jeté leur soutane aux orties. On a cessé à l'église de parler du diable et de l'enfer. Dieu s'est arrêté d'être un super-juge, inflexible, pour devenir un Dieu-Amour, miséricordieux. Le péché a perdu sa charge de peur, qui contraignait à suivre les pratiques séculaires, la confession notamment. En profondeur, l'esprit du concile visait à rendre la religion plus exigeante. Elle ne devait plus être un folklore, une habitude familiale ou régionale, un comportement de routine. Il fallait désormais, aussi bien pour le baptême que pour le mariage religieux, que les fidèles élèvent leur foi à la hauteur des sacrements. On ne devait plus aller à la messe par accoutumance, mais y participer pleinement.

On assista à une réaction des partisans de la « religion populaire », celle du grand nombre, pour qui les rites, les prières, les processions, constituaient l'être catholique. Le nouveau clergé, lui, sensible aux leçons du concile, défendait une religion épurée ; sommait les chrétiens de s'engager dans les oeuvres de la Cité. Toute cette préparation à un renouveau de la foi a déconcerté une majorité de fidèles.

A ces causes proprement religieuses, Guillaume Cuchet ne manque pas d'ajouter les bouleversements de la société. C'est dans la décennie 1960 que l'on commence à parler de la société de consommation. Une « civilisation des loisirs » est alors en train de se mettre en place, avec les week-ends, l'automobile, les vacances, tandis que la télévision devient la fée du logis. Une nouvelle génération, celle des baby-boomers, arrivés à l'âge adulte, est la première à décrocher massivement de la religion. La philosophie des yéyés n'est plus celle de Charles Trenet et de ses abbés à bicyclette ni même de Georges Brassens qui, entre deux gaudrioles, écrivait la chanson de L'Auvergnat. L'hédonisme devient la marque d'une société, d'abord juvénile, qui, au fort des Trente Glorieuses, ne se satisfait plus d'un bonheur dans l'au-delà.

Peut-être faudrait-il ajouter à tous ces facteurs le rôle déchristianisant de la science. Les Écritures paraissent des légendes, à l'heure où l'homme va bientôt marcher sur la Lune. La création du monde en sept jours ; le dogme du péché originel, dont Adam et Ève seraient les coupables ; la dogmatique catholique, si riche de merveilleux : l'Immaculée Conception, la Vierge Mère, l'Assomption, autant de croyances qu'il devient difficile de faire admettre à une jeunesse plus instruite...

L'ouvrage de Guillaume Cuchet n'est pas seulement celui d'un sociologue de la religion, mais d'un historien. Le phénomène qu'il a pris à tâche d'expliciter, non sans la modestie du savant, qui avance prudemment ses hypothèses, l'auteur l'a inscrit dans la longue durée. C'est une des raisons pour lesquelles il a consacré toute une partie de son livre aux travaux du chanoine Boulard qui, avec Gabriel Le Bras, ont été les pionniers de cette historiographie. Nous avons affaire à un livre passionnant, qui, au-delà du fait religieux, éclaire l'extraordinaire mutation que nous vivons depuis un demi-siècle.

* Conseiller de la direction de L'Histoire

Comment notre monde a cessé d'être chrétien. Anatomie d'un effondrement, Guillaume Cuchet Seuil, 2018, 283 p., 21 E.

 

 ---------------------------------------------------------------------------------------

 

France, qu'as-tu fait de ton baptême ?

.https://www.infocatho.fr/saint-jean-paul-ii-france-quas-tu-fait-des-promesses-de-ton-bapteme/

En ce 2 avril, date anniversaire du décès de saint Jean-Paul II (2 avril 2005), la rédaction vous propose de redécouvrir l’homélie désormais célèbre du pape au Bourget le 1er juin 1980.

A relire à la lumière des mouvements sociaux impulsés par des chrétiens, du renouveau de prière et de vie spirituelle qui couvre la France, ce texte revêt un caractère prophétique.

Je commencerai par remercier du fond du cœur tous ceux qui ont tenu à se rassembler ici ce matin, en venant même des lointaines provinces de la France. A tous, mes souhaits les plus fervents, et en particulier aux mères de famille, en ce jour de la fête des mères. Je vous convie maintenant à vous recueillir avec moi.

1. Les paroles que nous venons d’entendre ont une double signification : elles terminent l’Evangile comme temps de la révélation du Christ, et en même temps elles l’ouvrent vers l’avenir comme temps de l’Eglise, celui d’un devoir incessant et d’une mission.

Le Christ dit : Allez !

Il indique la direction de la route : toutes les nations.

Il précise la tâche : Enseignez-les, baptisez-les.

L’Eglise se remémore ces paroles en ce jour solennel, où elle veut tout spécialement adorer Dieu dans le mystère intérieur de la Vie de la Divinité : Dieu comme Père, Fils et Saint-Esprit.

Que ces paroles constituent le fondement essentiel de notre méditation, alors que nous nous trouvons tous, par une disposition admirable de la Providence, tout près de Paris, qui est la capitale de la France, l’une des capitales de l’Europe, une parmi bien d’autres, certes, mais unique en son genre, et l’une des capitales du monde.

Dans la dernière phrase que rapporte l’Evangile, le Christ a dit : « Allez dans le monde entier » [1].

Je suis aujourd’hui avec vous, chers Frères et Sœurs, en un de ces lieux depuis lesquels, d’une manière particulière, on voit « le monde », on voit l’histoire de notre « monde » et on voit le « monde » contemporain, le lieu d’où ce monde se connaît et se juge lui-même, connaît et juge ses victoires et ses défaites, ses souffrances et ses espérances.

Permettez que je me laisse prendre, avec vous, à l’éloquence inouïe des paroles que le Christ a adressées à ses disciples. Permettez qu’à travers elles nous fixions les yeux, au moins un instant, sur le mystère insondable de Dieu, et que nous touchions ce qui, dans l’homme, est durable et par conséquent le plus humain.

Permettez que nous nous préparions de cette façon à la célébration de l’Eucharistie, en la solennité de la Sainte Trinité.

2. Le Christ a dit aux Apôtres : « Allez…, enseigne toutes les nations… ». De même qu’aujourd’hui je me trouve pratiquement dans la capitale de la France, de même, il y a un an, en ce même jour du premier dimanche après la Pentecôte, je me trouvais dans une grande prairie de l’ancienne capitale de la Pologne, à Cracovie, dans la ville où j’ai vécu et d’où le Christ m’a appelé au Siège romain de l’Apôtre Pierre. J’ai eu là-bas devant les yeux les visages connus de mes compatriotes, et j’ai eu devant les yeux toute l’histoire de ma nation, depuis son baptême. Cette histoire riche et difficile avait commencé, d’une manière admirable, presque exactement au moment où a été réalisée la dernière parole du Christ adressée aux Apôtres : « Enseignez toutes les nations, baptisez-les… ». Avec le baptême la nation est née et son histoire a commencé.

Cette nation ― la nation dont je suis le fils ― ne vous est pas étrangère. Dans les périodes les plus difficiles, surtout, de son histoire, elle a trouvé chez vous l’appui dont elle avait besoin, les principaux formateurs de sa culture, les porte-parole de son indépendance. Je ne peux pas ne pas m’en souvenir en ce moment. J’en parle avec gratitude…

Bien plus tard qu’ici, les voies missionnaires des successeurs des Apôtres ont atteint la Vistule, les Carpates, la Mer Baltique… Ici, la mission donnée par le Christ aux Apôtres après la Résurrection a trouvé très vite un commencement de réalisation, sinon de manière certaine dès l’époque apostolique, du moins dès le second siècle, avec Irénée, ce grand martyr et père apostolique, qui fut évêque de Lyon. Par ailleurs, dans le Martyrologe romain, on fait très souvent mention de Lutetia Parisiorum

D’abord la Gaule, et ensuite la France : la Fille aînée de l’Eglise !

Aujourd’hui, dans la capitale de l’histoire de votre nation, je voudrais répéter ces paroles qui constituent votre titre de fierté : Fille aînée de l’Eglise.

Et j’aimerais, en reprenant ce titre, adorer avec vous le mystère admirable de la Providence. Je voudrais rendre hommage au Dieu vivant qui, agissant à travers les peuples, écrit l’histoire du salut dans le cœur de l’homme.

Cette histoire est aussi vieille que l’homme. Elle remonte même à sa « préhistoire », elle remonte au commencement. Quand le Christ a dit aux Apôtres : « Allez, enseignez toutes les nations… », il a déjà confirmé la durée de l’histoire du salut, et en même temps il a annoncé cette étape particulière, la dernière étape.

3. Cette histoire particulière est caché au plus intime de l’homme, elle est mystérieuse et pourtant réelle aussi dans sa réalité historique, elle est revêtue, d’une manière visible, des faits, des événements, des existences humaines, des individualités. Un très grand chapitre de cette histoire a été inscrit dans l’histoire de votre patrie, par les fils et les filles de votre nation. Il serait difficile de les nommer tous, mais j’évoquerai au moins ceux qui ont exercé la plus grande influence dans ma vie : Jeanne d’Arc, François de Sales, Vincent de Paul, Louis-Marie Grignion de Montfort, Jean-Marie Vianney, Bernadette de Lourdes, Thérèse de Lisieux, Sœur Elisabeth de la Trinité, le Père de Foucauld, et tous les autres. Ils sont tellement présents dans la vie de toute l’Eglise, tellement influents par la lumière et la puissance de l’Esprit Saint !

Ils vous diraient tous mieux que moi que l’histoire du salut a commencé avec l’histoire de l’homme, que l’histoire du salut connaît toujours un nouveau commencement, qu’elle commence en tout homme venant en ce monde. De cette façon, l’histoire du salut entre dans l’histoire des peuples, des nations, des patries, des continents.

L’histoire du salut commence en Dieu. C’est précisément ce que le Christ a révélé et a déclaré jusqu’à la fin lorsqu’il a dit : « Allez…. enseignez toutes les nations, baptisez-les au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit ».

« Baptiser » veut dire « plonger », et le « nom » signifie la réalité même qu’il exprime. Baptiser au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit veut dire plonger l’homme dans cette Réalité même que nous exprimons par le nom de Père, Fils et Saint-Esprit, la Réalité qu’est Dieu dans sa Divinité : la Réalité tout à fait insondable, qui n’est complètement reconnaissable et compréhensible qu’à elle-même. Et en même temps, le baptême plonge l’homme dans cette Réalité qui, comme Père, Fils et Saint-Esprit, s’est ouverte à l’homme. Elle s’est ouverte réellement. Rien n’est plus réel que cette ouverture, cette communication, ce don à l’homme du Dieu ineffable. Quand nous entendons les noms du Père, du Fils et du Saint-Esprit, ils nous parlent justement de ce don, de cette « communication » inouïe de Dieu qui, en lui-même, est impénétrable à l’homme… Cette communication, ce don est du Père, il a atteint son sommet historique et sa plénitude dans le Fils crucifié et ressuscité, il demeure encore dans l’Esprit, qui « intercède pour nous en des gémissements ineffables » [2].

Les paroles que le Christ, à la fin de sa mission historique, a adressées aux Apôtres, sont une synthèse absolue de tout ce qui avait constitué cette mission, étape par étape, de l’Annonciation jusqu’à la Crucifixion… et finalement à la Résurrection.

4. Au cœur de cette mission, au cœur de la mission du Christ, il y a l’homme, tout homme. A travers l’homme, il y a les nations, toutes les nations.

La liturgie d’aujourd’hui est théocentrique, et pourtant c’est l’homme qu’elle proclame. Elle le proclame, parce que l’homme est au cœur même du mystère du Christ, l’homme est dans le cœur du Père, et du Fils et du Saint-Esprit. Et cela depuis le début. N’a-t-il pas été crée à l’image et à la ressemblance de Dieu ? Hors de cela, l’homme n’a pas de sens. L’homme n’a un sens dans le monde que comme image et ressemblance de Dieu. Autrement il n’a pas de sens, et on en viendrait à dire, comme l’ont affirmé certains, que l’homme n’est qu’une « passion inutile ».

Oui. C’est l’homme qui est proclamé lui aussi par la liturgie d’aujourd’hui.

« A voir ton ciel, ouvrage de tes doigts, / la lune et les étoiles, que tu fixas, / qu’est donc l’homme, que tu en gardes mémoire, / le fils d’Adam, que tu en prennes souci ? / A peine le fis-tu moindre qu’un dieu, / le couronnant de gloire et de splendeur ; / tu lui as donné pouvoir sur les œuvres de tes mains, / tout fut mis par toi sous ses pieds » [3].

5. L’homme… l’éloge de l’homme… l’affirmation de l’homme.

Oui, l’affirmation de l’homme tout entier, dans sa constitution spirituelle et corporelle, dans ce qui le manifeste comme sujet extérieurement et intérieurement. L’homme adapté, dans sa structure visible, à toutes les créatures du monde visible, et en même temps intérieurement allié à la sagesse éternelle. Et cette sagesse, elle aussi, est annoncée par la liturgie d’aujourd’hui, qui chante son origine divine, sa présence perceptible dans toute l’œuvre de la création pour dire à la fin qu’elle « trouve ses délices avec les fils des hommes » [4].

Que n’ont pas fait les fils et les filles de votre nation pour la connaissance de l’homme, pour exprimer l’homme par la formulation de ses droits inaliénables ! On sait la place que l’idée de liberté, d’égalité et de fraternité tient dans votre culture, dans votre histoire. Au fond, ce sont-là des idées chrétiennes. Je le dis tout en ayant bien conscience que ceux qui ont formulé ainsi, les premiers, cet idéal, ne se référaient pas à l’alliance de l’homme avec la sagesse éternelle. Mais ils voulaient agir pour l’homme.

Pour nous, l’alliance intérieure avec la sagesse se trouve à la base de toute culture et du véritable progrès de l’homme.

Le développement contemporain et le progrès auxquels nous participons sont-ils le fruit de l’alliance avec la sagesse ? Ne sont-ils pas seulement une science toujours plus exacte des objets et des choses, sur laquelle se construit le progrès vertigineux de la technique ? L’homme, artisan de ce progrès, ne devient-il pas toujours plus l’objet de ce processus ? Et voilà que s’effondre toujours plus en lui et autour de lui cette alliance avec la sagesse, l’éternelle alliance avec la sagesse qui est elle-même la source de la culture, c’est-à-dire de la vrai croissance de l’homme.

6. Le Christ est venu au monde au nom de l’alliance de l’homme avec la sagesse éternelle. Au nom de cette alliance, il est né de la Vierge Marie et il a annoncé l’Evangile. Au nom de cette alliance, « crucifié… sous Ponce Pilate » il est allé sur la croix et il est ressuscité. Au nom de cette alliance, renouvelée dans sa mort et dans sa résurrection, il nous donne son Esprit…

L’alliance avec la sagesse éternelle continue en Lui. Elle continue au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Elle continue comme le fait d’enseigner les nations et de baptiser, comme l’Evangile et l’Eucharistie. Elle continue comme l’Eglise, c’est-à-dire le Corps du Christ, le peuple de Dieu.

Dans cette alliance, l’homme doit croître et se développer comme homme. Il doit croître et se développer à partir du fondement divin de son humanité, c’est-à-dire comme image et ressemblance de Dieu lui-même. Il doit croître et se développer comme fils de l’adoption divine.

Comme fils de l’adoption divine, l’homme doit croître et se développer à travers tout ce qui concourt au développement et au progrès du monde où il vit. A travers toutes les œuvres de ses mains et de son génie. A travers les succès de la science contemporaine et l’application de la technique moderne. A travers tout ce qu’il connaît au sujet du macrocosme et du microcosme, grâce à un équipement toujours plus perfectionné.

Comment se fait-il que, depuis un certain temps, l’homme ait découvert dans tout ce gigantesque progrès une source de menace pour lui-même ? De quelle façon et par quelles voies en est-on arrivé à ce que, au cœur même de la science et de la technique modernes, soit apparue la possibilité de la gigantesque autodestruction de l’homme ; à ce que la vie quotidienne offre tant de preuves de l’emploi, contre l’homme, de ce qui devait être pour l’homme et devait servir l’homme ?
Comment en est-on arrivé la ? L’homme en marche vers le progrès n’a-t-il pas pris un seul chemin, le plus facile, et n’a-t-il pas négligé l’alliance avec la sagesse éternelle ? N’a-t-il pas pris la voie « spacieuse », en négligeant la voie « étroite » [5] ?

7. Le Christ dit : « Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre » [6]. Il le dit alors que le pouvoir terrestre ― le Sanhédrin, le pouvoir de Pilate ― a montré sa suprématie sur Lui, en décrétant sa mort sur la croix. Il le dit aussi après sa résurrection.

« Le pouvoir au ciel et sur la terre » n’est pas un pouvoir contre l’homme. Ce n’est même pas un pouvoir de l’homme sur l’homme. C’est le pouvoir qui permet à l’homme de se révéler à lui-même dans sa royauté, dans toute la plénitude de sa dignité. C’est le pouvoir dont l’homme doit découvrir dans son cœur la puissance spécifique, par lequel il doit se révéler à lui-même dans les dimensions de sa conscience dans la perspective de la vie éternelle. Alors se révélera en lui toute la force de baptême, il saura qu’il est « plongé » dans le Père, le Fils et le Saint-Esprit, il se retrouvera complètement lui-même dans le Verbe éternel, dans l’Amour infini.

C’est à cela que l’homme est appelé dans l’alliance avec la sagesse éternelle.

Tel est aussi ce « pouvoir » qu’a le Christ « au ciel et sur la terre ».

L’homme d’aujourd’hui a beaucoup augmenté son pouvoir sur la terre, il pense même à son expansion au-delà de notre planète.

On peut dire en même temps que le pouvoir de l’homme sur l’autre homme devient toujours plus lourd. En abandonnant l’alliance avec la sagesse éternelle, il sait de moins en moins se gouverner lui-même, il ne sait pas non plus gouverner les autres. Combien pressante est devenue la question des droits fondamentaux de l’homme !

Quel visage menaçant révèlent le totalitarisme et l’impérialisme, dans lesquels l’homme cesse d’être le sujet, ce qui équivaut à dire qu’il cesse de compter comme homme. Il compte seulement comme une unité et un objet !

Ecoutons encore une fois ce que dit le Christ par ces mots : « Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre », et méditons toute la vérité de ces paroles.

8. Le Christ, à la fin, dit encore ceci : « Je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde » [7] ; cela signifie donc aussi : aujourd’hui, en 1980, pour toute époque.

Le problème de l’absence du Christ n’existe pas. Le problème de son éloignement de l’histoire de l’homme n’existe pas. Le silence de Dieu à l’égard des inquiétudes du cœur et du sort de l’homme n’existe pas.

Il n’y a qu’un seul problème qui existe toujours et partout : le problème de notre présence auprès du Christ. De notre permanence dans le Christ. De notre intimité avec la vérité authentique de ses paroles et avec la puissance de son amour. Il n’existe qu’un problème, celui de notre fidélité à l’alliance avec la sagesse éternelle, qui est source d’une vrai culture, c’est-à-dire de la croissance de l’homme, et celui de la fidélité aux promesses de notre baptême au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit !

Alors permettez-moi, pour conclure, de vous interroger :
France, Fille aînée de l’Eglise, es-tu fidèle aux promesses de ton baptême ?

Permettez-moi de vous demander :
France, Fille de l’Eglise et éducatrice des peuples, es-tu fidèle, pour le bien de l’homme, à l’alliance avec la sagesse éternelle ?

Pardonnez-moi cette question. Je l’ai posée comme le fait le ministre au moment du baptême. Je l’ai posée par sollicitude pour l’Eglise dont je suis le premier prêtre et le premier serviteur, et par amour pour l’homme dont la grandeur définitive est en Dieu, Père Fils et Saint-Esprit.

.

 

 

CORRELATs

 

.

.

.

.