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« Ils connurent qu’ils étaient nus »

Gn 3:7  « Les yeux de l’un et de l’autre s’ouvrirent, ils connurent qu’ils étaient nus »

1. – « Les yeux de l’un et de l’autre s’ouvrirent »

Si l’on s’en tient au sens littéral de ce verset, il est très difficile à concilier avec le verset précédent qui nous dit que « la femme vit que l’arbre était bon à manger » (Gn 3:6). Il semble donc exclu de considérer que la vision que procure le fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal est une vision physique (perception) sans quoi on ne comprendrait pas comment Adam et Eve, voyant déjà, pourraient « voir » une deuxième fois.

Il est alors tentant de penser que les yeux qui s’ouvrent sont des yeux spirituels autrement dit une faculté de voir autrement les choses selon le point de vue divin. Mais précisément cette interprétation doit aussi être exclue car elle signifierait paradoxalement que le fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal permettrait de voir « comme Dieu ».  Or c’est précisément la promesse du serpent:  » vos yeux s’ouvriront, vous serez comme des Dieux » (Gn 3:5).

De quels yeux s’agit-il alors ? Ce ne sont pas les yeux physiques de la perception, ce ne sont pas non plus les yeux spirituels. Ce ne peut être alors que les yeux de la connaissance autrement l’oeil de l’âme, celui qui représente la fonction de l’intelligence. En comparaison, il faut savoir que les indiens ouvrent les yeux des statues sacrées précisément pour les animer (litt. « leur donner une âme »).

Est-ce à dire que l’intelligence soit un mal ? En elle-même, on peut en douter. Le mal est plutôt la place qu’elle occupe: si elle passe avant la réalisation spirituelle, la communion avec l’Esprit, elle s’y substitue et créé la possibilité de se diriger selon l’intelligence et non plus selon l’Esprit. Le danger est alors d’ouvrir l’intelligence avant qu’elle ne reçoive l’Esprit et ainsi, prenant toute la place elle imite l’Esprit et inscrit l’homme dans la dualité corps/âme.

2. – « Ils connurent qu’ils étaient nus »

La connaissance peut d’abord se comprendre comme la conscience qui étymologiquement signifie « accompagné de savoir »  (en latin cum-scire). C’est un « savoir en commun », une connaissance partagée avec quelqu’un. Cette origine du mot éclaire l’usage du mot connaissance dans la Bible pour désigner les relations sexuelles (Gn 4:1; Nb 31:18). La sexualité est bien le partage d’une expérience charnelle. Le terme même de pénétration prend tout son sens puisque pénétrer un secret signifie en découvrir le sens caché. On retrouve tout un champ sémantique qui s’applique également aux relations sexuelles: découvrir (la nudité); pénétrer (le corps).

Lorsque la connaissance s’applique à soi-même c’est la connaissance morale. Le mot « conscience » exprime exactement cela, la connaissance intuitive du bien et du mal. On retrouve cet aspect dans les expressions suivantes: « bonne conscience », « en conscience » « en leur âme et conscience ». La conscience est bien cette faculté qu’a l’homme d’accéder à sa propre réalité. Bref, le serpent n’a pas menti ! L’homme est devenu « comme un Dieu » connaissant ce qu’il est exactement: une âme vivante, un être matériel fait de la poussière de la terre (Gn 1:7). Ainsi, cette nouvelle vision lui fait prendre conscience qu’il est animal (litt. « une âme ») et cette connaissance est corrélative de la naissance de ce même désir animal qui sera la sexualité.

Mais cet accès à la sexualité se fait pour ainsi dire « par le bas » sans s’être d’abord accompli « par le haut » c’est-à-dire spirituellement. La jouissance sera désormais purement physique (limitée au corps), elle n’aura pas de dimension spirituelle. C’est l’union des chairs sans celle des esprits. La sexualité est pervertie  dans le sens où elle est détournée de sa finalité spirituelle d’union. Cette union est mentionnée explicitement dans la Bible: tout le Cantique des cantiques en est une métaphore et il est parlé de l’Eglise comme de l’épouse (Ap 21:2; 21:9). La jouissance spirituelle est perdue: il ne reste que le plaisir charnel et la conscience de ce plaisir qui sera le support du désir.

A titre de parallèle, il est frappant de relever que les tribus du Mali (précisément: les Bambaras) considèrent que la femme s’unit au mari par le sexe mais aussi par les yeux. La vue est le désir lui-même, l’envie. On comprend alors qu’il faille poser un interdit : « tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain » (Ex 20:17), commandement que Jésus cite en insistant sur le regard de convoitise (Mt 5:28).  C’est pourquoi le désir suscité par la nudité exige une protection du regard: ce sont les tuniques ou habits de peau (Gn 3:21). Une interprétation maximaliste de cette protection conduit très certainement à proposer le voile intégral de la femme ! Bref, on comprend désormais la dialectique du vêtement et de la nudité en ce qu’elle s’articule avec le couple du regard et du désir.

Pour conclure, l’interprétation spirituelle conduit à ne pas identifier la sexualité au mal. Le péché n’est pas en soi la sexualité. Le péché est le fait d’être coupé de l’Esprit et donc de Dieu et de se diriger dans le monde avec sa propre intelligence (« comme un Dieu ») et de satisfaire des désirs strictement charnels. C’est l’image bien connue du paradis perdu: toute la Bible invite alors à se réconcilier avec Dieu, pour jouir à nouveau de cette dimension spirituelle perdue et de faire « un retour vers le Père ».

 

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