https://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/acces-des-donnees-en-chine-desinformation-les-regulateurs-inquietes-par-l-application-tiktok-20221123

 

En Europe et aux États-Unis, l’utilisation des données ramassées par ce réseau social chinois pose des questions relevant de la sécurité nationale.

Au nom de la protection de la sécurité nationale, TikTok avait frôlé en 2020 l’interdiction sur le sol américain, puis la vente forcée de ses activités locales à Oracle et WalMart. Deux ans plus tard, le combat de l’ex-président Donald Trump contre cette application d’origine chinoise avance à petits pas, malgré de multiples alertes sur les dangers présumés du service. «C’est l’un des rares dossiers sur lequel Donald Trump a peut-être eu raison», a reconnu dans le Washington Post le président de la commission sénatoriale dédiée au renseignement, le démocrate Mark Werner. Car TikTok ne peut se départir d’un soupçon: être le faux nez du Parti communiste chinois.

 

Une enquête lancée en 2021 par l’Administration Biden pour jauger les risques présentés par TikTok pour la sécurité des données des citoyens américains n’a pas encore rendu ses conclusions. Le département du Commerce n’a toujours pas dévoilé sa stratégie, impulsée par la Maison-Blanche en début d’année, pour renforcer le contrôle des applications «qui pourraient être exploitées par des forces ennemies étrangères». Quant à l’accord entre TikTok et le comité pour l’investissement étranger aux États-Unis, il n’a toujours pas abouti.

Ce dernier, initié sous Trump, doit détailler les modalités pour que les données des utilisateurs américains restent aux États-Unis. Mais TikTok n’entend pas empêcher du personnel situé en Chine d’accéder à distance à certaines informations, sous couvert d’un processus strict et sécurisé. Plusieurs enquêtes de la presse américaine ont démontré que la maison mère de TikTok, ByteDance, était très impliquée dans les opérations quotidiennes de l’application. C’est depuis la Chine qu’est perfectionné le puissant algorithme de tri de TikTok, qui a été protégé par le gouvernement de Pékin. C’est aussi depuis ce pays que des décisions majeures de ses équipes américaines sont validées.

«D’un point de vue géopolitique, Washington a raison de dire que TikTok pose un problème de sûreté nationale. Comme les États-Unis, la Chine a un contrôle, qu’elle peut exercer ou non, sur tout un écosystème technologique qui va des infrastructures aux applications. Les données de cet empire peuvent devenir des outils, pour le renseignement ou bien pour les opérations d’influence», rappelle Asma Mhalla, spécialiste des enjeux géopolitiques du numérique. «Sur ce point, TikTok pose un vrai sujet. Pékin a sur le papier une capacité à modéliser des opérations d’influence sur toute une population utilisatrice de l’application».

Et si TikTok pouvait, un jour, servir à diffuser insidieusement un contre-discours qui influencerait l’opinion sur des questions politiques, ou bien sur le statut de Taïwan? D’autres voix aux États-Unis clament que TikTok pourrait abêtir à dessein la jeunesse américaine.

Contexte de guerre technologique

Mais les velléités de bannissement de TikTok dans ce contexte de guerre technologique «se heurtent aux lois américaines. Le soupçon ne suffit pas, il faut des preuves solides», rappelle Asma Mhalla. C’est pourquoi les différentes enquêtes sont si longues à aboutir. Mais la pression ne retombe pas. Début novembre, le directeur du FBI a partagé lors d’une audition parlementaire ses «fortes craintes» face au danger représenté par TikTok. «La Chine est la plus grande menace de long terme pour notre économie et notre sécurité», avait-il déjà déclaré en juin.

L’Europe donne moins de la voix sur TikTok mais est aussi vigilante. L’an passé, la Cnil irlandaise a lancé deux enquêtes, sur la protection des données des mineurs et sur la sécurisation de l’accès - reconnu par ByteDance - à certaines données depuis la Chine. Ces investigations, lancées au nom du respect du Règlement européen de protection des données (RGPD), devraient aboutir en 2023. Mais TikTok ne risque guère plus qu’une lourde amende.

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