hcq 13.12.22

Le Temps 12.12.22

https://www.letemps.ch/suisse/toujours-plus-jeunes-femmes-hospitalisees-troubles-psychiatriques

 

Les jeunes femmes ont aussi été plus nombreuses à s’infliger des lésions ou à faire des tentatives de suicide, selon les données de l’OFS. — © nikkimeel / Getty Images/iStockphoto

 

 

Entre 2020 et 2021, les problèmes mentaux sont devenus, pour la première fois, la principale cause des hospitalisations chez les 10-24 ans. Le point avec Kerstin von Plessen, cheffe du service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent du CHUV

 

De nombreux signaux l’indiquaient: la pandémie a dégradé la santé mentale d’une grande partie de la population. La tranche des jeunes femmes de 10-24 ans a particulièrement souffert, révèlent les chiffres publiés lundi par l’Office fédéral de la statistique.

«L’année 2021 a vu une hausse sans précédent des hospitalisations pour troubles psychiques chez les jeunes femmes de 10 à 24 ans, de 26% par rapport à 2020, à plus 6% pour les hommes du même âge», commence l’OFS. La situation des plus jeunes inquiète: la hausse des hospitalisations va jusqu’à 52% pour les 10-14 ans entre 2020 et 2021. «En 2021, 2015 filles de cette tranche d’âge ont été hospitalisées pour troubles psychiques, soit 1 personne sur 100 dans cette catégorie de la population», précise l’office.

«Ces chiffres correspondent à ce que l’on observe sur le terrain», affirme Kerstin von Plessen, cheffe du service universitaire de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent du CHUV, et professeure à l’Unil. «En psychiatrie et psychothérapie de l’enfant et de l’adolescent, le taux de demandes d’hospitalisation pour les jeunes filles a augmenté et les troubles des patients âgés entre 10 et 14 ans se manifestent différemment. Auparavant, beaucoup de garçons dans cette tranche d’âge montraient des troubles du comportement, comme le TDAH, reflétés par des problèmes à l’école. Aujourd’hui, nous observons plus de jeunes filles, avec des troubles de l’humeur, de la personnalité, des angoisses et des dépressions», poursuit-elle.

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Les 10-14 ans particulièrement touchés

Le service de psychiatrie du CHUV pour jeunes a vu arriver de nombreuses adolescentes avec des pensées suicidaires. «Avant la pandémie, il y avait moins de demandes de prise en charge psychiatrique dans la tranche d’âge des 10-24 ans. Avec la pandémie, la société a beaucoup thématisé la santé mentale, et les parents sont de plus en plus vigilants», explique la spécialiste. «L’isolement des semi-confinements a péjoré la situation. Les jeunes ont passé beaucoup de temps derrière un écran et moins avec leur cercle social. Ils étaient plus confrontés à leur propre image, aspirés par les réseaux sociaux. Il est plus difficile de mettre de la distance avec des contenus qui renvoient une image négative de soi lorsque l’on est seul derrière un écran plutôt que dans l’espace public, dans un environnement vivant», illustre-t-elle.

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Les jeunes femmes ont aussi été plus nombreuses à s’infliger des lésions ou à faire des tentatives de suicide, selon les données de l’OFS. Plus de 3100 hospitalisations de jeunes de 10-24 ans «dues à des lésions auto-infligées ou tentatives de suicide» ont été enregistrées en 2021, soit une hausse de 26% par rapport à 2020. Et 70% de ces hospitalisations sont attribuées à des patientes. Les données montrent que les jeunes femmes de 15 à 19 ans ont été les plus nombreuses à commettre «un acte autoagressif», mais c’est dans la tranche d’âge de 10 à 14 ans que s’est produite la plus forte augmentation, de plus de 60%. «Avec 458 cas en 2021, les filles de 10 à 14 ans ont été 11 fois plus souvent hospitalisées pour ce motif que les garçons du même âge», indique le communiqué de l’OFS.

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«Ces chiffres sont inquiétants, et font seulement état des hospitalisations. Mais que se passe-t-il dans la prise en charge avant qu’un jeune ne soit hospitalisé? C’est la question à laquelle il faut tenter de répondre», soutient Kerstin von Plessen. «L’hospitalisation est généralement décidée en dernier recours, car elle coupe les jeunes de leur environnement. Il faut s’impliquer en amont. Améliorer la promotion de la santé mentale dans les écoles, renforcer les liens entre la médecine scolaire, les cabinets de pédopsychiatrie, les prises en charge dans les institutions publiques, en ambulatoire ou en soins intermédiaires. Il faudrait dans tout le canton un accès à un pédopsychiatre dans un temps acceptable», précise-t-elle. Pour accroître l’offre de prise en charge, les prestations psychiatriques ambulatoires, les équipes mobiles et les centres de jour, sans nuit passée à l’hôpital, sont appelés à devenir plus importants et pourraient constituer une solution pour accroître l’offre de prises en charge.

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