https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/10/26/le-spectre-de-l-america-first-le-slogan-de-donald-trump-est-venu-flotter-sur-le-conflit-ukrainien_6147449_3232.html

 

Un travail de sape de la politique étrangère de Joe Biden est à l’oeuvre dans les rangs républicains. Certaines voix, proches de l’ex-président des Etats-Unis, critiquent l’aide apportée à l’Ukraine aux dépens des propres intérêts du pays

Publié hier 26.10.22

 

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u’adviendrait-il de l’Ukraine si Donald Trump occupait actuellement le bureau Ovale de la Maison Blanche ? En 2019, il avait été mis en accusation par la Chambre des représentants pour abus de pouvoir, après avoir bloqué temporairement une aide militaire destinée à Kiev. Il s’agissait alors pour lui de forcer la justice ukrainienne à ouvrir une enquête sur son futur adversaire à la présidentielle de 2020, Joe Biden.

Que serait-il advenu de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) s’il avait été réélu en 2020 ? L’ancien conseiller à la sécurité nationale du républicain et désormais l’un de ses critiques les plus acerbes, John Bolton, a assuré dans ses Mémoires que ce dernier aurait profité d’un second mandat pour en retirer les Etats-Unis. Il n’avait, il est vrai, jamais masqué son mépris pour l’organisation transatlantique avant même son arrivée au pouvoir. Ancien diplomate, Richard Haas, qui va prendre congé de la direction du Council on Foreign Relations, un cercle de réflexion de Washington, n’avait-il pas qualifié alors sa politique étrangère de « doctrine du retrait » ?

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Ces questions n’ont rien de rhétorique. Certes, aucun bulletin de vote ne comportera le nom de Donald Trump lors des élections de mi-mandat, qui se tiendront aux Etats-Unis le 8 novembre. Le trumpisme, en revanche, y figurera bel et bien, y compris dans la déclinaison qui concerne la politique étrangère : un nationalisme étroit, dénué de toute préoccupation morale, dans lequel les relations avec les autres pays, quels qu’ils soient, sont réduites à ce qu’elles peuvent apporter à Washington, indépendamment de valeurs communes ou de liens historiques partagés. Un cauchemar pour les Européens qui ont espéré, avec l’élection de Joe Biden, qu’une parenthèse détestable s’était refermée et pour longtemps.

Soutien à l’OTAN

Il a suffi d’une phrase, prononcée par le possible futur speaker (président) de la Chambre des représentants, Kevin McCarthy, pour que le spectre de l’« America first », le slogan de Donald Trump, vienne flotter sur le conflit ukrainien. « Je pense que les gens vont se retrouver dans une récession et qu’ils ne vont pas faire un chèque en blanc à l’Ukraine », a assuré l’élu de Californie à un site d’information politique de Washington.

« Nous voulons tous aider [l’Ukraine]. En même temps, vous savez, nous avons des problèmes dans notre propre pays qui restent non résolus, et nous n’avons aucune idée du plan de l’administration. Comme, quel est le but ? Où allons-nous ? L’argent de nos impôts est-il utilisé à bon escient ? », a estimé en octobre Scott Perry, le président du Freedom Caucus qui rassemble les élus parmi les plus trumpistes de la Chambre. Si le Congrès bascule dans le camp républicain au 1er janvier 2023, l’aide américaine serait-elle drastiquement revue à la baisse ?

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Pendant le mandat de l’ancien homme d’affaires, de 2017 à 2021, les républicains du Congrès étaient parvenus à préserver une ligne traditionnelle en politique étrangère qui faisait la part belle aux faucons et aux alliances. Une écrasante majorité d’entre eux avait rejoint ainsi les démocrates pour réaffirmer leur soutien à l’OTAN dès 2017. Plus que jamais sous l’influence du président battu en 2020, le Grand Old Party commence-t-il à baisser la garde ?

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Les votes intervenus depuis l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe témoignent en apparence de la permanence de cette orthodoxie illustrée notamment par la visite à Kiev en mai du chef de la minorité républicaine au Sénat, Mitch McConnell, dont Donald Trump ne cesse justement de réclamer la tête. Le même mois, seulement 57 représentants (sur 206) et 11 sénateurs (sur 50) républicains avaient voté contre l’allocation d’une aide considérable de 40 milliards de dollars à l’Ukraine. Au nombre de ces votes se trouvaient néanmoins des figures parmi les plus bruyantes du trumpisme : Lauren Boebert, Marjorie Taylor Greene et Matt Gaetz à la Chambre, Marsha Blackburn, Josh Hawley ou Tommy Tuberville au Sénat.

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Fardeau occidental

Un travail de sape est pourtant en cours dans les rangs républicains, conduit simultanément par l’ancien président, un influenceur aussi puissant que le polémiste de Fox News, Tucker Carlson, dont les monologues sont reproduits régulièrement par les chaînes de télévision russes, ainsi que par des intellectuels. Il s’agit notamment de ceux du cercle de réflexion sans doute le plus proche de Donald Trump, le Claremont Institute. L’un de ses membres, Michael Anton, ancien de l’administration trumpiste, est ainsi prompt à dénoncer dans le cas de l’Ukraine une politique étrangère dictée par une bureaucratie qui n’aurait de comptes à rendre à personne et que Donald Trump n’hésitait pas à présenter comme un « Etat profond ».

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Un autre cercle de réflexion, l’Heritage Foundation, pourtant défenseur d’un interventionnisme botté sous les mandats de Ronald Reagan, de George H. W. Bush et George W. Bush, a ajouté sa voix aux critiques de la politique étrangère de Joe Biden. « L’aide à l’Ukraine place l’Amérique en dernier », assurait ce think tank au moment du vote de l’aide massive, en mai. Toujours dans le camp républicain, le courant libertarien campe par ailleurs sur son hostilité traditionnelle à tout engagement militaire important des Etats-Unis à l’extérieur de leurs frontières.

Cette opposition rassemble les voix qui considèrent que les Etats-Unis ont trop longtemps supporté une part disproportionnée du fardeau occidental, aux dépens de leurs propres intérêts. Et celles qui font de la compétition entre grandes puissances américaine et chinoise la priorité absolue de Washington pour les décennies à venir. Dans les deux cas, la conséquence serait la même pour la guerre en Ukraine : un retrait ou un abandon américain qui obligeraient les Européens à prendre en main la gestion d’un conflit désormais considéré à Washington comme secondaire ou périphérique.

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