https://www.lefigaro.fr/international/belgique-rescapee-des-attentats-de-bruxelles-une-jeune-femme-euthanasiee-pour-souffrance-psychologique-20221007

 

La RTBF a révélé cette semaine l'histoire de Shanti De Corte, une Belge qui a survécu à l'explosion d'une bombe à l'aéroport de Bruxelles. Après plusieurs tentatives de suicide, la jeune femme souffrant de séquelles psychiatriques a été euthanasiée en mai dernier.

Shanti De Corte avait de longs jours à vivre devant elle. Sa vie n'était pas menacée, à court ou moyen terme, ni anéantie par des douleurs physiques insoutenables. À sa demande, les médecins belges l'ont pourtant euthanasiée le 7 mai 2022, estimant que les souffrances psychologiques profondes dont elle était victime l'autorisaient à recourir à l'assistance médicale pour mettre fin à ses jours. La loi de 2002 admet en effet, au titre des maladies ouvrant la possibilité de demander l'euthanasie, les «souffrances psychiques insupportables». Sur les 1500 patients euthanasiés chaque année en Belgique, une cinquantaine environ le sont pour ce motif.

 

La vie de Shanti De Corte a été ruinée en quelques secondes, le 22 mars 2016, alors que l'adolescente était en partance pour Rome, où elle devait effectuer un voyage de fin d'études. Dans le hall des départs de l'aéroport de Bruxelles, elle se trouvait à quelques mètres des terroristes lorsque ceux-ci ont déclenché leur charge explosive. 18 personnes trouveront la mort dans l'attentat, et 92 seront blessées. Elle n'en fait pas partie : elle est sortie indemne de l'attaque - du moins en apparence. En réalité, le choc traumatique qu'elle a subi de plein fouet va la marquer définitivement. «Il y a certains élèves qui réagissent plus mal que d'autres à des événements traumatisants. Et pour l'avoir eue deux fois en entretien, je peux vous dire que Shanti De Corte faisait partie de ces élèves fragiles. Pour moi, c'est clair, elle avait déjà de sérieux troubles psychologiques avant l'attentat. Je l'ai donc aiguillée vers la psychiatrie», témoigne la psychologue scolaire qui l'a suivie, auprès de la RTBF, l'audiovisuel public francophone de Belgique.

Shanti De Corte était déjà fragile. Elle a effectué plusieurs séjours en hôpital psychiatrique avant l'attentat. Elle retourne dans le même établissement quelques semaines après, tient un journal de bord sur Facebook dans lequel elle compte les antidépresseurs, qu'elle consomme par dizaines tous les jours, confie à ses proches sur Internet : «Je me sens comme un fantôme qui ne ressent plus rien».

Des parcours thérapeutiques alternatifs étaient possibles

Au cours de l'un de ses séjours en hôpital psychiatrique, elle a ensuite subi en 2018 une tentative d'agression sexuelle, par un autre patient. Après des efforts pour s'en remettre et se relever, elle enchaîne finalement les tentatives de suicide. Puis effectue de nombreuses demandes pour recourir à l'euthanasie. Ses amies, également présentes le jour de l'attentat, remontent la pente grâce à un séjour auprès d'une thérapeute, subventionné par l'État. On propose à la jeune femme de suivre ce parcours, mais elle décline. Finalement, Shanti De Corte s'est rapprochée d'une association faisant du lobbying en faveur de l'euthanasie, et elle renouvelle sa demande : deux psychiatres, cette fois, l'acceptent. Le 7 mai 2022, la jeune femme est euthanasiée auprès de sa famille, à l'âge de 23 ans.

La Commission fédérale de contrôle et d'évaluation de l'euthanasie en Belgique, la CFCEE, n'a rien trouvé à y redire. Mais un neurologue, Paul Deltenre, s'indigne malgré tout que les offres de soin adaptées à la situation de la jeune femme n'aient pas été essayées. «Il n'y avait rien à perdre», déplore-t-il. La RTBF croit savoir qu'une information judiciaire a été ouverte au parquet d'Anvers, pour examiner la possibilité d'une dérive dans le choix d'accéder à la requête de la jeune femme.

Mardi 4 octobre, la Cour européenne des droits de l'homme a condamné la Belgique pour le manque d'indépendance de sa Commission de contrôle. En effet, la loi belge «n'empêche pas le médecin qui a pratiqué l'euthanasie de siéger» en son sein «et de voter sur la question de savoir si ses propres actes étaient compatibles avec les exigences matérielles et procédurales du droit», relève la CEDH, qui a condamné Bruxelles à payer 2211,30 euros pour frais et dépens au requérant.