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Face à la crise interne de l'Europe, il nous faut renouer avec la subsidiarité et une identité commune, explique l'historien et essayiste David Engels dans un article paru également dans les journaux Cicero (allemand), La Tribuna del País Vasco (espagnol) et The European Conservative (britannique).

 

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 La cathédrale de Strasbourg. Les racines gréco-chrétiennes, une part fondatrice de l'identité européenne

qui ne peut être négligé.©ANDRONOV/GETTY IMAGES/ISTOCKPHOTO

 

Les Européens ont voté et le continent se retrouve déchiré de toutes parts entre “bien-pensants” et “populistes”. L’impasse risque de durer des années, voire des décennies, et hypothéquera lourdement notre continent à un moment où il aurait besoin, plus que jamais, d’unité. L’hespérialisme pourrait-il être la solution à ce dilemme ?

La profonde crise dans laquelle se trouve l’Europe n’a pas été imposée de l’extérieur : elle vient de l’intérieur. Nous vivons les conséquences d’un danger contre lequel certains pères fondateurs, comme Robert Schuman, nous avaient déjà mis en garde : une Europe unie ne doit pas rester une entreprise économique et technocratique, « il lui faut une âme, la conscience de ses affinités historiques et de ses responsabilités présentes et futures » . Sans identité commune, il ne peut y avoir de solidarité entre Européens en temps de crise ; or, une telle identité ne peut se baser uniquement sur les droits de l’homme, mais doit aussi respecter ce qui est propre à l’Europe et aux Européens : une vision de l’homme typiquement occidentale et profondément enracinée dans la tradition. Si une telle entreprise échoue, il n’y a que deux possibilités : la fragmentation en des États-nations livrés à la merci de puissances telles que la Chine, la Russie, le monde islamique ou les États-Unis, ou alors un centralisme bureaucratique sans âme – deux risques déjà perçus par Schuman, quand il écrivit : « La démocratie sera chrétienne ou elle ne sera pas. Une démocratie antichrétienne sera une caricature qui sombrera dans la tyrannie ou dans l’anarchisme. » Dès lors, comment les institutions de même que l’esprit d’une telle Europe alternative devraient-ils être idéalement conçus – une utopie, que je désignerais, suivant l’appellation des Grecs pour l’extrême Occident du monde connu, par le terme “hespérialisme” ?

Le « Saint-Empire », autrefois garant d’un humanisme en Europe

Ce fut une erreur fondamentale de créer les institutions européennes en partant d’une pure abstraction et de laisser dicter leur évolution par le mécanisme profondément malhonnête de la “méthode Monnet”, qui ne légitime pas l’intégration européenne par l’assentiment des citoyens, mais par des nécessités administratives délibérément provoquées. Une vraie Europe unifiée aurait plutôt dû s’inspirer des siècles d’histoire occidentale durant lesquels le continent avait déjà été très largement unifié : par le Sacrum Imperium , le “Saint-Empire” qui, pendant un millénaire, a assuré le vivre-ensemble paisible et la défense vaillante de territoires allant de la France jusqu’à la Pologne et du Danemark jusqu’à l’Italie – un succès inouï inspirant également d’autres confédérations supranationales telles que l’immense empire polono-lituanien et basé sur une conviction fondamentale qui pourrait encore porter ses fruits aujourd’hui. Alors que les entités confédérées jouissaient d’une autonomie maximale et concertaient leurs intérêts lors d’états généraux réguliers, l’élection libre d’un représentant commun assurait la défense militaire vers l’extérieur, le compromis lors de conflits intérieurs et la garantie d’un minimum de normes nécessaires pour l’épanouissement de tous. Avec une durée de vie de presque mille ans, cet empire fut certainement l’une des institutions les plus performantes de l’histoire européenne et sa relative diversité interne, critiquée par l’historiographie nationaliste du XIXe siècle, nous paraît aujourd’hui, alors que tant de prédictions de George Orwell semblent se réaliser, comme le garant d’un humanisme de plus en plus menacé, ou, selon les mots de Karl Theodor von Dalberg, comme « une construction gothique solide qui ne satisfait peut-être pas toutes les règles de l’art du bâtiment, mais dans laquelle l’on vit en sécurité » .

Ainsi, une Europe alternative basée sur ce modèle radicalement subsidiaire remplacerait le processus d’unification incontrôlée par un acte de constitution définitif. Celui-ci serait caractérisé par une réforme fondamentale de la représentation législative, où le Parlement européen deviendrait la chambre basse, le Conseil européen la chambre haute, exerçant ensemble, comme la vieille diète impériale, le pouvoir législatif et budgétaire. Cette assemblée désignerait une série de secrétaires d’État qui remplaceraient la Commission européenne et devraient exercer, tout en respectant la représentation égale des pays membres, les tâches nécessitant un minimum de cohésion afin de garantir la sécurité extérieure et la paix intérieure du continent : défense commune, coopération des polices et protection des frontières extérieures, renforcement de l’infrastructure transcontinentale, coordination juridique, protection de ressources stratégiques, collaboration scientifique et administration des finances nécessaires. Seules la politique étrangère et la direction d’une commission d’arbitrage pour gérer les litiges entre nations devraient échoir à un président élu par tous les citoyens et dont le rôle serait, comme celui du souverain du Sacrum Imperium, de représenter les intérêts de l’Europe vers l’extérieur comme vers l’intérieur.

Mais c’est un renouvellement de l’esprit guidant ces institutions qui devrait être la véritable base d’une telle réforme, esprit dont les valeurs fondamentales devraient également être définies dans une nouvelle Constitution afin de servir de base aux décisions de la Cour européenne de justice. Ces valeurs ne devraient pas seulement se référer aux droits de l’homme, mais aussi enraciner légalement l’attachement profond de l’Occident à l’image spécifique du monde et de l’humain qui s’y est développée durant son histoire millénaire. En effet, la naissance de l’Europe ne remonte ni à 1789 ni à 1945, mais beaucoup plus loin, ou, pour citer Paul Valéry : « Toute race et toute terre qui a été successivement romanisée, christianisée et soumise, quant à l’esprit, à la discipline des Grecs, est absolument européenne. » C’est cette vision de l’Europe là qu’il faut protéger et cultiver.

Le chaos pour comprendre

L’Europe est tellement plus que la simple somme des personnes habitant nos terres : elle doit aussi rester fidèle à l’héritage de nos ancêtres par le maintien d’une attitude positive face à la tradition gréco-romaine et judéo-chrétienne, par la protection de l’idéal familial occidental et par une fierté saine pour la nature unique de sa culture. Car s’il existe une obligation morale de faire un travail de mémoire sur les crimes du passé de notre civilisation, celle-ci trouve son corollaire dans le devoir de se souvenir aussi de ses prouesses et exploits. Quand l’esprit européen aura de nouveau pleinement assimilé cette conviction, alors seulement il sera possible d’enrayer (ou du moins retarder) le déclin actuel, qui résulte essentiellement du fait que, dans tous les domaines de la vie, nous avons développé une incapacité presque métaphysique de distinguer la règle de l’exception. Ainsi, au nom d’une tolérance mal comprise, même les déviances les plus aberrantes par rapport à la norme culturelle majoritaire sont systématiquement cultivées, voire idéalisées comme étant désormais des normes autonomes jouissant des mêmes droits. Or, il est évident que, tôt ou tard, cette tendance ne mènera pas à plus de cohérence, mais plutôt à la fragmentation de notre société, et donc, finalement, à la crise et à la violence.

Est-il déjà trop tard pour une telle réforme “hespérialiste” de notre continent ? L’Europe a-t-elle besoin, comme tant d’autres sociétés dans l’histoire, d’une période de chaos afin de se souvenir de ses véritables valeurs ? Malheureusement, c’est très probable. Et pourtant : même cette perspective pessimiste ne doit pas nous relever de notre devoir de travailler pour l’Europe et de concevoir, dès maintenant – et ne serait-ce que comme utopie -, un modèle de société bannissant le double danger du centralisme et du chauvinisme afin de donner à l’Europe cette force intérieure qui seule pourra lui permettre de faire face à ces multiples défis venant non seulement de l’extérieur, sous la forme de puissances concurrentes, mais aussi de l’intérieur, par le déclin des valeurs et la montée des sociétés parallèles. Un tel espoir est-il irréaliste ? En 2019, très probablement. Mais une fois qu’une nouvelle crise économique aura généré une catastrophe à la grecque dans d’autres États européens, que la frustration des citoyens face à leurs élites aura mené à des émeutes endémiques même en dehors de la France, que la terreur politique tout comme religieuse aura déchiré la cohabitation sociale et que la lutte entre les “bien-pensants” et les “populistes” aura paralysé les institutions nationales et européennes… alors, comme nous l’apprend l’histoire, il ne faudra qu’une petite étincelle pour transformer à nouveau le chaos en un ordre nouveau.

Le Déclin, de David Engels, Éditions du Toucan, 384 pages, 9,90 €.

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David Engels réfléchit sur l'œuvre de Spengler : penser à l'avenir

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David Engels: « Dieu est la vraie mesure de toute chose… ». Platon et le culte grec traditionnel

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