lle était aussi belle que sulfureuse… Doris Delevingne, blonde incendiaire à l'ambition démesurée, un culot monstre et un seul mot d'ordre pour faire oublier ses origines modestes : « Le lit d'une Anglaise est son royaume. » Avec une telle devise, Doris Delevingne va tenter par tous les moyens de se faire une place au soleil, jusqu'à envoûter Churchill, comme le raconte avec gourmandise Stéphanie des Horts dans une biographie romancée parue chez Albin Michel (Doris, le secret de Churchill). La jeune fille quitte rapidement la mercerie familiale, part à Londres, fréquente les théâtres, multiplie les conquêtes, attire la lumière, côtoie la gentry et finit par décrocher le gros lot – dans tous les sens du terme – en épousant Valentin Castlerosse, héritier du comté de Kenmare, un sacré bambochard qui occupe ses journées comme chroniqueur mondain.

La voilà installée, mais pas pour autant rassasiée… La vicomtesse collectionne les amants, surveillée de près par son mari rongé par la jalousie, alimentant les ragots du Tout-Londres et forgeant sa réputation de séductrice insatiable. Dans la liste, on retient le photographe Cecil Beaton, qu'elle tente de distraire de son homosexualité, Tom Mitford ou encore Randolph Churchill, le fils du futur Premier ministre – au grand dam de sa mère Clementine, qui trouve décidément son grand garçon capricieux et ingérable…

 

Après le fils, le père ? C'est en tout cas la conviction de Stéphanie des Horts, qui nous fait revivre cette passion née en 1933 sous le soleil de la Côte d'Azur, au château de l'Horizon, chez son amie l'actrice Maxine Elliott, entre Cannes et Juan-les-Pins. Peut-on rêver plus beau décor ? Churchill a 58 ans, il est au creux de la vague, en partie ruiné par la crise de 1929 et renié par un parti qui estime que sa carrière est désormais derrière lui… Il vient ainsi s'échouer sur la Méditerranée, jouir de la lumière, du calme et du panorama, et peindre tout son soûl pour oublier les prémices de la vieillesse.

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Volupté et lascivité

C'est là que déboule Doris, 32 ans, talons hauts et short court, boule d'énergie débridée. « La vicomtesse Castlerosse est une invitation à la volupté et à la lascivité, à l'engouement et au plaisir », écrit Stéphanie des Horts. Churchill l'a déjà croisée, il la connaît de réputation – n'a-t-elle pas séduit son fils ? Elle l'intrigue et l'amuse tout à la fois, d'autant que son épouse Clementine a déjà fait ses bagages pour la Grèce… Ils jouent aux cartes, discutent, nagent, elle pose pour lui, minaude et roucoule si bien que le vieux lion aurait fini par succomber cet été-là…

Aucune preuve formelle, mais beaucoup d'indices pour Stéphanie des Horts. D'abord ces tableaux peints par Churchill, trois portraits d'elle dans des poses alanguies sur les quatre tableaux réalisés sur elle en villégiature. Une obsession et la trace tangible de leur passion… « Elle va durer environ un an, estime l'autrice. Doris est séduite et fascinée, mais Churchill est un seigneur de guerre, il sera vite préoccupé par la tension mondiale, le réarmement allemand, qui va devenir son idée fixe, il n'aura plus la tête à la bagatelle… »

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Il y a aussi ces lettres d'amour découvertes un jour par l'assistant littéraire de Winston Churchill, qui en parla ensuite à John Colville, le secrétaire particulier du Premier ministre britannique, lequel a vendu la mèche dans les années 1980 – son témoignage a été évoqué il y a quatre ans dans un documentaire sur Channel 4. « Ces lettres ont malheureusement disparu, précise Stéphanie des Horts, Clementine Churchill a mis la main dessus pour éviter à tout prix de briser la légende dorée. Elles sont quelque part, sans doute dans le fonds Churchill, jalousement gardées… »

Doris continuera sa vie à cent à l'heure, collectionnant les hommes et même les femmes – sa maîtresse Margot Hoffmann, riche héritière américaine, lui offrira même un palais à Venise… Elle divorce puis s'exile aux États-Unis au début de la Seconde Guerre mondiale avant de finir ruinée et abandonnée de tous, vaincue par les somnifères dans une chambre du Dorchester, à Londres. À moins qu'on ne l'ait fait taire définitivement… Sa biographe avance que les services secrets britanniques la surveillaient de très près : Doris, devenue incontrôlable, aurait pu salir le Premier ministre en pleine guerre mondiale. À seulement 42 ans, la gourgandine emportait ses secrets dans la tombe et achevait dans le drame son insolente cavalcade.

 

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