CHRONIQUE - Cautionner le racialisme à l’École, c’est en finir avec la France millénaire.
La première impression était la bonne: Emmanuel Macron est un communautariste. Vendredi 20 mai, il a affirmé son choix d’une société multiculturelle en nommant à l’Éducation nationale l’intellectuel Pap Ndiaye, formé à l’idéologie nord-américaine du racialisme. Jusqu’alors, le président procédait par touches. Il disait un jour: «Il n’y a pas de culture française ; il y a une culture en France et elle est diverse.»Et encore: «Je ne crois pas au modèle d’assimilation. Je crois à l’intégration, à la République forte qui sait assumer sa diversité.»Mais il maintenait néanmoins Jean-Michel Blanquer à la tête de l’Éducation nationale, le laissant guerroyer contre le voile islamique ou la «culture woke», ce courant acquis aux exigences des minorités. Or c’est en définitive à cette filiation extrême que le chef de l’État a décidé d’apporter son soutien. Il est vrai qu’il avait aussi admis: «Il faut déconstruire notre propre histoire.»
Le procédé présidentiel est d’une légèreté stupéfiante. Il procède du bon vouloir, non d’un consensus. Il est tentant de prêter à Macron, volontiers provocateur, la même réflexion qu’il avait eue contre les non-vaccinés: «Les conservateurs, j’ai très envie de les emmerder.» Jamais n’aura été débattu du choix que la nation devait faire entre le maintien ou l’abandon de l’assimilation, ce processus qui rend Français l’étranger qui se fond dans l’héritage national. Rien n’autorisait le chef de l’État réélu à signifier l’abandon d’un modèle original au profit d’une importation contestable. Seul un référendum devrait trancher ce point. Les citoyens ne sont pas des cobayes. D’autant que l’assimilation reste l’exigence du code civil («Nul ne peut être naturalisé s’il ne justifie de son assimilation à la communauté française»). Cautionner le racialisme à l’École, c’est en finir avec la France millénaire.
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Observer les satisfactions de l’extrême gauche à cette nomination fait mesurer la dangerosité du message présidentiel pour l’avenir de la «nation une et indivisible». Le ministre sera jugé à ses actes. Mais c’est au vu de ses prises de position que Macron a arrêté sa décision. Or Ndiaye est le pur produit du conformisme universitaire en sciences sociales. Ce domaine est la propriété exclusive des contestataires de la société occidentale, accusée d’être trop blanche et homogène. Perméable à la culture américaine de la revendication raciale et du déboulonnage des figures historiques, ce monde clos produit le conflit permanent. «Il existe un racisme structurel en France», a pu dire Ndiaye, lui-même métis. Pour lui, l’Opéra de Paris manquerait d’«artistes non-blancs». La valorisation du Noir et l’humiliation du Blanc sont les obsessions de ces «antiracistes».
Mais qu’ont fait les Français pour mériter cette maltraitance? Dans L’Enracinement, Simone Weil écrit: «La perte du passé, collective ou individuelle, est la grande tragédie humaine, et nous avons jeté le nôtre comme un enfant déchire une rose.»C’est à ce caprice que se prête Macron quand, au nom du «peuple nouveau» évoqué lors de son investiture, il jette ses pelletées de terre sur la mémoire collective et ses héritages, croyant faire moderne. Non content d’introduire la lutte des races dans la dialectique sociale, Ndiaye, cofondateur du Conseil représentatif des associations noires (Cran) et ancien directeur du Musée de l’histoire de l’immigration, cautionne le retour en force du politiquement correct, qui n’admet aucune contradiction. Dès sa nomination, SOS-Racisme a invité à dénoncer les attaques de la «fachosphère». Qui critique Ndiaye est présumé fasciste, raciste. Accepter cette régression?
Trahison des élites
Cette offensive intérieure contre le modèle français est une trahison des élites. Jusqu’alors, seuls les États-Unis s’employaient à exporter subrepticement leur nouvelle idéologie déstabilisante, par des infiltrations dans les milieux «diversitaires». Dans son dernier essai (Les Dindons de la farce), Malika Sorel cite le câble diplomatique révélé par WikiLeaks de l’ambassadeur des États-Unis en France, Charles Rivkin: «Nous continuerons et renforcerons notre travail avec les musées français et les enseignants pour réformer le programme d’histoire enseigné dans les écoles françaises, pour qu’ils prennent en compte le rôle et les perspectives des minorités dans l’histoire de la France (…) Nous focaliserons notre discours sur le problème des discriminations (…).» Ce lavage de cerveau conçu par un pays allié, était scandaleux. Il devient insupportable depuis que le ministre de l’Éducation, formé à la propagande des campus américains, personnifie l’entrisme des minorités, avec leurs exigences d’accommodements raisonnables et de discriminations positives. En promouvant le multiculturalisme et l’abandon de l’assimilation, c’est l’universalisme que le président remet en question. Sa lutte contre le séparatisme est un leurre quand il avalise le différentialisme.
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En fait, Macron emprunte le même chemin que Jean-Luc Mélenchon, en partageant sa vision d’une nouvelle société déracinée portée par le dynamisme démographique de la «diversité» issue de l’immigration, majoritairement musulmane. Lundi, le ministre de l’Éducation s’est rendu, à Conflans-Sainte-Honorine, au collège du professeur d’histoire Samuel Paty, décapité par un djihadiste en octobre 2020, afin de lui rendre hommage. Ndiaye y a dit son «refus de la barbarie et de la haine». Mais c’est l’islamisme qui devrait être nommé. Cette plaie se propage dans les soutes de la société multiculturelle que le ministre promeut. Derrière le procès contre l’homme occidental se voit la mansuétude pour l’homme africain et musulman. Un «Observatoire des violences sexuelles et sexistes en politique», créé en février par des féministes proches de La France insoumise, cherche ces jours-ci à imposer l’accusation des femmes contre des hommes en «présomption de culpabilité», en lieu et place de la justice. Damien Abad, ex-LR qui a rejoint le gouvernement, est ainsi accusé de viols en dépit de deux classements sans suite et d’une absence de plainte nouvelle. Mais ces mêmes féministes, prêtes à défendre le burkini et le voile islamique, se gardent de dénoncer les pratiques sexistes de certaines minorités sacralisées.
«L’appel de la patrie»
Foot: Kylian Mbappé, lundi, commentant sa décision de rester au PSG: «Je n’ai pas dit non au Real Madrid, j’ai dit oui à la France (…) J’ai eu l’appel de la patrie (…).» Les «élites» déboussolées, elles, n’aiment pas la France.
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