Dans son dernier ouvrage, « Vivre avec nos morts », la rabbine, voix du judaïsme libéral, livre une réflexion sur la mort et sur ce que la conscience de notre vulnérabilité peut apporter à nos vies.

Propos recueillis par

Publié le 14 mars 2021
https://www.lemonde.fr/le-monde-des-religions/article/2021/03/14/delphine-horvilleur-la-laicite-est-une-forme-de-transcendance-une-promesse-d-infini_6073040_6038514.html

Entretien. Voilà un ouvrage sur la mort que l’on se surprend à lire le sourire aux lèvres. Malgré la gravité apparente du sujet, Vivre avec nos morts (Grasset, 234 p., 19,50 euros) est en réalité un puissant hymne à la vie. Il aurait pu tout aussi bien s’appeler LeH’ayim ! – « A la vie ! », en hébreu –, expression qui ponctue régulièrement ce récit plein de sensibilité et de finesse.

Si Delphine Horvilleur prend pour point de départ la narration de vies interrompues, inconnues ou célèbres – la psychanalyste Elsa Cayat, Simone Veil, Marceline Loridan-Ivens –, elle la prolonge d’une réflexion sur la manière de donner sens à cette mort, sans pathos. Pour la première fois, la rabbine se dévoile également de manière plus intime sur sa propre histoire, ses « propres fantômes ». Puisant dans les textes sacrés et, de manière plus inattendue mais tellement savoureuse, dans les objets les plus profanes du quotidien – Lego inclus –, la rabbine Delphine Horvilleur nous offre ici les enseignements d’une sagesse lumineuse et riante.

 
 

Qu’est-ce qui vous a incitée à écrire sur la mort, thème souvent jugé repoussoir ?

Si ce thème peut effectivement sembler un peu pesant, j’ai cherché au contraire à offrir des récits qui, face au surgissement de la mort, font gagner la vie et ne lui laissent pas le dernier mot. Quand les gens meurent, ce n’est jamais de leur fin ou de leur tragédie qu’il faut parler, mais de la vie et la façon dont ils l’ont célébrée. D’où le titre du livre, Vivre avec nos morts.

L’idée de cet ouvrage est beaucoup plus ancienne que l’actualité liée à la pandémie, qui a fait surgir la mort de manière visible autour de nous. Depuis des années, je passe un temps considérable dans les cimetières et les maisons des endeuillés. Je savais que je devrais un jour explorer cette question qui me hantait, mais j’appréhendais de le faire. J’avais conscience que cela m’obligerait à faire un travail très personnel pour explorer mon propre rapport à la mort, mes propres fantômes. Mes précédents ouvrages étaient des essais, format qui n’impose pas de se mettre à nu. Ici, je me livre de manière beaucoup plus forte.

Pourquoi étiez-vous, jusqu’alors, réticente à le faire ?

Comme toutes les femmes qui ont été amenées à investir des fonctions longtemps masculines, je voulais sans doute inscrire mon rabbinat dans le sérieux de mon rapport au texte, la neutralité de ma fonction et tenir à distance l’affect. Il me semble qu’il m’a fallu, pendant un temps, surjouer un peu l’exemplarité « cérébrale ». Mais aujourd’hui, du temps a passé, et une certaine reconnaissance me permet peut-être de prendre un peu plus de liberté. Je crois toujours à la quête de l’excellence et du sérieux intellectuel, mais il me semble que je suis prête à dévoiler davantage mes propres vulnérabilités, et à parler à la première personne du singulier.

Je sais qu’au sein du monde juif, certaines personnes ne verront jamais en moi un rabbin. Elles considèrent que leur vision du judaïsme est la vraie, et que la mienne ne l’est pas. La différence entre elles et moi, c’est que je considère pour ma part que ni la leur ni la mienne n’est la vraie – ce sont juste deux façons de vivre une tradition. J’ai gagné suffisamment en sérénité pour ne plus avoir besoin de leur approbation. Des gens cheminent à mes côtés et je tente simplement de les accompagner le mieux possible, de trouver les mots justes pour tisser la tradition juive à l’épreuve qu’ils traversent.

Vous racontez dans votre livre la terreur qui s’est emparée de vous lorsque, à 10 ans, vous avez pris conscience de votre mortalité. Le fait de côtoyer si souvent la mort, en tant que rabbine, a-t-il permis de calmer cette angoisse ?

Cela n’a rien changé, si ce n’est que je regarde avec plus de lucidité et de tendresse la petite fille de 10 ans terrorisée, qui fait face à l’idée de la mort pour la première fois. Cette petite fille est toujours là. Mais j’ai compris avec les années que s’il y a un monde que la mort ne peut pas toucher, c’est celui des mots. Le propre de la mort est qu’elle ne se raconte pas. Ce qu’on peut raconter, c’est la vie. Quand quelqu’un meurt et qu’on sait raconter sa vie, on fait un sacré pied de nez à la mort. Le seul pouvoir dont je dispose face à cette obscurité qui se tenait devant la petite fille de 10 ans, c’est celui des mots.

Quelle est votre vision de l’après-vie ?

Cette question est très complexe sachant que, contrairement à d’autres traditions religieuses, le judaïsme ne propose pas de dogme sur l’après-vie mais une multitude de discours très protéiformes. Certains défendent l’idée de la résurrection des morts à l’heure où le Messie viendra ; d’autres, celle d’une forme de réincarnation – dans la mystique juive –, l’idée de repos au jardin d’Eden, celle que l’âme survit au corps et rejoint le créateur dans les sphères célestes… Toutes ces idées existent et cohabitent même parfois dans certaines prières, comme celle du El Maleh Rah’Amim que l’on récite au cimetière.

Si ce discours volontairement polyphonique peut déstabiliser certains fidèles, il me convient bien car il montre que la mort est un domaine où le langage n’a pas sa place. D’ailleurs, la Bible nomme l’après-vie le shéol, terme qui signifie « la question ». Quand on meurt, on tombe dans la question. Des tas de gens aimeraient qu’on leur dise qu’on s’élève ensuite vers la réponse, mais cette certitude n’est jamais formulée ainsi.

« Le métier qui se rapproche le plus du mien, c’est celui de conteur »

La pensée rabbinique est marquée par une mise en garde omniprésente contre la fascination que la mort peut exercer sur nous, laquelle risque de nous empêcher de vivre. C’est comme si les rabbins avaient cherché à bâtir une contre-pyramide, un anti-mausolée : pas question d’encenser la mort, de l’embellir, de la sculpter, ni même de fleurir la tombe – lors des funérailles, on n’apporte pas de couronne de fleurs mais on fait souvent un don à une cause chère au défunt. C’est la vie qui mérite un investissement, un narratif et une réflexion.

Portrait : Delphine Horvilleur, madame la rabbin

Vous dites qu’« être rabbin, c’est raconter des histoires », être « conteur ». Ce type de définition ne risque-t-il pas de décrédibiliser la fonction ?

Je comprends très bien que certains attendent de la religion et de ses « leaders » un discours de vérité exclusive. Cependant, à mes yeux, ce n’est pas du tout conforme à ce qu’un rabbin devrait être. Le métier qui se rapproche le plus du mien, c’est effectivement celui de conteur. Cette formulation est tout sauf une profanation de la fonction. C’est même le contraire : une tentative d’élever ce rôle à la hauteur de celui qui raconte des récits.

On a longtemps pensé que le propre de l’homme était le langage, le rire ou les rites funéraires, or il n’en est rien. Au bout du compte, il me semble que le propre de l’homme est sa capacité de raconter des histoires et se raconter des histoires. Si certains tournent cela en ridicule, je pense à l’inverse que la force des humains tient à cette capacité à construire des mondes, et à avoir une action politique dans le monde en partageant des récits qui leur permettent d’agir ensemble.

Si nos traditions religieuses, chacune par le biais de ses propres narratifs, se révèlent porteuses d’histoires de vie, elles peuvent apporter quelque chose de l’ordre d’une bénédiction pour nos sociétés. Quand elles se font porteuses de récits de mort – comme elles l’ont souvent fait dans l’histoire, et particulièrement ces dernières années –, alors elles sont une malédiction. Car les assassins du Bataclan se racontaient eux aussi des histoires qui, de leur point de vue, étaient sacrées. De ce travail de conteur, on peut faire le meilleur comme le pire.

A ce titre, les histoires constituent une arme de destruction ou de construction massive dans le monde. Mais quand la mort surgit, la puissance de ces récits est décuplée. Face à la dévastation, soit vous la laissez s’emparer de vous, soit vous agissez avec vos mots pour la contrer.

A plusieurs reprises, vous parlez de « métier » pour faire référence au rabbinat quand, souvent, les religieux emploient volontiers les termes de « vocation », de « service », « d’appel ». Etre rabbin est-il, à vos yeux, un « métier » comme les autres ?

En entendant le mot « métier », me vient à l’esprit l’origine de ce mot, la référence au métier de tailleur, au fait de « remettre l’ouvrage sur le métier ». Dans chacun de mes livres, je m’attache à mettre en exergue le lien très fort entre mon engagement et le travail du couturier : la question des liens à retisser, des fils, du texte et du textile est très présente dans le judaïsme et dans l’exercice des rabbins.

Pour moi, mon métier est un travail de tissage. Je suis donc un peu une conteuse et un peu une couturière. Leur point commun est qu’il s’agit – face au texte pour le conteur, face au textile pour le tailleur – de rapiécer, dénouer, renouer. Voilà le cœur de ma mission, qui est d’autant plus un métier que le judaïsme ne perçoit pas le rabbinat comme un clergé.

Vous reconnaissez-vous dans l’expression, au demeurant antinomique, de « rabbin laïc » par laquelle la sœur d’Elsa Cayat, membre de la rédaction de « Charlie Hebdo », vous avait désignée lors de ses funérailles après l’attentat de janvier 2015 ?

En entendant la sœur d’Elsa me présenter comme un « rabbin laïc », j’ai tout d’abord sursauté. Qu’entendait-elle par là ? Mais très vite, rien n’a sonné plus juste dans ma vie que ce « baptême » de « rabbin laïc » qu’elle m’offrait. Dans ce moment très particulier où tant de gens voulaient mettre notre nation endeuillée en posture d’affrontement – répartir le monde entre ceux qui croient et ceux qui ne croient pas, ceux qui chérissent la laïcité et ceux qui n’en veulent plus –, je sentais dans ce cimetière qu’on ne pouvait laisser la nation en lambeaux et qu’on pouvait ensemble recoudre. Rapiécer n’est pas si difficile, mais cela implique de pouvoir entendre le langage de l’autre.

« De la même manière que je fais dialoguer en moi rationalité et pensée magique, j’ai besoin dans ma vie que dialoguent la profondeur et la légèreté »

Quand la sœur d’Elsa emploie ces termes antinomiques, je vois très vite ce qu’elle veut dire, et que c’est ce que j’aspire à faire moi aussi : montrer pourquoi la laïcité me permet d’être la rabbine que je veux être, pourquoi la laïcité est la bénédiction qui me permet d’exercer ma fonction d’accompagnante dans un langage très particulier qui est celui du judaïsme, mais qui est là pour raconter quelque chose d’universel. La laïcité est pour moi un cadre qui ne sature pas, qui promet que l’espace autour de nous restera non saturé des convictions ou des certitudes des uns et des autres. Parce que c’est un cadre plus grand que ce que je crois, la laïcité est une forme de transcendance, une promesse d’infini.

Dans la préface du livre d’Amos Oz, « Jésus et Judas » (Grasset, 96 pages, 8 euros), vous vous définissez comme une « traîtresse à la tradition » ; vous ne cachez pas non plus votre rapport compliqué au sionisme. Faut-il faire le deuil d’une identité sereine, même quand on est rabbin ?

Je ne crois pas que la tradition juive offre à aucun moment la possibilité d’un rapport apaisé, sédentarisé, à l’identité. Le judaïsme chérit toujours les mises en route et se méfie toujours des installations ; ce n’est pas un hasard si la Torah s’arrête aux pieds de la Terre promise. Ce qui ne veut pas dire qu’on n’a pas le droit de s’installer.

Si je me sens très sioniste, je ne me retrouve simplement pas toujours dans la définition que certains donnent du sionisme aujourd’hui : le sionisme de l’assassin de Yitzhak Rabin (1922-1995) et le mien n’ont rien à voir. Le philosophe Jacques Derrida disait que le propre de l’identité juive, c’est « une sorte d’inadéquation entre soi et soi », une certaine façon de ne pas savoir dire qui on est et de ne pas être complètement sûr de soi quand on l’énonce.

Parce que l’identité juive échappe à toute définition, elle échappe aussi à toute finition, c’est toujours un mouvement. D’ailleurs le mot « hébreu », dans cette langue, signifie « en passant », et le verbe « être » ne connaît aucune conjugaison au présent : on peut avoir été, devenir, mais on ne peut pas dire « je suis ». Il n’y a pas d’identité au présent fixée une fois pour toutes.

« Nous sommes dans un temps de violence messianique »

L’identité mère du judaïsme est donc une identité de passage, qui refuse l’immobilité, d’où la haine qu’il peut susciter – surgissant dans des temps d’obsession identitaire, le discours antisémite ne supporte pas l’identité mouvante que le juif incarne très bien. Ma non-sérénité de juive ou de rabbine est donc, pour moi, une fidélité à la tradition. J’appartiens à une religion où il a souvent été question de trahir la tradition au nom de la tradition. Dès lors, est-on fidèle à la tradition quand on cesse de l’interroger ?

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Vous citez Gershom Scholem : « Ne risquerions-nous pas de voir un jour la puissance religieuse de ce langage [l’hébreu, langue sacrée] se retourner violemment contre ceux qui le parlent ? » N’est-ce pas d’une certaine manière, transposé à la culture occidentale, ce que nous traversons actuellement : à force de refouler le sacré, ne nous revient-il pas aujourd’hui violemment en pleine face ?

Nous sommes en effet dans un temps de violence messianique comme il y a en a eu souvent à travers l’histoire, ces temps où des personnes surgissent en prétendant avoir le tout de la réponse ou détenir, si j’ose dire, une « solution finale ». Le Messie est arrivé – il ne s’agit d’ailleurs pas toujours d’un messianisme religieux, ce peut être une idée, une idéologie, mais le danger reste le même. Aujourd’hui, comme à toutes les périodes où l’humanité en crise cherche des solutions, d’aucuns pensent qu’ils détiennent une vérité déjà aboutie. Ils croient pouvoir effacer la question.

Il y a, dites-vous, quelque chose de blasphématoire dans la vision que le judaïsme développe de Dieu, avec l’idée de le tenir à distance, voire de le remettre à sa place. Vous-même, pourrait-on vous demander de manière un peu provocatrice, croyez-vous en Dieu ?

Quand les gens me demandent de parler de Dieu, j’ai souvent l’impression qu’il y a un malentendu, ne serait-ce que dans les termes. Dans la tradition juive, Dieu n’est pas un nom, c’est un mot ineffable. Le fameux tétragramme (YHWH) auquel les juifs croient est un terme qu’ils ne savent pas prononcer, un au-delà du langage, une forme verbale plus qu’un mot.

Je crois en un transcendant qui a quelque chose à voir avec de l’indicible, qui échappe radicalement, y compris au langage. Le problème, lorsqu’on parle de Dieu, est qu’on se trouve toujours au bord de l’idolâtrie, du blasphème. Les mots le réduisent : à partir du moment où vous dites qu’il est quelque chose, vous sous-entendez qu’il n’est pas autre chose.

« Je ne crois pas en un Dieu qui agirait dans le monde, qui aurait les propriétés de la lampe d’Aladin »

Mais s’il m’est difficile de parler du Dieu auquel je crois, je peux en revanche vous parler du Dieu auquel je ne crois pas. Je ne crois pas en un Dieu qui agirait dans le monde, qui aurait les propriétés de la lampe d’Aladin, ni en toutes ces images que notre culture populaire véhicule sous la forme d’une sorte de Père Noël ou de Père Fouettard. Dire ce qu’il est le définit, et ce qui le définit le finit. Or, Dieu est de l’ordre de l’infini.

Vous avez une approche très intellectuelle de la religion. Y a-t-il une place dans votre vie pour la pensée magique, les superstitions ?

Absolument. Je fais dialoguer en moi des moments de rationalité et des moments de pensée magique. Lorsque les pensées magiques se manifestent, c’est souvent l’enfant en nous qui parle. Je laisse cette enfant parler en moi en mettant au point des rituels qui me sont propres. Par exemple, je ne rentre jamais directement chez moi après être allée au cimetière ; il me faut un « sas » de décontamination de la mort, aller dans un café, un magasin…

Il a beaucoup été question, ces temps-ci, de la notion d’essentiel et de non-essentiel. Qu’est-ce qui est essentiel pour vous ? Ce qui est superficiel peut-il être essentiel ?

De la même manière que je fais dialoguer en moi rationalité et pensée magique, j’ai besoin dans ma vie que dialoguent la profondeur et la légèreté. Je suis quelqu’un qui place beaucoup de légèreté dans sa vie – j’ai une passion pour le karaoké, la danse. Pourquoi faudrait-il être cohérent dans la vie ? Il faut simplement laisser les différentes voix parler en soi.

Ce qui est essentiel, à mes yeux, c’est de voyager hors de soi, de trouver des ponts qui nous relient à plus grand que nous. C’est toujours, au fond, la question de la transcendance. Ce qui est essentiel, c’est de savoir qu’il y a plus grand que soi, plus grand que son histoire, que les temps de sa vie, que sa compréhension d’un mot, que notre croyance. La littérature nous fait toucher cela du doigt, parce qu’elle nous plonge dans le monde d’un autre qu’on ne comprend pas.

Cette rencontre de son monde et du mien est la condition du dialogue, un ressort d’empathie. D’où, pour moi, l’absurdité du débat actuel sur qui doit traduire la poétesse Amanda Gorman. Tout l’objet de la traduction, c’est précisément qu’elle doit être faite par quelqu’un qui n’est pas vous. C’est la rencontre entre son monde et le vôtre qui crée la possibilité d’un voyage entre deux univers.

Vous posez à la fin du livre la question : « Que laisserons-nous à notre tour, sur cette Terre où nous ne faisons que passer ? » Vous-même, qu’aimeriez-vous laisser ?

On sait bien que, dans nos existences, on ne crée rien ex nihilo : nous héritons d’un langage et d’une histoire, et nous réinterprétons, pour un temps inédit, des choses qui nous ont été transmises. J’aimerais sentir que je me suis inscrite dans une chaîne de transmission qui a rendu possible le fait que quelque chose perdure – quitte parfois à passer, peut-être, par une forme de trahison.

Au bout du compte, ce qui perdure vraiment dans l’histoire, c’est toujours ce qui se sait vulnérable, et non ce qui se croit solide. Sur cela, le judaïsme a beaucoup à enseigner. Car dans son impuissance politique, à travers ses histoires, le judaïsme du Talmud – qui a été sous domination hellénique – est toujours là, alors que les empires grec et romain ne le sont plus.

Quand on traverse une crise comme la nôtre, on peut se réconcilier avec l’impermanent en voyant dans cette cassure, peut-être, la possibilité de notre survie. C’est là une leçon universelle à méditer : la conscience de notre vulnérabilité est, paradoxalement, la condition de notre durabilité.

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Rabbine de Judaïsme en mouvement, Delphine Horvilleur dirige la rédaction de la revue Tenou’a. Elle est notamment l’autrice de En tenue d’Eve. Féminin, pudeur et judaïsme (Grasset, 2013), Réflexions sur la question antisémite (Grasset, 2019), et de Vivre avec nos morts, Grasset, 2021, 234 p., 19,50 euros.