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Covid-19: Spoutnik V, un vaccin russe très politique

ANALYSE - Moscou se sert de son sérum pour étendre son influence dans le monde et comme une arme idéologique.

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Des agents de piste de l’aéroport d’El Alto, à La Paz, déchargent d’un avion un container contenant le Sputnik V, jeudi dernier. AIZAR RALDES/AFP
 

Les vaccins contre le Covid-19 n’ont pas de passeport et l’intérêt qu’on leur porte ne doit par être mû par des considérations idéologiques. Surtout quand la campagne de vaccination de l’Union européenne est un fiasco… C’est la réponse de l’Europe à l’arrivée soudaine d’un nouveau venu sur la scène pharmaceutique, le Spoutnik V, dont l’efficacité - 91,6 %- vient d’être reconnue par la revue scientifique The Lancet.

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Angela Merkel a été la première à ouvrir la porte à l’outsider russe. «Tous les vaccins» autorisés seront «bienvenus» a affirmé la chancelière allemande, qui a même aidé Moscou dans ses démarches d’homologation. L’Institut Gamaleya, qui développe le Spoutnik V, a d’ailleurs pris contact mercredi avec le laboratoire allemand IDT.

Même tonalité en France, où Jean-Yves Le Drian d’abord, puis Emmanuel Macron, ont manifesté leur intérêt pour la solution russe, une fois qu’elle aura été approuvée par l’Agence européenne du médicament. «Les vaccins n’ont pas de nationalité. L’important, c’est d’avoir un médicament qui marche» a affirmé le ministre français des Affaires étrangères. Quant au gouvernement espagnol, il s’est déclaré «enthousiaste». L’Union européenne a entrouvert ses portes. «Si les producteurs russes, chinois ouvrent leurs dossiers, montrent de la transparence, toutes leurs données (…), alors ils pourraient avoir une autorisation conditionnelle de mise sur le marché comme les autres», a confirmé Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission.

Dans la course aux vaccins, le russe Spoutnik V, qui pendant longtemps n’avait pas été pris au sérieux, car son lancement avait été fait avant que les essais cliniques de masse aient été réalisés, tient sa revanche. Il a même dépassé son homologue chinois, jugé beaucoup moins efficace (50 %).

Une revanche contre les États-Unis et les démocraties occidentales

«Ce n’est pas une décision politique, mais une décision scientifique» a affirmé Emmanuel Macron. C’est peut-être vrai pour la France, pour l’Allemagne et pour les institutions européennes. Mais pas pour la Russie, qui considère au contraire son vaccin comme un instrument d’influence politique et une arme idéologique. Le nom d’abord, Spoutnik, fait référence à l’une des grandes victoires soviétiques sur l’Amérique pendant la Guerre froide, la mise en orbite, en 1957, du premier satellite. Une prouesse technologique de la part de l’URSS, qui avait pris de court les Américains.

Depuis son arrivée au pouvoir, Vladimir Poutine n’a eu de cesse d’œuvrer pour le retour de la Russie sur la scène internationale. Pour le journal Kommersant,le vaccin, qui fut le premier sur la ligne de départ en août, alors qu’il n’était pas abouti, «stimule l’augmentation de l’autorité» du pays. Il est considéré comme une revanche contre les États-Unis, vainqueurs de la guerre froide et contre les démocraties occidentales, qui font la leçon aux régimes autoritaires. Le «V» qui lui est accolé est celui de la victoire. Depuis qu’il a lancé les forces scientifiques du pays dans ce défi, Vladimir Poutine a répété que Spoutnik V était «le meilleur vaccin du monde».

Le vaccin a en tout cas prouvé une nouvelle fois que la Russie était de retour dans la cour des grands, même dans le domaine de la recherche scientifique, qui s’était effondré à la fin de la guerre froide, miné par les crises économiques et la corruption. C’est une belle vengeance pour le pouvoir, qui ne boude pas son plaisir. «La Russie avait raison depuis le début» affirme Kirill Dmitriev, le patron du fonds souverain russe. Dénonçant la «campagne pour discréditer le vaccin», il considère que les derniers résultats internationaux font «échec et mat» à toutes les critiques.

Le caractère politique du vaccin russe se lit aussi dans sa distribution géographique. Il a d’abord pénétré les zones d’influence du Kremlin, les anciennes Républiques soviétiques restées proches de Moscou, comme la Biélorussie et le Kazakhstan. Puis il a été fourni aux zones d’influence géopolitique de la Russie, aux pays amis comme l’Iran, le Venezuela, l’Algérie ou la Serbie. Au sein de l’UE, un seul pays avait rompu la solidarité européenne avant la confirmation de l’efficacité du vaccin, la Hongrie de Viktor Orban. À moins de dix dollars la dose, il faut dire qu’il est aussi plus abordable que les autres.

Alors que les pays européens ont un besoin urgent de vaccins, on voit mal comment Paris, Berlin et Bruxelles pourront longtemps maintenir leur politique de fermeté dans l’affaire Navalny

Un diplomate

Aujourd’hui, le Kremlin se sert de Spoutnik pour étendre son influence dans le monde. Reproduisant les méthodes de la Chine dans les instances internationales, la Russie a cherché à conditionner l’accès au vaccin à ses causes et à un soutien du Kremlin dans les grands dossiers multilatéraux. Et comme les symboles sont aussi affaire de politique, Moscou a livré des vaccins aux régions sécessionnistes d’Ukraine, Lougansk et Donetsk, à l’est du pays.

L’arrivée spectaculaire du vaccin russe sur la scène européenne intervient en pleine affaire Navalny, alors que les Européens envisagent de nouvelles sanctions contre le Kremlin. «Dans ce contexte, alors que les pays européens ont un besoin urgent de vaccins, on voit mal comment Paris, Berlin et Bruxelles pourront longtemps maintenir leur politique de fermeté dans l’affaire Navalny», s’interroge un diplomate.

Comme la fourniture, dès son lancement, de vaccins à la Hongrie était aussi pour la Russie un moyen -facile de surcroît - d’enfoncer un nouveau coin dans l’Union européenne, le succès de Spoutnik V attise les divisions intérieures des pays européens. C’est notamment le cas en France, où l’extrême droite et l’extrême gauche, par les voix de Marine Le Pen et de Jean-Luc Mélenchon, ont confirmé le caractère très politique de Spoutnik V en se portant à son secours. Mais l’urgence, il est vrai, est à la vaccination… Et peu importe la couleur de l’aiguille.

 
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141 commentaires
  • runuser

    le 04/02/2021 à 05:59

    Analyse impertinente, dégoulinante de russophobie. Complexe de supériorité typiquement occidental. Or, il reste encore de nombreux cerveaux scientifiques en Russie, ils ne sont pas tous passés en occident. Vous n'êtes pas sans savoir que la Russie a déjà composé un second vaccin (qui serait) efficace à 100%, ainsi que deux médicaments destinés aux malades déjà atteints qui donneraient d'excellents résultats. Ben oui...

  • KlingonBrain

    le 04/02/2021 à 04:25

    Bientôt, les vaccins que les gens pourront choisir en fonction de leurs opinions politiques. Les vaccins de gauche, de droite, du centre. Pro russe, pro USA, pro chinois. Vous ne saurez pas plus ce qu'il y a dans l'un ou dans l'autre, mais ça vous donnera l'illusion d'exister en faisant un choix.
    L'essentiel est de se croire plus intelligent que son voisin... même si ce n'est pas vrai.

  • Anonyme

    le 04/02/2021 à 02:09

    Visiblement ils pourrait fournir israel. Le président russe Vladimir Poutine lui-même a affirmé que le vaccin donnait « une immunité durable » contre le coronavirus, selon une information rapportée par i24. Toutefois, l'Organisation mondiale de la santé reste prudente : elle rappelle à Moscou que la « pré-qualification » et l'homologation d'un vaccin passent par des procédures « rigoureuses ». Interrogé sur les raisons qui ont poussé les autorités à déclarer une fonctionnalité du vaccin avant même la fin des essais cliniques, le centre médical israélien Hadassah, qui avait déclaré mardi dernier être impliqué dans le développement du vaccin russe, a réagi en précisant que les essais de phase 3 se déroulaient « comme il est d'usage dans le monde occidental », selon les termes de son PDG Zeev Rotstein. Soit en même temps que la finalisation du vaccin.