p25

25II-La musique et le rythme, de quoi parle-t-on?1. Le rythme: une théorisation vers la psychomotricité1.1 Définition«Le rythmeest la caractéristique d'un phénomène périodiqueinduite par la perception d'une structure dans sa répétition...»1.On parle de rythme des phénomènes naturels (rythme cardiaque, vague...), des phénomènes artificiels (horloge, train...), des rythmes comme transmetteurs de signaux(tambours militaires...).Selon H.MESCHONNIC, « le rythme est l’inscription d’un sujet dans son histoire»2. On peut ainsi en déduire que le rythme est inhérent à la vie personnelle de l’être humain et qu’il constitue une trame qui le soutient tout au long de l’histoire de sa vie.Comme le dit Mile GIBBSON-GARDNER: «On pourrait dire que tout est rythme, (...)»3. En effet, enlevons toutes les facultés à l’homme (ouïe, vue, toucher, sens, émotions), le rythme existera toujours. Voilà quelques mots qui en disent long sur l’abord de cette notion en psychomotricité. Sans pouvoir, ni vouloir être exhaustif quant à sa description, jevais tenter de partir de l’explication du rythme à un niveau naturel pour en venir à sa fonction dans le développement de l’être humain.1http://fr.wikipedia.org/wiki/Rythme2Cité par Daniel MARCELLI dans Hommage à Julian de Ajuriaguerra : le cérémonial d'accueil,ed Persée, tome 46 n°4, 1993. pp. 407-413.3Thérapie psychomotrice, Libres propos sur le rythme, edS.N.R.T.P,1976.

 

 

p26

261.2 Les rythmes cosmiquesComme il a été dit dans la définition citée plus haut, on parle de rythme des phénomènes naturels, et en quelque sorte, il s’agit des rythmes cosmiques, dont Martine GAYen fait une très belle illustration dans son chapitre Les rythmes cosmiques et l’homme.1En quelques mots, ce sont ces rythmes fondamentaux qui permettent notre existence, allant de la marche de la Terre autour du Soleil pendant une année à la rotation de la Terre sur elle-même en 24h, en passant par le cycle des saisons et de l’alternance jour/nuit, venant guider tous nos actes de la vie quotidienne.Toute cette succession pourrait être assimilée à notre principale horloge, fondamentale dans le déroulement de nos vies. A partir de cette première description, il est possible de basculer sur une notion des rythmes plus centrée sur l’être vivant, à savoir les rythmes biologiques.1.3 Les rythmes biologiquesChez l’Homme, la plupart des fonctions végétatives, hormonales et comportementales suivent un rythme et sont soumises à une régulation horaire précise. Elles seraient régies par une horloge biologique interne.Des rythmes biologiques génétiquement déterminés et synchronisés règlent l’être humain. Un rythme biologique se définit comme une variation périodique de l'intensité d'une activité physiologique, d'un phénomène biologique.Ce sont les rythmes alimentaires, circadiens, cardiaques, respiratoires ainsi que le rythme de l’activité électrique du cerveau. Ces rythmes innés et sans cesse présents sont en relation avec le sens de la durée, du vécu personnel propre à chaque individu. Selon A. REINBERGet J. GHATA« la vie se manifeste sous forme d’activités rythmiques : il n’y a pas de vie sans biopériodicité»2.Ces rythmes sont vitaux et présents chez tout individu, cependant, ils sont propres à chacun. En effet, les biorythmes, relativement autonomes, sont aussi influencés et régis par des facteurs sociologiques, environnementaux. 1Ibid2Cité par J. AMPHOUX dans Temps biologique et temps sociaux, source internet: http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/chris_0753-2776_1998_num_57_1_2021

 

>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>

p27

271.4 Rythme et tempsLa notion de rythme est presque impossible à développer sans parler conjointement du temps, de la temporalité. Comme le dit Alain GASSION: «(...) l’univers tout entier nous apparaît sous l’emprise du temps (...)»1, et sur cette question de la perception du temps, Paul FRAISSE2explique que ce sont la périodicité et la structuration, composantes essentielles du rythme, qui vont être les points de repère permettant à l’homme de percevoir ce temps, de s’y confronter et parfois, le contrôler. Ainsi, pour P. FRAISSE, la perception du rythme constitue la base de l’expérience temporelle. Le bébé, le jeune enfant, ont une conscience temporelle, une connaissance du temps fragmentée pas encore articulées et reliées entre elles de façon cohérente. En psychomotricité, le temps et donc le rythme participent à la construction de la subjectivité des individus.Après avoir fait une description des rythmes à un niveau naturel et biologique, centrons nous à présent sur le rythme à travers le développement de l’être humain, de sa naissance jusqu’à sa mort.1.5 Le rythme comme fondement du développement humainRythme et fœtusLe fœtus a une importante sensibilité auditive. Il est déjà soumis à de nombreuses stimulations rythmiques, internes, à savoir la pulsation du rythme cardiaque de la mère, son activité digestive, les souffles de sa respiration...ou externes, comme la voix humaine, la musique...tout ceci constituant un véritable langage dont le nouveau-né va très vite percevoirles moindres changements. 1Thérapie psychomotrice, Libres propos sur le rythme, ed S.N.R.T.P, 1976.2Psychologie du rythme, ed Presses universitaires de France, Paris, 1974

 

 

p28

28La mère transmet continuellement à son fœtus ses propres rythmes biologiques qui sont alors sécurisants pour ce dernier. Cette régularité dont il prend conscience et qu’il éprouve,l’accompagne tout au long de sa vie intra-utérine et sera par la suite une base de sécurité pour le passage à la vie post-natale (la naissance, bouleversante, venant rompre le rythme de la vie intra-utérine).Néanmoins, de nouveaux rythmes vont permettre, après la naissance, une structuration globalede l’individu, à savoir le rythme d’alimentation (à travers les tétés par exemple), de sommeil, etc. Le nourrisson peut alors entreprendre son nouvel environnement avec plus de sécurité par ces rythmes qui s’inscrivent dans son corps.On sait que l’être humain se construit dans la relation à l’autre, et cet autre va venir synchroniser les différents rythmes auxquels se trouve confronté le nourrisson, contribuant à structurer la mise en place du temps.Rythme et nourrisson/enfantQuand le bébé naît, il est totalement dépendant de son environnement pour vivre. C’est dans la relation à l’autre, et plus précisément dans les soins maternels qu’il va pouvoir se développer. La répétition des soins apportée par la mère va venir stabiliser l’enfant et soutenir l’établissement de son Moi. C’est à partir de là que se créent les premières interactions précoces entre le bébé et sa mère.L’intersubjectivisation par le rythmeLe rythme constitue un des facteurs essentiels de l’accès à l’intersubjectivité qui mènera par la suite à la socialisation.La rencontre intersubjective entre le bébé et sa mère ne dépend pas du son en lui-même mais du rythme dans l’échange, au travers des gestes, du regard, de la parole, du toucher, de l’écoute, etc. NB: Ces échanges sont très importants, notamment avec les personnes âgées dépendantes, leur permettant alors de se situer en tant que sujet, inscrit dans une relation.Les premières interactions du bébé avec sa mère, et leur déroulement, sont bâties sur le rythme qui s’inscrit dans la relation.

 

p29

29Le rythme dans les interactions précoces, différentes théoriesOn peut ici parler de la théorie de l’attachementde John BOWLBY, psychiatre et psychanalyste, pour qui les besoinsfondamentaux du nouveau-nése situent au niveau des contacts physiques avec sa mère. C’est cet attachement primaire fondamentalqui permet d’assurer une sécurité de base à l’enfant, grâce aux interactions qu’il entretient avec sa mère.Selon Bernard GOLSE, l’expression des capacités du bébé est dépendante de la qualité de son environnement, et aussi de ses états neurophysiologiques changeant. Le bébé est intensément sensible aux rythmes, véritables canaux sensoriels susceptibles de générer ou brouiller les échanges interactionnels. La rythmicité des interactions précoces entre la mère et son bébé va permettre par exemple à ce premier d’établir un portrait de sa mère, et de ressentir avant tout les aspects dynamiques de l’échange (réponse plus ou moins rapide, différée...).Il est important de noter qu’il existe également un rythme du langage parlé. A ce titre, Daniel STERNa montré que le bébé est capable de percevoir de manière très fine, dès 4 mois, les rythmes du «mamanais» (le langage parlé au bébé avec une haute intonation et une prosodie exagérée).Toute cette rythmicité crée du mouvement, permettant au bébé de se détacher des structures fixes.Dans les premiers mois de l’interaction mère/bébé, celle-ci va dans un premier temps venir imiter le comportement de son enfant. Puis, vers l’âge de neuf mois, la mère étend ses comportements et élabore cet accordage affectif(D. STERN). Lorsque le bébé, par exemple, agite ses bras sur un certain rythme, la mère y répond par la voix en s’accordant et en modulant sa voix sur le même rythme que les mouvements de bras.Rythme comme structurant l’image du corpsPour GenevièveHAAG, l’importance des rythmes est un élément clé dans la genèse de la construction et la constitution de l’image du corps. En effet, c’est la répétition rythmée des expériences de nourrissage où se combinent le portage, l’enveloppement et l’interpénétration (bouche, sein, regard) qui est essentielle pour la constitution de cette image du corps

p30

30G. HAAGparle de la structure rythmique du premier contenant: avant que le bébé puisse se représenter une enveloppe, qu’il ait le sentiment d’être enveloppé, il ne pourra préalablement que se sentir dans des rythmes, qui est déjà en soi un portage et qui donne le sentiment de soutien.Rythme comme sécurité de baseLes interactions entre une mère et son enfant sont aussi régies par des séquences rythmiques. Elles participent également à la sécurité de base. G. HAAG, à travers cette structure rythmique du premier contenant,décrit les « boucles de retour » où l’enfant fait un mouvement « d’aller vers » puis fait l’expérience d’un retour vers soi mais qui diffère quelque peude ce qu’il a projeté, le tout dans une rythmicité et une répétition qui vient soutenir la relation et renforce le sentiment de soi et l’image d’un axe corporel stable.Ceci correspond aux offrandes de l’enfant à la mère par exemple, qu’il vient lui donner pour les reprendre ensuite. Ces boucles de retour témoignent d’une rythmicité dans la relation à l’autre et évoluent au service du développement de la personnalité propre.Rythme constructeur de la pensée symboliqueD. MARCELLIa développé la notion de macrorythmes et microrythmes dans ses travaux sur l’émergence de la pensée chez le nourrisson. La rythmicité des évènements va conduire l’enfant à différer ses besoins dans le temps, et elle sera la base sur laquelle l’activité de pensée symbolique se construira. Dès les interactions précoces, la mère confronte le bébé aux petites surprises de microrythmes s’exprimant sur le fond rassurant des macrorythmes, organisateurs des soins. C’est la rythmicité de l’alternance présence/absence de la mère (donc dans la relation à l’adulte), de leur répétition que la pensée va émerger chez le bébé dans les périodes de manque et d’attente. L’attente met en jeu la capacité du bébé à tolérer la frustration, et l’aide à investir la temporalité. Les ruptures, en alternance avec les présencespermettent l’anticipation et la conscience d’un après, et un sentiment de continuité

 

p31

31La mère « fournit une adaptation au besoin suffisamment bonne(good enough)»1en répondant de manière adaptée et rythmée aux demandes de l’enfantlui permettant ainsi de développer sa vie psychique et corporelle.« Une première perspective consiste donc à considérer le rythme comme constitutif d’une base de sécurité. La sécurité de base(...) suppose une rythmicité, une expérience rythmique»2.Pour BRAZELTON, le rythme de ces interactions se fait essentiellement sur deux temps: un premier où la mère est avec son enfant, très attentive; et un second temps de retrait qui permettrait l’intégration des traces mnésiques du premier temps. L’absence de l’objet après l’avoir éprouvé est alors pensée.Dans notre pratique psychomotrice, la rythmicité de nos interventions va encourager les phénomènes d’attention et réciproquement, la mise en jeu des phénomènes d’attention va s’inscrire dans la rythmicité permettant par la suite au patient d’encourager ses capacités de représentation.2.La musiqueDéfinir la musique...tout un art! Existant depuis la préhistoire, elle a accompagné toutes les sociétés depuis des millénaires, en s’y adaptant à chaque fois, et continue aujourd’hui d’être présente partout, tout le temps. «Cette propension à la musique [...]est si profondémentenracinée dans notre humanité qu’on est tenté de la tenir pour innée...»3On retrouve cette notion de musique dans certaines légendes vieilles de plusieurs milliers d’années, mais les premières traces de théorie musicale proviendraient de Chine, environ dix siècles avant notre ère.1D. WINNICOTT, La préoccupation maternelle primaire, De la pédiatrie à la psychanalyse, ed Payo,1958, p. 289.2A. CICCONE, La vie psychique du bébé –Emergence et construction intersubjective, ed Dunod, 2012, p. 1273O. SACKS, Musicophilia –La musique, le cerveau et nous, du Seuil, 2007, p. 10.

 

p32

322.1 Quelques caractères physiques de la musiqueUn son (une onde sonore) aquatre composantes fondamentales qui le caractérisent: -Le timbreest la combinaison d’ondes donnant laqualité spécifique du son, sa couleur, indépendante des notions de hauteur, intensité et durée. Il permet de percevoir la nature matérielle du son, de la musique.-La duréequi représente l’étalement du son dans le temps, c'est-à-dire le temps entre le début et la fin de la vibration. Ce temps peut être long, bref, et est étroitement lié au rythme.-L’intensité, donnée physique mesurable, estcaractérisée par le volume sonore. C’est l’amplitude de l’onde. Elle peut être douce, forte, et est liée à la puissance avec laquelle on joue d’un instrument ou au nombre d’instruments alors mis en jeu. C’est une notion subjective qui peut être perçue différemment de la réalité par un sujet.-La hauteurcorrespond à la fréquence ou nombres de variations par seconde. Elle représente une sensation auditive plus ou moins aiguë en fonction du nombre de vibrations (plus il est important, plus le son est aigu).-Le tempo(ou mouvement) correspond àla vitesse avec laquelle s’enchaînent les éléments sonores.Il peut être vif, rapide, médiumou lent. Il est fonction de la durée des sons.Ainsi, la musiqueest l'artconsistant à arranger et à ordonner ou désordonner sonset silencesau cours du temps: le rythmeest le support de cette combinaison dans le temps, la hauteur, celle de la combinaison dans les fréquences, «elle est donc à la fois une création (une œuvre d'art), une représentationet aussi un mode de communication». Elle peut utiliser des objets divers, le corps, la voix, mais aussi des instruments de musiquespécialement conçus, et de plus en plus tous les sons (concrets, de synthèses, abstraits,etc.).11http://fr.wikipedia.org/wiki/Musique

 

 

p33

33À partir de cette brève définition, on peut déjà dégager les termes «création» en lien avec la créativité que je développerai dans une prochaine partie, «représentation» et «mode de communication», quand le langage oral n’est par exemple plus possible.2.2 Une physiologie musicaleLe psychiatre et psychanalyste Rolando Omar BENENZONest à l’origine du principe de l’Iso ou de l’«identité sonore» (années 90) et le définit ainsi : « le principe de l’ISo établit que les caractéristiques musicales doivent correspondre aux caractéristiques psychiques du patient... »1. Il faut alors pouvoir adapter le tempo musical au tempo intérieur de la personne pour éviter tout retrait ou indifférence de cette dernière. Le tempo d’une musique peut influencer directement les fréquences cardiaque et respiratoire de l’auditeur. Le tempo influence directement la vie végétative.D’après une méthode élaborée dans les années 80 par le docteur Léon BENCEet le compositeur MaxMEREAUX, la biomusicothérapie, il existerait une correspondance vibratoire entre les sons et les organes du corps humain. Ainsi, «des fréquences spécifiques correspondant à des organes, des appareils et des fonctions du corps humain peuvent agir directement sur la physiologie de l’homme.» 2Une même musique peut donc agir de manière différente sur les organes du corps humain, mais également sur certaines fonctions corporelles, à un niveau digestif, respiratoire, cardiaque, circulatoire, etc.Il existe des manifestations corporelles particulières à l’écoute d’une musique telle que le frisson. Qui n’a jamais frissonnéà un moment donné alors qu’ilécoutait une musique? Pour expliquer ce phénomène, une étude canadienne de neuro-imagerie, réalisée parAnne BLOODet Robert ZATORRE, a pu mettre en lien que ce sont les mêmes zones cérébrales («le circuit de la récompense» impliqué dans tous nos comportements) qui sont activées quand nous frissonnons, mangeons du chocolat, faisons l’amour par exemple. Ceci s’explique par l’effet direct de la musique sur la sécrétion d’endorphines agissant au niveau de ce circuit de récompense et de plaisir (celui-ci même qui est atteint lors de la dépression).1http://tpe-musicotherapie.e-monsite.com/pages/le-son-et-l-homme/effets-du-son-et-de-la-musique-sur-l-organisme-humain.html2Ibid

 

 

 

p34

34Ecouter de la musique augmenterait le taux de sérotonine, neuromédiateur, favorisant des manifestations corporelles. De plus, cette écouteentraînerait une augmentation de la sécrétion de morphine ayant alors un effet tranquillisant et antalgique. Quand nous entendons une musique, elle peut nous paraître agréable ou au contraire désagréable. Les structures cérébrales qui s’activeront alors seront différentes, entraînant des ressentis et des comportements spécifiques.Par exemple, l’écoute d’une musique désagréable(propre à chacun) va venir activer les circuits de la peur situés au niveau de l’amygdale connectée avec les aires associatives, le thalamus, en autre, ce dernier qui intervient dans l’éveil, la vigilance et la protection. Ceci entraînera par voie de conséquence un phénomène de stress.D’autre part, écouter une musique agréabletend à inhiber l’amygdale, ouvrant alors le champ aux émotions agréables et activant le cortex moteur primaire, ce qui explique cette tendance à vouloir bouger ou entrer en rythme corporellement avec la musique.Au final, «tout se passe comme si la musique plaisante entendue méritait d’être écoutée avec plus d’attention, retenue, imitée et chantée avec bonheur pour la plus grande satisfaction du circuit de récompense».1Malgré tous ces phénomènes physiologiques résultats de la musique, de son écoute, il ne faut pas oublier que la sensibilité à la musique reste propre à chaque individu, à son histoire, son éducation, sa culture...L’émotion ressentie s’en trouvera alors différente. Tout ce qui est de l’ordre de l’agréable, du triste, etc., restent des données très subjectives. Une musique qui sera relaxante pour soine le sera pas forcément pour un autre.En utilisant la musique comme possible médiateur, il va alors falloir réussir à se placer à la fois d’un point de vue objectif, c'est-à-dire du côté des théorisations qui ont été faites à ce sujet, mais aussi d’un point de vue subjectif en tenant compte des réactions émotionnelles propres à chacun.2.3 La musique: un voyage dans le tempsEvoquer la musique consisterait à prendre un chemin qui nous mènerait vers les symboles de son écriture à travers les notes de musique, mais également vers le sens qu’on accorde à ses valeurs affective et émotionnelle. 1Pierre LEMARQUIS, Sérénade pour un cerveau musicien, Ed Odile Jacob, 2009, p. 120

 

 

p35

35A travers les âges et les cultures, la musique et son approche n’ont cessé de diverger, creusant des fossés de plus en plus profonds. Ainsi, en Occident, on s’est efforcé, dans un souci d’authenticité, d’inscrire la musique dans une histoire qui la relierait à la mémoire du passé. Ceci s’est fait par le biais de l’écriture (sur des partitions notamment).Tandis qu’en Afrique par exemple, la musique fait elle, plus appel à l’imaginaire, au mythe, à la magie, on parle de corporalité de la musique (à cet effet, il est facile d’observer tout le contraste entre une musique Africaine où les joueurs s’engagent corporellement et une musique occidentale essentiellement caractérisée par des musiciens figés, pour des orchestres par exemple).Cependant, malgré ces fossés toujours plus importants, la musique fait danser et chanter les individus de toutes les cultures dans le monde, et ce, depuis que nos ancêtres se sont réunis autour des premiers feux. Anthony STORRsoutient dans Music and the mindque «la musique remplit une fonction collective et communautaire dans toutes les sociétés en rapprochant et en unissant des individus».1Cependant, aujourd’hui, évoquer la musique renvoie la plupart du temps à sa seule écoute passive. Ce rôle premier de la musique, celui de réunir les peuples, tend à disparaître de nos jours. De nos jours, c’est lors de concerts ou à l’église par exemple que la musique revêt sa tenue socialisante et redevient pour un temps une expérience commune. Il est intéressant de noter que la musique n’a vraisemblablement pour l’homme, aucune fonction première d’adaptation. Elle ne nourrit pas, ne protège pas. Selon Darwin, dans la Descendance de l’homme et la sélection sexuelle: «L’aptitude à produire des notes musicales, la jouissance qu’elles procurent, n’étant d’aucune utilité directe (...), nous pouvons ranger ces facultés parmi les plus mystérieuses dont l’homme soit doué».2L’origine de la musique humaine est très difficile à cerner. Il n’y a pas de «centre de la musique»unique dans le cerveau.Cependant il semblerait, au vue des nombreuses études qui lui ont été consacrées, qu’elle tienne un rôle essentieldans la vie de l’être humain, ce dernier y étant extrêmement sensible.1Cité par O. Sacks dans Musicophilia –La musique, le cerveau et nous, ed du Seuil, 2007, p. 324.2Ibid, p. 10

 

p36

362.4 Développement de la perception auditive et de la musicalitéLes recherches neurophysiologiques de ces dernières années ont montré que le développement de l'audition du fœtus humain est achevé à 4 mois de vie intra-utérine. En revanche, la fonction auditive n'est pas encore entièrement achevée, les sons sont alors perçuscomme des sensations auditives qui se transmettent par la voie des conductions osseusesnotamment. Dès le 6emois de vie intra-utérine, le fœtus répond aux bruits qu’il entend par des mouvements et peut s’habituer à un son en y réagissant de moins en moins.Les sons de basses fréquences qui passent en particulier par le canal vestibulaire ralentissement l'activité du fœtus. Les sons de moyenne et haute fréquence stimule cette dernière, c’est la raison pour laquellela voix du père est souvent apaisante pourle bébé. Si l'enfant très tôt capte les sons, on pense aussi que ces sons semblent laisser des traces dansla mémoire et cela constitue un authentique code sonore personnel qui contient la base entre autre du langage du futur enfant.L'univers intra-utérin est donc un monde aussi sonore, sans contour précis,et qui est perçu par le psychisme du bébé encore immature. Dès la naissance, l'enfant détecte la présence d'objets sonores. Il est sensible aux caractères rythmiques et mélodiques des séquences sonores. Très vite, un lien se crée entre vision et audition (la source sonore va orienter la tête et donc le regard). On est ici dans la construction d'une intermodalité.Le monde sonore occupe une place prépondérante dans le développement de l’enfant. L'orientation par la force sonore va aussi contribuer petit à petit à construire l'espace.La non identification d’un son ouvre alors les portes à l’imaginaire et à l’affectif.L’audition a une fonction d'alerte et d'orientation induisant une modification posturale et tonique. Le développement de la musicalité va se faire ensuite tout au long du développement de l’enfant, qui va passer chronologiquement par reproduire des bribes de chanson(2-3 ans), discriminer les hauteurs et reproduire des rythmes simples (4-5 ans), comparer les variations d’intensité (5-6 ans), améliorer ses réalisations rythmiques (8-9 ans)...En vieillissant, l’individu perd en discrimination auditive, les fréquences aigues sont moins bien perçues. La rythmique peut se fragiliser. Cependant, la sensibilité à la musique, à son écoute, reste importante au moment de la vieillesse. Ce dernier point ouvre sur la question de l’utilisation d’une médiation autour du rythme et de la musique en psychomotricité avec des personnes âgées dépendantes

 

 

.

.