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Thaïs Descufon portrait femme

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08/03/2021 – FRANCE (NOVOpress)
Premier volet de notre série Place des femmes mettant à l’honneur des jeunes femmes engagées, à l’occasion de la Journée internationale du droit des femmes, avec Thaïs Descufon, qui fut porte-parole de Génération identitaire, association que le gouvernement vient de dissoudre (l’entretien a été réalisé avant que ne soit pris le décret de dissolution).

Elle nous livre sa vision de la femme et du féminisme.

 

Je m’appelle Thaïs Descufon, j’ai 21 ans. Je suis porte-parole de Génération identitaire depuis quelques mois. Cela fait trois ans que je milite au sein de ce même mouvement. C’est un mouvement de jeunesse qui souhaite défendre l’identité des peuples européens face à l’immigration massive et l’islamisation.

Comment êtes-vous arrivée là ?

J’étais déjà consciente des problèmes d’immigration et d’islamisation. Ma famille est à droite comme moi. Néanmoins, j’ai vraiment expérimenté ce que c’était lorsque je suis devenue étudiante. Dans le quartier de ma fac, des bars refusaient les femmes en terrasse. Beaucoup de femmes voilées étaient en cours avec moi. Et tout simplement le fait de me retrouver dans le métro parmi les seules blanches de la rame. A ce moment-là, j’ai réalisé qu’il y avait un remplacement de population et que ma ville se métamorphosait. Ce n’était pas à moi de me sentir étrangère dans ma propre ville.

Etes-vous devenue porte-parole par hasard ?

Un jour, je suis montée sur une cheminée avec un fumigène. Cette photo a largement tourné et a attiré l’attention des médias qui m’ont petit à petit montrée comme l’égérie du mouvement. Je suis devenue porte-parole après avoir enchaîné les entretiens avec les médias.

Il y a un an, vous imaginiez-vous à cette place ?

J’avais espoir d’être porte-parole un jour. Cela a toujours été une fierté pour moi de représenter notre mouvement. Néanmoins, je ne pensais pas que cela arriverait si vite et surtout de cette manière-là. En regardant un an en arrière, il s’est passé tellement de choses que je ne pensais pas que cela se passerait ainsi.

L’investissement vous prend combien de temps quotidiennement ?

D’une part, il y a des formations intellectuelles. J’essaie de me former, de regarder des débats et de lire. D’autre part, je fais des entretiens avec des journalistes. Cet investissement me prend à peu près la moitié de ma semaine, avec en plus les formations dont je vous parlais.

Continuez-vous vos études ?

Je suis inscrite à distance à la faculté. Cela me permet d’être très mobile. Pour des raisons de sécurité, il n’était plus possible pour moi de retourner à la faculté. Beaucoup de mes camarades s’en sont donné à cœur joie pour divulguer des informations personnelles me concernant. Ils cherchaient vraiment à m’intimider et faire arrêter mon militantisme à Génération identitaire.

Finalement, ce qu’ils ont réussi à faire c’est de m’avoir poussée à prendre des cours à distance. Ce qui me permet d’avoir encore plus de temps pour militer. Je les remercie !

Quelles études faites-vous ?

J’étais en langue étrangère à la faculté du Mirail de Toulouse.

Mettez-vous en danger votre avenir professionnel ?

J’espère vivre de la politique toute ma vie. Au contraire, je pense que cela peut éventuellement m’ouvrir des portes.

Voudriez-vous vous présenter aux élections ?

C’est encore à réfléchir. Je n’en suis pas encore là. J’aimerais déjà être militante et continuer à faire de la politique activiste le plus longtemps possible. Avant la trentaine, je pense que le militantisme me convient le mieux. Je ne sais pas quelle forme il prendra, mais je ferai toujours partie de ceux qui se battent pour les nôtres.

Lorsque vous étiez petite, quel était le métier de vos rêves ?

Lorsque j’étais petite, je voulais être institutrice. Finalement, je me suis rendu compte que la politique était devenue une passion et une vocation.

Quelle est la femme qui vous inspire ?

Comme beaucoup, je vais citer Jeanne d’Arc. Elle est un modèle de notre histoire et elle représente l’identité française. Isabelle la Catholique était l’épouse du roi d’Espagne. Ils ont mené La Reconquista. Ils ont reconquis l’Espagne qui était occupée par les Arabes depuis 8 siècles. Finalement, ces deux femmes-là se ressemblent, puisqu’elles sont parties au combat pour défendre les leurs. Elles ont mené des hommes. Elles n’avaient peur de rien et étaient courageuses. J’aime à penser que je voudrais être comme elles.

Selon vous, qu’est-ce qu’une femme ?

Je dirais d’abord, qu’est-ce qu’une femme européenne ? Il y a des caractéristiques propres à notre civilisation et à la place de la femme dans notre civilisation. Une femme est le pilier de la famille tout comme l’homme. Il y a une complémentarité homme femme très importante qu’il faut préserver.

Qu’apporte une femme dans notre société ?

Je pense qu’elle apporte de la douceur. Elle a aussi une vision qui lui est propre en tant que femme. Ces conseils peuvent être très bénéfiques à l’homme.

Etes-vous féminine ou féministe ?

Je suis féminine et non féministe.

Que pensez-vous du « féminisme de droite » ?

Je ne vais pas me faire d’amies… Je suis très admirative et respectueuse des femmes de droite qui peuvent être féministes. Néanmoins, je ne pense pas que le féminisme de droite en tant que tel puisse exister. Le féminisme est une idéologie de gauche, déconstructiviste comme toutes les idéologies de gauche. Dès le début, elles portent en elles, les germes de tout ce qui a découlé par la suite de la destruction de notre société. Je pense qu’aujourd’hui, il n’y a pas assez de patriarcats. Les hommes sont très attaqués et n’osent plus s’affirmer, alors que finalement les femmes attendent que les hommes s’affirment. Il n’est pas honteux d’être viril. On peut se battre pour les femmes sans être féministe. Je me bats pour les miens sans distinction.

Vous faut-il un homme viril ?

Oui complètement. Hommes, soyez virils ! C’est important.

Avez-vous un message pour les femmes ?

Engagez-vous ! L’engagement n’est pas uniquement pour les hommes. Nous avons aussi toutes notre mot à dire. Je pense au contraire que nous avons une parole intéressante à apporter dans le débat politique.

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DOCUMENTS - Deux livres de souvenir se font l’écho de l’évolution de la gauche intellectuelle dans la deuxième partie du XXe siècle.

 
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La propriété des Murs Blancs, à Châtenay-Malabry, servit de laboratoire intellectuel au courant personnaliste promu par la revue «Esprit» et incarné par le philosophe Emmanuel Mounier. Ville de Châtenay-Malabry

Les rejetons de 1968 prennent la plume. Camille Kouchner publie La Familia grande et Léa et Hugo Domenach Les Murs Blancs. A priori rien de commun entre ces deux livres: la première accuse Olivier Duhamel d’inceste sur la personne de son frère jumeau, quand les seconds font le tableau nostalgique d’une singulière aventure intellectuelle et communautaire. Pourtant, l’un et l’autre composent une photo de la gauche, à un moment de son histoire. L’après-guerre, le septennat de François Mitterrand. À travers ces deux ouvrages se lisent successivement ou simultanément les traces d’une espérance, d’une dérive, d’un égarement.

Mettant au grand jour les agissements de son beau-père, Camille Kouchner relate aussi le mode de vie du couple formé par le constitutionnaliste Olivier Duhamel et l’universitaire Évelyne Pisier. La Familia grande, c’est celle qu’ils constituent avec les enfants d’Évelyne et de Bernard Kouchner et ceux qu’ils ont adoptés. À la famille, cette génération issue de Mai 68 aimerait donner une nouvelle définition: non pas un noyau biologique, mais un groupe recomposé, élargi aux amis, formant une tribu joyeuse, ouverte, quoique volontiers endogamique.

Aux Murs Blancs aussi, les habitants ont l’intuition que les structures d’avant-guerre ont vieilli, qu’un autre monde est à inventer. Le personnalisme est une idée neuve.

Ce courant philosophique un peu oublié distingue la «personne», qu’il faut promouvoir, et l’«individu», pauvre produit de la société matérialiste. Dès les années 1930, le philosophe Emmanuel Mounier rêve d’une expérience novatrice qui soustrairait l’homme à la fois au libéralisme qui l’isole et à ces idéologies des masses que sont fascisme et communisme. À la Libération, avec d’autres intellectuels chrétiens issus de la Résistance, il tente l’aventure. Les Murs Blancs, une grande propriété sise à Châtenay-Malabry, près de Paris, servira de laboratoire: au programme, vie familiale - chacun a un appartement - et vie intellectuelle - colloques, conception de la revue Esprit. Pour résumer: la philosophie tempérée par les problèmes de copropriété.

Outre Emmanuel Mounier, les premiers occupants qui s’installent avec femme et enfants s’appellent Henri-Irénée Marrou, grand historien de l’antiquité chrétienne et spécialiste de saint Augustin, et le psychologue Paul Fraisse. Suivra encore Jean-Marie Domenach, disciple de Mounier. Léa et Hugo sont ses petits-enfants. Bercés par le récit de cette expérience qui a tant marqué leur famille, ils ont voulu mener l’enquête, avec affection et souci de rectifier ce qui relève du mythe.

Sentiment de vérité

Aux Murs Blancs, durant quarante ans, passera le gratin de la gauche intellectuelle et politique, d’Albert Béguin à Alfred Grosser ou André Bazin. Le philosophe Paul Ricœur, puis l’historien Michel Winock, y éliront domicile. Jacques Julliard, héritier de cette tradition intellectuelle, y viendra souvent, en voisin. Ce qui bouillonne aux Murs Blancs, c’est la gauche de Mendès et de Delors, plutôt que celle de Mitterrand, encore moins celle de Thorez ou de Marchais. Des combats y seront menés en faveur de la paix en Algérie, contre l’usage de la torture. On peut discuter de ces engagements, s’interroger sur des dégâts collatéraux, on ne peut pas mettre en cause leur sincérité, ni leur noblesse. Ces hommes étudient, critiquent ou encouragent l’évolution de leurs deux amours que sont le christianisme et la gauche.

Rien de tel dans La Familia grande . Il semble que les idées n’y soient plus cotées en Bourse. Depuis 1968, ce n’est pas seulement l’imagination qui a pris le pouvoir, mais les chimères conçues par une poignée d’apprentis sorciers. Interdit d’interdire, c’était écrit sur les murs. Certains ont pris ce slogan adolescent au pied de la lettre. L’été, chez les Duhamel-Pisier, tout le monde se retrouve dans une belle propriété de la Côte d’Azur. Les soucis matériels sont laissés à l’extérieur dans cette vaste enceinte où la vie n’est que fêtes et plaisirs. Camille Kouchner décrit une petite société évoluant dans l’assurance que procure le sentiment de la vérité, meilleur chemin vers l’impunité. Les enfants sont mêlés aux mœurs libérées des adultes, quand ce n’est pas à leurs jeux les moins innocents. La pudeur est un mot réactionnaire. À l’inverse, un hédonisme devenu idéologique règne en maître. Non sans conséquence. La mère d’Évelyne Pisier, militante du «droit de mourir dans la dignité», se suicidera, comme après elle sa fille, l’actrice Marie-France Pisier. Mais ces gouffres ouverts n’empêchent pas les autres de danser au bord.

Jusqu’à la fin de leur vie, les Mounier, Marrou, Ricœur travailleront à leur œuvre, sans espoir de duché ni de dotation

Pour eux, la foi dans les grands systèmes de pensée a vécu. Puisqu’on ne peut plus changer la société, il s’agit d’en occuper les premières places. En 1981, quelques-uns de ceux qui forment «la familia grande» deviennent les hiérarques du socialisme régnant. Ils obtiennent des positions éminentes, jusqu’au gouvernement. Et conformément aux serments de leur jeunesse, ils jouissent sans entraves, ne serait-ce que de leurs postes.

Contraste saisissant avec les Murs Blancs où, trente ans plus tôt, on vit simplement, dans un certain dédain des honneurs et du confort. Jusqu’à la fin de leur vie, les Mounier, Marrou, Ricœur travailleront à leur œuvre, sans espoir de duché ni de dotation. L’éducation chrétienne ajoutée à l’expérience de la Résistance a habitué ces hommes et leurs familles à une sobriété de bon aloi. Dans un climat au fond assez conservateur, on y croit au bonheur plutôt qu’au bien-être.

Bien sûr, l’esprit du monde n’épargnera pas le phalanstère personnaliste. Comment pourrait-il en être autrement? La drogue, la libération sexuelle franchiront les Murs Blancs. S’invitera même la tragédie: le fils de Ricœur, homosexuel et toxicomane, se suicidera. Mais l’expérience généreuse de Mounier et de ses amis suscite spontanément la sympathie. Il y avait sûrement de l’utopie chez ces hommes, une candeur qu’est venue refroidir la cohabitation de personnalités à la fois fortes et difficiles. Mais comment leur reprocher d’avoir cru à l’intelligence de l’homme, à sa capacité à transformer le monde? Rien de comparable avec l’atmosphère irresponsable et pesante décrite par Camille Kouchner. Défaite de la pensée.

Génération «Conseil national de la Résistance», génération «Mitterrand», on mesure la mue. Par le plus grand des hasards, chacun des groupes décrits est rattaché à une revue. L’une fut fondée par Mounier et animée par Domenach, l’autre par Olivier Duhamel. D’un côté Esprit, de l’autre Pouvoirs. Ces titres parlent d’eux-mêmes.

 
Grasset

Les Murs blancs, de Léa et Hugo Domenach, Grasset, 320p., 20€.

 
Seuil

La Familia grande, de Camille Kouchner, Seuil, 208p., 18€.

 

https://data.over-blog-kiwi.com/3/11/53/83/20210108/ob_fdfde4_claire-marin-2020-nous-prepare-doulou.pdf

 

 

 

Par Nicolas Truong

Publié le 27 décembre 2020 à 02h34

sur le site du MONDEENTRETIEN Philosophe des épreuves de la vie,

Claire Marin explique dans un entretien au «Monde» comment la crise sanitaire accentue les ruptures sociales, professionnelles ou familiales et nous prépare «douloureusement à vivre autrement» en 2021. Née en1974, Claire Marin est philosophe et enseigne dans les classes préparatoires aux grandes écoles à Paris. Membre associée de l’Ecole normale supérieure, elle dirige le Séminaire international d’études sur le soin. Autrice de Rupture(s)(L’Observatoire, 2019),un ouvrage remarqué sur la philosophie de la séparation*, elle analyse la façon dont la crise sanitaire affecte notre intimité.Dès le début de la crise sanitaire et du confinement de la population française, liés à la pandémie de Covid-19, la société a voulu se projeter vers «le monde d’après». Pourquoi l’expression –qui a pratiquement disparu –paraît-elle obsolète aujourd’hui?Pour traverser et supporter une épreuve, on a d’abord besoin de se dire qu’elle aura une fin, qu’elle ne durera pas indéfiniment et qu’elle a un sens: qu’elle permettra une clarification des lignes, une redéfinition plus satisfaisante de notre existence, un changement social, politique, économique... Bref, on a besoin de penser que les sacrifices qu’elle exige, la souffrance qu’elle impose, seront d’une certaine manière compensés par l’entrée dans une autreréalité où l’on trouvera des bénéfices, des améliorations.On a besoin de l’inscrire dans un mouvement dialectique où le négatif est le passage obligé pour atteindre une situation meilleure. Le négatif aurait quelque chose de purificateur, d’une certaine manière. Car ce qui est insupportable, c’est de penser que l’épreuve puisse ne servir à rien, ne rien changer. C’est pour cette raison sans doute que l’on a tant parlé du «monde d’après», cette représentation nous aidait à tenir dans les moments angoissants.

 
 

«En période de confinement, la maison n’est plus seulement un espace de repos, elle peut devenir lieu d’enfermement»

Or, assez rapidement, cette image soutenante d’un «monde d’après» a disparu. Plus personne n’emploie cette expression, si ce n’est de manière ironique. On est en train d’intégrer plus ou moins consciemment l’idée que le schéma qui s’annonce n’est sans doute pas celui d’une séparation nette et franche entre l’avant et l’après, mais celui d’un glissement vers un nouveau rythme d’existence, fait de crises et de moments plus calmes, plus «normaux», dans une alternance dictée par des priorités sanitaires.Sans jouer les Cassandre, il n’est pas impossible que ce genre d’épisodes s’inscrive dans une série plus longue. Il va falloir peut-être admettre que 2020 nous prépare douloureusement à l’idée de devoir vivre autrement.

Même si l’on espère désormais, de manière beaucoup plus modeste, un simple «retour à la normale», on mesure bien tout ce qui a été changé, pour le meilleur et pour le pire. Et on peut s’inquiéter légitimement des impacts à long terme de ces modifications du travail, de l’enseignement, du soin, du rapport à la sécurité et des relations entre les individusParmi les désirs de changement ou de rupture, il y a le souhait assez répandu de changer de vie, notamment en s’installant à la campagne. Comment penser cette envie de vivre ailleurs et autrement?Il n’est pas très surprenant qu’étant assignés à un lieu nous ayons rêvé d’autres lieux, de lieux tout autres, qui étaient peut-être même, sans qu’on s’en rende bien compte, plus des utopies que des lieux réels. Notre rapport à l’espace, ou plus exactement aux espaces, a été profondément modifié par l’expérience du confinement. C’est ce pluriel d’espaces que nous avons soudain perdu, réalisant ainsi à quel point notre vie est désormais plus dans l’espace du dehors que dans celui du dedans.Michel Foucault dit que «nous vivons dans l’espace du dehors par lequel nous sommes attirés hors de nous-mêmes» («Des espaces autres»,Dits et écritsIV). Or nous avons été et sommes encore privés de ces espaces autres, qu’il s’agisse des lieux de passage, comme les rues, ou des «espaces de halte provisoire» comme les cafés ou les cinémas.Ces espaces extérieurs nous libèrent aussi du tête-à-tête avec nous-mêmes. En cela, ils nous sont nécessaires et fonctionnent comme un principe de «divertissement» psychique: ils nous délivrent du poids d’être sans cesse ramenés à nous. C’est ce retour forcé à soi qui peut nous paraître intolérable et qui nourrit ces élans projectifs vers d’autres lieux. En période de confinement, la maison n’est plus seulement un espace de repos, elle peut devenir lieu d’enfermement et, pour reprendre une autre expression de Foucault, «topie impitoyable»: un espace qui renvoie sans cesse chacun à lui-même, d’une manière parfois violente. Ou encore, huis clos intolérable et infernal avec les autres, devenus trop présents.Peut-être est-ce plus d’un jardin que nous avons finalement rêvé, puisqu’il est dans notre imaginaire la conjugaison parfaite de la nature et du monde. Il est la nature transformée par la culture, créant pour nous un petit monde naturel organisé, domestiqué. Le jardin est pour nous, comme le rappelle Foucault, une sorte d’«hétérotopie heureuse», un espace autre qui constitue pour nous à la fois «une petite parcelle du monde» et la «totalité du monde». C’est bien là le rôle de ces hétérotopies de «compensation», comme le dit le philosophe: «Créer un autre espace, un espace réel, aussi parfait, aussi méticuleux, aussi bien arrangé que le nôtre est désordonné, mal agencé et brouillon.» Créer à travers ce lieu fantasmé un petit monde maîtrisé, alors que celui que nous connaissions semble s’effondrer.L’essor du virtuel, du télétravail et de la pédagogie en ligne est-il le signe d’un accroissement des libertés ou celui d’une nouvelle aliénation?L’usage démultiplié du virtuel et des technologies de la distance a eu des effets très différents selon les cadres et les situations dans lesquels il s’est déployé. Il a montré ses faiblesses dans les domaines où la transmission s’appuie sur la relation et la présence réelle dans un même espace –coprésence qui permet une circularité des échanges, une appréhension de l’humeur des participants, une intuition de la réception du message dispensé.

 

En visioconférence, «il nous manque tous ces petits signes quasi imperceptibles que le virtuel ne peut pas saisir»

En clair, en matière d’enseignement, en particulier avec les plus jeunes, cela ne peut constituer à mon sens qu’une solution ponctuelle ou complémentaire. Ce serait une erreur de l’institutionnaliser. On perd ce qui fait l’essence –et l’intérêt –de ce métier, qui ne peut se réduire à un simpletransfert de données du professeur à l’élève, mais qui doit rester une relation humaine. Le virtuel la détruit ou, tout au moins, l’appauvrit considérablement.Sur une mosaïque de visioconférence, on ne peut regarder personne dans les yeux. Même si mon regard s’adresse au visage de l’une des personnes, elle ne le sait pas, car elle ignore où son visage est placé (et se déplace, au gré des connexions des uns et des autres) sur l’écran. Les prises de parole se chevauchent, conduisant soit au silence pesant soit à la cacophonie. Les échanges sont souvent assez maladroits et insatisfaisants, les connexions parfois mauvaises. Tous ces éléments parasitent la conversation, l’interrompent, obligent à reprendre le fil des propos. Il nous manque tous ces petits signes quasi imperceptibles que le virtuel ne peut pas saisir, signes qui indiquent l’impatience de l’un à prendre la parole, la distance que traduit le léger retrait de l’autre, etc. Il nous manque la fluidité et la spontanéité des échanges de la «vraie vie».Mais le télétravail n’a-t-il pas aussi libéré du temps et de l’espace?Certes, le télétravail peut aussi être vécu comme une forme de libération. Parce qu’il épargne les heures perdues dans les transports, qu’il permet des aménagements dans les horaireset que certains y découvrent une plus grande efficacité, les conditions d’une meilleure concentration que dans les open spaces où l’on est sans cesse dérangé. Des études suggèrent même qu’il augmente la productivité. Certains de ces aménagements seront sans doute amenés à perdurer dans le fonctionnement de l’entreprise à l’avenir. Mais on voit aussi que ce travail à distance ne permet pas la stimulation des échanges réels; les moments créatifs seraient aussi ceux de la machine à café et des discussions informelles.Ce que nous avons découvert, c’est que notre vie n’est pas un fond d’écran sur lequel nous pouvons ouvrir une multitude de fenêtres en même temps. Ce à quoi le virtuel nous laisse croire, le«multitasking»magique («je peux regarder ce film en répondant à mes messages»), l’expérience réelle l’a assez brutalement contredit. Je ne peux pas travailler si mes enfants jouent bruyamment aux aventuriers dans la pièce d’à côté. Les espaces incompatibles –privés et professionnels, intimes et sociaux –ne peuvent se confondre et se superposer sans dommage.Or, c’est bien ce qu’il faut faire sous la pression du travail à distance: vider l’espace familial de sa couleur personnelle et intime pour le convertir en lieuplus neutre de travail, imposerle silence aux enfants ou les restreindre à l’espace le plus lointain, vider la maison de sa qualité propre pour en faire un lieu où les regards extérieurs pourront pénétrer. Nous avons vu et donné à voir un peu de l’envers du décor: les intérieurs bourgeois, bohèmes, minimalistes ou surchargés de nos collègues, des artistes, des journalistes, des responsables politiques, les bibliothèques imposantes ou les étagères en kit, les lits superposés ou les grandes baies vitrées, les vis-à-vis oppressants ou la vue sur la mer. Le domaine privé l’est encore un peu moins qu’auparavant. Nous sommes entrés les uns chez les autres sans hospitalité.On a beaucoup parlé du manque de contact à travers l’évitement du toucher, mais c’est la présence qui vous apparaît commela véritable question éthique à questionner. Pour quelles raisons?Toutes les formes de toucher ne sont pas à mettre sur le même plan. Certains contacts peuvent disparaître –les femmes en particulier ne s’en plaindront pas. On sait intuitivement quels sont les contacts qui empiètent sur notre espace personnel de manière illégitime et envahissante, profitant de certaines habitudes sociales, et quels sont ceux qui au contraire nous rassurent, nous encouragent ou nous réconfortent. Certaines mises à distance ne sont pas si désagréables. On a apprécié, pendant un temps bref, de ne plus être compressé dans une rame de métro ou dans un bus.

 

«Le virtuel autorise plus facilement la présence passive, la “consommation” d’informations, le peu d’implication»

Je ne crois pas que l’on aille vers une société sans contact, une société de l’évitement physique. Le toucher nous manque et nous avons du mal à refréner l’élan spontané vers ceux que l’on aime. La question de la présence me paraît en effet essentielle. Parce qu’elle se colore des affects des autres, elle transmet les humeurs, on y palpe l’atmosphère d’une situation. Elle véhicule les tensions, les amitiés, les affinités, les attentes ou le désintérêt. Et elle motive. On n’a pas le même enthousiasme ni la même efficacité lorsque l’on tente d’intéresser des visages sur un écran ou des personnes présentes dans le même espace réel et dont on perçoit spontanément les réactions, les mimiques, les légers mouvements de retrait ou d’intérêt. En virtuel, nous sommes des hommes-troncs, réduits dans notre expression corporelle, privés d’une partie de ces signifiants implicites essentiels. Les corps ainsi corsetés par le cadre de la vidéo perdent énormément en expressivité. On devient littéralement des «présentateurs» que la posture figée restreint et limite.Sans faire un cours d’étymologie,praesensen latin renvoie à l’idée d’«être en avant». La présence est par nature dynamique, elle est mouvement vers l’autre, attention, élan. Le virtuel autorise plus facilement la présence passive, la «consommation» d’informations, le peu d’implication. La distance du virtuel n’est pas seulement géographique, elle est aussi psychologique, elle peut se redoubler d’une posture de retrait ou d’évitement (on participe peu, on éteint son micro ou sa caméra), notamment parce que l’exposition virtuelle peut mettre mal à l’aise: mon visage s’affiche aussi, alors que l’un des plaisirs des interactions est sans doute de pouvoir l’oublier.Avec la pandémie de Covid-19, la maladie est devenue un sujet «extime». Elle focalise l’attention, concentre les conversations, oriente l’action au risque de la transformer en obligation morale. Comment vivre avec cette présence?La maladie est en effet un sujet de conversation à la fois public et quotidien. Ce qui était de l’ordre du privé, de l’intime, est désormais une préoccupation collective, que l’on vit en même temps que les autres mais qui ne nous rapproche pas pour autant. C’est une expérience générale mais qui ne crée pas de liens véritables,elle a plutôt tendance à les empêcher, les interdire et peut-être plus durablement les abîmer dans les formes de ressentiment, de colère ou de dépression qu’elle engendre.Ce que l’on découvre, c’est que l’on ne vit pas avec une maladie ou sa menace, maisqu’on s’efforce de vivre malgré elle, c’est-à-dire dans la restriction de libertés, dans la perte de contact, dans une vie réduite, souvent appauvrie sur le plan professionnel, social et affectif. Une vie où les projections, les anticipations sont suspendues, où tout est susceptible d’être remis en question du jour au lendemain. Cette existence sur le mode de l’incertitude et de l’inquiétude est celle que connaissent les malades au long cours. Elle concerne désormais chacun d’entre nous.Même si nous ne lesommes pas, nous vivons d’une certaine manière comme des malades. Fragilisés dans notre confiance spontanée dans la vie –confiance dont nous n’avons même pas conscience tant que nous sommes en bonne santé –, nous calculons désormais nos gestes et évaluons les risques des sorties, des rencontres. Et cette inquiétude latente nous épuise. L’omniprésence du virus dans les médias, les discussions, produit un effet obsessionnel. Nous ne pouvons pas nous «distraire» de cette idée anxiogène. Nous sommes confinés mentalement bien plus encore que nous ne l’avons été physiquement.Pourquoi la maladie est-elle une catastrophe intime et dans quelle mesure l’intimité est-elle, selon vous, interdite au malade?Elle est une catastrophe parce qu’elle bouleverse la perception de soi, le sentiment d’identité. Elle peut être vécue comme une déchéance physique, une expérience humiliante, dégradante ou terrifiante, comme cela a été le cas pour certains malades du Covid très gravement atteints. L’intimité est d’autant plus interdite au malade durant cette pandémie que cette maladie nous oblige à l’exposer, à nous signaler comme malade. Nous devons dire que nous sommes malades pour avertir et protéger les autres du danger que nous constituons. Atteints du Covid, nous ne sommes pas «seulement» des victimes, nous devenons une menace.

 

Nous ne pouvons plus bénéficier du soutien que le malade trouve habituellement auprès des siens, à travers des gestes de réconfort ou une simple présence.

«La maladie s’est immiscée dans nos vies, dans nos gestes, nos habitudes et notre imaginaire»

Cette crise sanitaire oblige aussi les malades «discrets», ceux dont la pathologie peut être vécue sans être dévoilée, à rendre publique leur maladie: il a ainsi fallu dire qu’on était à risque, là où l’on pouvait être fragile sans que les collègues ou les voisins le sachent. Cette crise nous piège dans une visibilité contrainte. Elle nous rend transparents malgré nous, elle dit qui nous fréquentons (lorsque nous devons identifier des cas contacts), elle rend publique une partie de ce qui restait encore, dans cette époque de la grande exhibition, secret ou privé.Dernier point: la logique sanitaire crée des «malades potentiels», désigne comme vulnérables des personnes âgées qui ne se seraient jusqu’alors pas définies comme telles. Cette opposition entre le sentiment de soi et l’étiquette apposée arbitrairement, cette fragilité décrétée, est aussi une expérience assez violente, comme un vieillissement soudain et accéléré. La maladie s’est immiscée dans nos vies, dans nos gestes, nos habitudes et notre imaginaire. Elle est le nom d’une nouvelle inquiétude contemporaine.Nos vies ne sont-elles pas réduites à l’économie, dans une sorte de métro-boulot-dodo sanitaire et autoritaire?Oui, dans tous les sens du terme. D’abord, littéralement, puisque l’étymologie d’économie nous renvoie à l’idée de gérer la maison; il s’agit d’assurer la base économique qui nous permet d’avoir un toit et de nous nourrir. Pour certains, cette tâche est déjà extrêmement difficile, car leur source de subsistance (et d’existence, le travail n’étant pas nécessaire que sur le plan matériel) est suspendue. Parce qu’ils sont «non essentiels». On note au passage la violence de cette nouvelle hiérarchie. Qu’est-ce qui nous est vraiment essentiel? Pouvoir se mêler aux autres, dans des espaces communs, comme les restaurants, les cafés, les cinémas ou les piscines et les terrains de foot, est un besoin essentiel, nécessaire à notre équilibre psychique. Nous sommes des animaux sociaux.Mais on peut également dire que nous vivons en «mode économique», puisque la plupart des vies ont perdu de leur ampleur, sur différents plans. Soit parce que les revenus ont été diminués par la crise –il n’est pas rare que, dans une famille, l’un des membres soit assez sérieusement touché. Soit parce que, sur un plan existentiel, nos vies nous paraissent rétrécies: nous ne pouvons plus voir nos proches ou nos amis comme nous le souhaiterions, nous devons renoncer aux échanges, aux sorties, aux plaisirs qui donnent de l’intensité, du relief ou du sens à un quotidien devenu bien morne.Pourquoi, depuis la deuxième vague de l’épidémie, avons-nous l’impression de vivre «un jour sans fin», pour reprendre l’expression du président de la République?Précisément parce que la vie s’étant réduite à une logique de nécessité. Elle semble plus répétitive, il y a moins d’éléments de surprise, moins de possibilités de rencontre, moins d’imprévu. La vie perd de sa diversité en se resserrant sur les seuls espaces réels ou virtuels de la famille et du travail. Et puis, si le premier confinement avait été envisagé dans un état d’esprit d’abord solidaire et combatif, on sent bien que la population est épuisée –certaines catégories tout particulièrement, comme les soignants.Nos ressources psychiques, comme nos capacités d’endurance physique, ne sont pas illimitées. Si nous étions capables de nous soucier des autres, de faire preuve de sollicitude, d’empathie, de générosité au printemps, c’est que nous n’étions pas éprouvés comme nous le sommes désormais, que nous pensions vivre une parenthèse et que nous avions même l’espoir d’effets positifs. Désormais, nous ne pouvons plus nous appuyer sur ce genre d’espérances. Un certain nombre d’élans ont été déçuset de nombreuses situations se sont aggravées. Il faut désormais gérer les effets de la première vague.Dans les hôpitaux, les urgences doivent faire face non seulement au manque de soignants, mais aussiaux conséquences dramatiques des retards de diagnosticliés au premier confinement. Les patients arrivent dans   des états critiques, les «pertes de chances» sont réelles. Ils sont les victimes indirectes du Covid-19. Dans les écoles, collèges, lycées et facultés, on voit les séquelles de longs mois sans présence en classe; les lacunes importantes, la fébrilité et l’inquiétude, notamment des élèves les plus âgés, pour leurs examens, leur avenir. On peut avoir l’impression d’être face à des tâches démesurées et on craint évidemment la perspective de Sisyphe. Est-ce que tout cela ne recommencera pas de nouveau d’ici quelques mois? Certaines journées ressemblent à un mauvais rêve dont on ne réussit pas à s’extraire.Comment remédier à la rupture de certains liens provoquée par la crise sanitaire?Je crois que les liens «essentiels» –puisqu’il me semble qu’ici cet adjectif est justifié –survivront à cette épreuve. Mais je m’inquiète aussi de notre «épuisement» et des habitudes virtuelles: est-ce que nous retrouverons l’élan, l’énergie? Est-ce que nous serons capables des efforts que demandent les relations ou est-ce qu’une nouvelle hiérarchie se mettra en place, entre ce qui peut se contenter d’un «Zoom» et ce qui mérite qu’on se déplace, qu’on se rencontre? Il me semble que quelque chose de cette logique –s’épargner l’effort de certaines relations*   ( hcqs ... celleS de vouloir vivre ENtre MONOcoqS ...)  se dessine déjà.

Or, c’est souvent dans les marges d’une rencontre (  ..... ENtre-DEUX f-h...)que se jouent l’intensité et la profondeur qu’une relation * peut prendre

 

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CORRELATs

 

.25.02.23

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CHRONIQUE - La pandémie de Covid-19 a rendu les esprits réactifs. Le mondialisme s’apprête à connaître le même sort que le communisme.

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Ivan Rioufol. François BOUCHON/Le Figaro
 

Pour les euphoriques mondialistes, le temps se couvre. Certes, le Covid a été une aubaine pour les multinationales de la distribution et les géants de la pharmacie. Les promoteurs de l’ordre planétaire ont pu se réjouir de voir œuvrer des instances internationales - l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en tête - pour uniformiser des réponses sanitaires. Les adeptes du complot en sont venus, au vu des bénéficiaires de la pandémie, à soutenir que le virus, identifié pour la première fois à Wuhan (Chine), serait l’œuvre machiavélique d’une caste cosmopolite visant à enrégimenter des peuples craintifs sous l’œil de Big Brother. Le sévère encadrement chinois de la commission d’enquête de l’OMS actuellement dépêchée à Wuhan n’est pas fait pour éteindre les soupçons d’une création née en laboratoire. Pour autant, ce qui s’observe va à rebours du renouveau universaliste vénérant l’ordre mondial: le Covid a rendu les esprits réactifs, réactionnaires en somme…

Emmanuel Macron, samedi, s’est résolu à fermer les portes de la France aux arrivées extraeuropéennes. Des tests seront exigés pour traverser l’espace Schengen. Jusqu’alors, le progressisme présidentiel interdisait de mimer Marine Le Pen. Le gouvernement assure que les contrôles étaient «stricts» depuis le 17 mars 2020: les faits et témoignages ont prouvé l’inverse. Cette capitulation idéologique signe une première déroute, pour ceux qui ne voulaient entendre parler ni de frontières ni de souveraineté nationale. Leur défaite laisse entrevoir d’autres déconvenues. En 1986, la catastrophe nucléaire de Tchernobyl (URSS) rendit nécessaire la quête de vérité et de transparence (glasnost) qui concourut à la chute de l’Union soviétique. Semblablement, le Covid incite les peuples malmenés à se détourner des «élites» et des propagandes modernistes. La fin d’un monde s’annonce.

Le sanitairement correct, qui impose partout sa vérité universelle, fait les frais de sa pensée unique

Le mondialisme s’apprête à connaître le même sort que le communisme, avec qui il partage une pensée dogmatique excluant les réfractaires. Qui n’adhère pas à la «société ouverte» et à son Babel est, indifféremment, qualifié de populiste, de complotiste, de raciste. «Le souverainisme n’est que le nouveau nom de l’antisémitisme», a écrit Jacques Attali, le 4 octobre 2019. La pensée stalinienne abusait de ces excommunications. Aujourd’hui, quand La République en marche assure: «Vous n’avez pas le choix» (bloc-notes de la semaine dernière), elle s’inscrit dans la filiation néomondialiste du «There is no alternative» de Margaret Thatcher dans les années 1980*. Voilà cinquante ans qu’une même oligarchie, éduquée dans le mépris des gens ordinaires, assure qu’il n’y a pas de plan B. L’épreuve de vérité est arrivée.

Le sanitairement correct, qui impose partout sa vérité universelle, fait les frais de sa pensée unique. Contre toute attente, l’option du reconfinement a été heureusement écartée par Macron, en dépit des pressions des experts, de leurs modélisations et de leurs algorithmes. Le président, qui aura cautionné la politique de la peur, saura-t-il résister cette fois aux catastrophistes? Les prochains jours le diront. Constatons à ce stade le mauvais rôle dévolu à une science instrumentalisée en doctrine exclusive, quasi religieuse. Nombreux auront été les médecins de ville, habitués à traiter des infections virales avant leur phase inflammatoire, qui auront été interdits de pratiquer leurs soins par un État converti à la mise sous cloche des biens portants. Récemment, le célèbre épidémiologiste de Stanford, John Ionannidis, a soutenu que le confinement ne servait à rien. Les fanatiques de l’apocalypse ont immédiatement dressé son bûcher…

Retour vers l’humain

Le monde d’après ne sera pas celui du nomadisme ni du déracinement. L’utopie du village planétaire dirigé par une aristocratie supranationale est amenée à se réduire à des proportions plus humaines. Même l’Union européenne, édifiée sur le dédain des peuples et le culte de l’immigration, a démontré ses lourdeurs pachydermiques à propos des vaccins anti-Covid, dont elle n’arrive toujours pas à assurer les commandes. Ce sont des États-nations tels la Grande-Bretagne, Israël ou la Russie, qui excellent dans la protection vaccinale de leurs citoyens. Quant à l’«humanisme» dont se prévalent les mondialistes, il ne cache plus rien de ses foutaises quand cette morale reste sourde aux plaintes des maltraités. L’hystérie sanitaire, qui dit vouloir «sauver des vies», a interdit à des familles de se rendre au chevet de patients dans des hôpitaux, comme le dénonce la comédienne Stéphanie Bataille, qui n’a pu embrasser son père avant sa mort. Ceux qui tentent de prévenir la maladie avec les moyens du bord sont indifféremment qualifiés de «charlatans» par L’Express. Mais que dire de ceux qui ont annoncé le pire?

Le Covid est le révélateur d’un monde finissant, empoisonné par un demi-siècle d’aveuglements idéologiques et de criminalisation de la pensée adverse. Le macronisme, qui disait incarner la transformation, n’a jamais été que la poursuite d’une série d’erreurs de jugements sur les bienfaits du grand mélangisme et les horreurs du populisme, cette voix des proscrits. Non seulement le gouvernement doit désormais admettre l’utilité des frontières, mais il ne peut plus faire l’impasse sur les dangers que représentent l’islam politique et son offensive contre la nation. Le projet de loi discuté depuis lundi par les députés et qui vise à «conforter le respect des principes républicains» reste tétanisé par la crainte d’avoir à répondre d’«islamophobie». C’est la raison pour laquelle l’islamisme n’est pas nommé, alors qu’il est à la source de ce texte écrit d’une main tremblante. Reste que l’incapacité du pouvoir à vouloir suspendre l’immigration de peuplement (450.000 arrivées par an!) ne fera qu’aggraver le séparatisme qu’il dit vouloir combattre, tout en assumant son renoncement à l’assimilation. Le monde d’après exige une pensée claire.

La France perdue de vue

À force de repousser l’horizon, les dirigeants ont perdu de vue la France. Le Covid a mis au jour la désindustrialisation du pays, incapable de produire ses médicaments, et la prolétarisation de la recherche. Le laboratoire britannique AstraZeneca est dirigé par Pascal Soriot, et la biotech américaine Moderna par Stéphane Bancel: deux Français qui ont dû s’expatrier pour poursuivre leur carrière. Quant à la biotech française Valneva, située à Saint-Herblain (Loire-Atlantique), elle a échappé à la vigilance du gouvernement alors qu’elle mettait au point un vaccin repéré par le gouvernement britannique! C’est la Grande-Bretagne qui, après avoir financé l’investissement, bénéficiera du vaccin. Sans commentaire.

*Natacha Polony, «Sommes-nous encore en démocratie?», L’Observatoire

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CHRONIQUE - On a oublié que la «pensée 68» était globalement favorable à la pédérastie, qu’elle approuvait les délires de René Schérer et Guy Hocquenghem qui publient, en 1976, Co-ire.

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Luc Ferry. Jean-Christophe MARMARA/Le Figaro
 

Je comprends bien que les anciens soixante-huitards tentent aujourd’hui de dédouaner Mai 68 des dérives incestueuses et pédophiles dont l’actualité de ces derniers jours est hélas remplie. Reste que la vérité historique oblige à dire que c’est bien malgré tout dans le sillage du joyeux mois de mai et avec la bénédiction des autorités philosophiques les plus représentatives du gauchisme culturel de l’époque, que la pédophilie reçut les lettres de noblesse qu’elle avait perdues depuis Platon.

Quand paraissent au milieu des années 1970, dans Libération et dans Le Monde, des pétitions faisant l’éloge de la pédérastie, signées par des intellectuels comme Foucault, Sartre, Beauvoir, Deleuze, Barthes ou Chatelet, refuser d’y adhérer c’était prendre le risque de s’exclure du club des «vrais intellectuels», c’est-à-dire des intellectuels de gauche, «forcément de gauche», castristes, maoïstes, trotskistes ou, au minimum, communistes. On a oublié que la «pensée 68» était globalement favorable à la pédérastie, qu’elle approuvait les délires de René Schérer et Guy Hocquenghem qui publient, en 1976, Co-ire (en latin: «aller ensemble», «coït» à la troisième personne du singulier…), un ouvrage agrémenté d’une pléiade de photos d’enfants nus qui faisait l’éloge du «rapt»: l’enfant n’étant pas la propriété privée des parents (petite référence à Marx), tout adulte a le droit, et même de devoir, ainsi plaidaient-ils, de l’enlever pour éveiller cette sexualité que la bourgeoisie occulte.

Schérer expliquait comment l’éducation bourgeoise sombrait dans la « perversité » qui consiste à ne faire aucune place à la pédérastie

Schérer, l’un des fondateurs de l’université de Vincennes, soutenu bien entendu par Deleuze, Châtelet, Lyotard, Foucault, Badiou et consorts, bref, par ce que la «pensée 68» comptait alors de plus tapageur, expliquait comment l’éducation bourgeoise en vigueur dans nos établissements scolaires sombrait dans la «perversité» qui consiste à ne faire aucune place à la pédérastie: «Nous posons en principe, écrivait-il, que la relation pédagogique est essentiellement perverse, non parce qu’elle s’accompagnerait des rapports pédérastiques entre maîtres et élèves, mais précisément parce qu’elle les dénie et les exclut.» Oui, vous avez bien lu: la perversion consiste à exclure la pédérastie dans l’éducation tant scolaire que familiale!

On objectera que la pédophilie sévit dans tous les milieux et on aura raison, à ceci près que je ne connais aucune idéologie qui en fasse l’apologie en dehors de celle-là.

Aussi étrange que cela nous paraisse aujourd’hui, dans ce milieu et à cette époque, on pensait comme ça, de sorte qu’il fut pendant longtemps plus risqué d’y critiquer la pédophilie que d’en faire l’apologie. Ces prestigieux professeurs s’étaient emparés des thèses de Freud sur la sexualité infantile pour en tirer la conclusion absurde qu’il était du devoir des adultes de l’éveiller. Comme il était en outre «interdit d’interdire», il n’y avait plus à se gêner.

Aujourd’hui, les derniers signataires de ces pétitions reconnaissent que «c’était une connerie» . Soit. Mais quand j’ai publié La Pensée 68 avec Alain Renaut en 1985, un livre qui critiquait les soubassements philosophiques de ces appels délirants à la transgression tous azimuts, ils étaient, eux ou leurs proches, les premiers à nous insulter. Pendant près d’un an, je n’ai pas pu faire une conférence en public, pas même à l’École normale rue d’Ulm où je dirigeais pourtant un centre de recherche sur l’idéalisme allemand, parce que des disciples de Foucault nous attendaient, non pas avec des excuses, mais avec des battes de base-ball!

À VOIR AUSSI - Affaire Matzneff: quand des intellectuels défendaient la pédophilie

 

Le philosophe estime qu’« il y a une révolution à mener à partir de nos intériorités » dans un livre-poème singulier aux accents mystiques.

Propos recueillis par

Publié le 17 janvier 2021 à 06h00 - Mis à jour le 18 janvier 2021 à 10h47
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Entretien. Docteur et agrégé en philosophie, bien connu pour ses travaux sur l’islam contemporain, Abdennour Bidar n’a jamais caché être « un philosophe spirituel », autant attaché à la raison qu’à la foi. Dans son dernier ouvrage, il invite à s’engager dans une « révolution spirituelle » qui, seule, peut nous donner les ressources nécessaires pour faire face à la crise de civilisation que nous traversons.

Qu’est-ce qui, selon vous, nous a conduits à l’impasse climatique, économique et matérialiste que vous dénoncez ?

Nous sommes les enfants d’une modernité qui n’a pas su maîtriser le surcroît de puissance acquis à partir de la Renaissance. Des découvertes techniques ont alors transformé le monde et nous ont confrontés à notre hybris – notre démesure. Depuis lors, ce progrès n’a été utilisé que pour satisfaire des besoins de confort, de possession et de prédation, sans aucun horizon d’espérance métaphysique.

La domination technologique acquise par l’Occident lui a donné la force de se projeter à l’extérieur pour coloniser la planète entière dans une logique de prédation des ressources et d’inféodation des cultures.

Nous vivons aujourd’hui dans des systèmes ultralibéraux qui instituent la guerre, c’est-à-dire la compétition généralisée, la concurrence, comme mode de fonctionnement normal. Sous couvert d’idéaux démocratiques ou des droits de l’homme, nos sociétés s’avèrent extrêmement pyramidales et engendrent des inégalités terribles à l’échelle de la planète.

En outre, notre civilisation a déclaré la guerre à l’environnement depuis le projet cartésien de devenir « maître et possesseur de la nature ». Tout cela nous a tragiquement séparés du reste du vivant.

Vous ne partagez donc pas le point de vue de certains intellectuels, tel le professeur Steven Pinker, qui affirme que nous vivons la période la moins violente de l’histoire ?

Nous parlons ici de la civilisation humaine dans son ensemble ; il s’agit donc d’un phénomène complexe, qu’on ne peut caricaturer tout blanc ou tout noir. De fait, ces progrès technologiques, médicaux ou politiques nous ont orientés vers des principes de justice et de démocratie qui, malgré tout, ne sont pas restés que théoriques. La question est de savoir ce qui l’emporte. Et là, je suis beaucoup plus critique.

« L’individu contemporain a totalement intériorisé l’idée d’une impuissance face à la complexité des problèmes »

Nous sommes de jeunes dieux enivrés par leur toute-puissance, mais qui ne savent pas encore s’en servir de manière éclairée. Sur sept milliards d’êtres humains, la moitié vit avec moins de 5,5 dollars (4,5 euros) par jour. Si nous avons tous les moyens de faire de nos progrès une aurore spirituelle, il serait paresseux de penser que nous pouvons faire l’économie d’un tout autre niveau d’exigence envers nous-mêmes.

Vous semblez pourtant résolument optimiste – vous vous qualifiez d’ailleurs d’« optimiste conscient ».

L’optimiste conscient, c’est celui qui essaie de se tenir entre deux extrêmes : la béatitude inconsciente de ceux qui pensent que le progrès est déjà là, et le désespoir de ceux qui parlent d’effondrement. L’optimiste conscient est celui qui conserve une vraie foi en l’homme et une très forte espérance dans l’avenir de l’humanité. Je pense que nous avons à développer vis-à-vis de nous-mêmes cette foi en une dignité de l’humain qui nous attend toujours à l’horizon de ce que nous sommes, plutôt que de basculer dans une forme d’autosatisfaction qui serait indécente vu les problèmes de la planète.

 
 

La vertu des théories de l’effondrement est de faire prendre conscience de la gravité de la menace et du dysfonctionnement radical de nos systèmes, pour créer une sorte d’électrochoc. Mais elles produisent chez certains un véritable effondrement intérieur. Or l’individu contemporain a totalement intériorisé l’idée d’une impuissance face à la complexité des problèmes. Inutile de l’accabler davantage avec une théorie qui lui présente la fin de l’humanité comme inéluctable.

Je ne pense pas que l’avenir soit écrit. Dans ces périodes noires, il convient de cultiver l’espérance que nous avons la possibilité de tout changer. Hölderlin a écrit : « Là où croît le péril croît aussi ce qui sauve. » Je réponds : « C’est quand tout semble perdu que tout peut enfin – ou encore – être sauvé. »

N’est-ce pas utopique, à l’heure où la planète étouffe ?

Je ne pense pas. Observez la manière dont la vie se projette en avant : elle crée en détruisant. Tout ce qui est détruit sert d’humus à l’apparition du nouveau. Si les êtres humains ont une capacité impressionnante à créer du chaos, il y a là, en même temps, l’opportunité d’une régénération du monde. Il ne s’agit évidemment pas de célébrer la destruction, mais, comme Janus, elle est toujours à double face : un drame qui offre l’opportunité d’un renouveau.

On peut, c’est vrai, faire l’hypothèse que cette fois, nous sommes allés trop loin. Mais y a-t-il dans la vie un mal d’où ne sorte aucun bien ? Quand on regarde les grandes épreuves auxquelles l’humanité a été confrontée, derrière les tragédies, il y a eu la résolution et l’énergie unique du sursaut. Voyez le pardon entre la France et l’Allemagne après la seconde guerre mondiale, et la volonté de créer l’Union européenne.

Pour l’heure, cependant, nous n’avons pas cette maturité de s’arrêter avant la catastrophe. Dans la conjoncture où nous sommes, la vertu paradoxale du mal est de nous contraindre à puiser dans l’énergie du désespoir.

Qu’est-ce qui distingue la révolution que vous appelez de vos vœux de celles qui ont déjà eu lieu ?

Quand tout à l’extérieur désespère, c’est le moment d’aller chercher à l’intérieur de soi. C’est pourquoi je parle de révolution spirituelle, et non politique. Nous n’allons pas refaire la Révolution française ou renverser les institutions – à ce titre, l’assaut du Capitole est la grimace de l’histoire qui prétend répéter les révolutions du passé, alors qu’elle n’est que l’image de l’absurdité de notre monde.

Lire l’éditorial du « Monde » : Violences au Capitole : jour de honte aux Etats-Unis

A la place de ces révolutions politiques, souvent sanglantes, il y a une révolution d’un autre ordre à mener à partir de nos intériorités. Gandhi disait : « Sois le changement que tu veux voir dans le monde. » Il s’agit de cultiver en nous-même ce que Bergson appelait une « énergie spirituelle », un « élan vital », car tous nos liens à ce vital, lien à nous-mêmes, à la nature, aux autres, sont en souffrance.

Qu’entendez-vous par le terme de « spiritualité », souvent assimilé à la religion et vu comme antinomique à la laïcité ?

La laïcité n’est pas antireligieuse. Sa vocation historique a été de donner à tous, croyants, athées ou agnostiques, la garantie des mêmes droits et des mêmes devoirs. Grâce à la séparation des Eglises et de l’Etat, les religions n’exercent plus de pouvoir dans la société. Ce n’est donc pas contre le fait de croire ou de pratiquer un culte qu’intervient la laïcité, mais contre la volonté de puissance des institutions et des dogmes religieux.

On sait très bien que dans la religion se trouvent le meilleur et le pire. Le meilleur : donner à l’être humain des ressources de sens, de transcendance, d’éveil ; le pire, car les religions ont souvent témoigné d’une « sacrée » volonté de puissance, qui a pu produire des systèmes de domination, d’aliénation et d’intolérance.

« Le XXIe siècle a un grand rendez-vous avec la vie spirituelle »

Mais pour moi, la spiritualité n’est pas seulement ni forcément la religion. La vie spirituelle, c’est la vie bien reliée, le fait de se relier à plus grand que soi – ce qui peut être Dieu pour le croyant, et tout autre chose pour l’athée.

Il existe trois directions de transcendance : en soi-même, pour se relier au plus grand que soi, qui dépasse notre petit ego (« Apprenez que l’homme passe infiniment l’homme », disait Pascal) ; la transcendance existe aussi dans la relation à l’autre, qui nous invite à nous décentrer : dès que je me soucie de l’autre, il y a vie spirituelle car on s’ouvre à plus grand que soi, à l’amour, la fraternité, l’intérêt général ; et enfin, la transcendance du lien à la nature qui nous conduit vers les mystères fondamentaux de la vie : qu’est-ce qui se joue dans l’univers ? N’est-il qu’un jeu de forces matérielles, ou est-il animé par une intention ?

Lire aussi Abdennour Bidar : « Changer de vie pour changer la vie »

Je ne pense pas qu’on puisse, dans une existence humaine – personnelle ou collective –, faire l’économie du spirituel. Je suis autant attaché à la séparation du religieux et du politique que je suis attaché au lien entre la vie spirituelle et le reste de l’existence humaine. Si je me relie bien à quelque chose qui me transforme en m’ouvrant progressivement, cela va me donner l’inspiration nécessaire pour avoir quelque chose à apporter aux autres. Le XXIe siècle a un grand rendez-vous avec la vie spirituelle.

Le chantier est considérable. Par où commencer et pourquoi recommandez-vous aux spirituels de devenir pragmatiques et, au contraire, aux pragmatiques de méditer ?

On ne peut donner que ce qu’on a et que ce qu’on est. Si moi, avec mes bonnes intentions, je me précipite dans l’action, je n’irai sans doute pas bien loin. Cela ne signifie pas qu’il faille ajourner cette action, mais comprendre qu’il faut travailler sur deux plans en même temps : à la fois au progrès spirituel et éthique de ma conscience, et au progrès pratique et politique de la société à laquelle j’appartiens.

J’appelle deux grandes familles à se réunir : la famille spirituelle et la famille politique – autrement dit, celle des méditants et celle des militants. Je les appelle à s’inspirer mutuellement d’abord, pour s’élancer ensemble dans l’action. Je dis donc aux méditants qu’il ne suffit pas de rester assis sur son coussin de méditation, qu’il va aussi falloir aller dans le monde – ce qu’exprimait Martin Buber : « Commencer par soi, mais non finir par soi ; se prendre pour point de départ, mais non pour but ; se connaître, mais non se préoccuper de soi. » Le but du travail sur soi est de se mettre au service de la transformation du monde à partir de la plus puissante énergie qu’on aura su libérer en soi. Mais de manière complémentaire, je dis à ceux qui ont déjà cet habitus de se lancer dans l’action : « N’oubliez pas votre âme ! Essayez de creuser en vous jusqu’à trouver la source de votre élan vital. »

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Martin Buber ou le dialogue en action

Nous avons institué en Occident une séparation préjudiciable entre l’inspiration du cœur et l’inspiration de la raison. Comme si la raison était autosuffisante et que l’inspiration du cœur ne valait rien ! Etant donné la gravité de la situation, nous avons besoin de toutes les puissances de notre être. On ne peut plus se mobiliser à moitié. On a besoin de notre cœur, de notre raison, on a besoin de savoir méditer, de savoir s’engager et d’œuvrer en permanence sur deux plans : le plan spirituel et le plan politique.

Ce serait là une vraie sortie de la modernité, mais une sortie par le haut – et non plus une modernité hémiplégique ou unijambiste, ne marchant que sur la jambe de la raison et de l’action. Cette voie d’avenir n’a rien à voir avec ce qu’on appelle aujourd’hui paresseusement « postmodernité », alors qu’il ne s’agit que d’une continuation désenchantée de la modernité. Nous atteindrions une autre ère de l’histoire de notre espèce : ce moment où l’on est aussi rationnel et politique que les modernes, tout en ayant autant de cœur et de puissance spirituelle que les anciens.

Beaucoup de nos concitoyens s’investissent pour créer une société plus juste, plus fraternelle, moins matérialiste. Comment expliquer les résultats en demi-teinte obtenus jusque-là ?

Soyons clairs, le cours d’une civilisation ne se change pas en quelques décennies. Nous sommes engagés sur un effort de long terme qu’il s’agit de bien conscientiser : c’est la première étape. Si je lance cet appel dans le livre, c’est parce que je vois des choses qui me rendent extrêmement confiant, en particulier dans la jeunesse – c’est pourquoi je m’adresse en premier lieu à elle, ainsi qu’à tous ceux qui ont en eux une force de résistance. Si j’avais le sentiment d’être un philosophe un peu mystique qui prêche seul dans le désert, enfermé dans son propre délire, je n’écrirais pas un livre comme celui-là.

« Ce que je cherchais à transmettre était un souffle, un élan, la possibilité d’encourager cette jeunesse à aller vers ces horizons de sens et de spiritualité engagée »

Nombre de jeunes gens, aujourd’hui, cherchent d’abord et avant tout leur âme. Ils ne veulent plus s’engager dans la société simplement pour se conformer à ses standards de réussite matérielle. Je vois cette recherche devenir de plus en plus ardente, tout en étant dans une quête de surcroît de conscience de soi. Kant posait la question « Que m’est-il permis d’espérer ? » Je voudrais dire à cette jeunesse que de grandes choses lui sont permises d’espérer si elle prend le chemin de son âme.

On ressent dans votre pensée de réelles affinités avec la philosophie indienne : Gandhi, que vous avez cité, mais aussi, entre les lignes, Sri Aurobindo. Où en êtes-vous de votre relation avec l’islam ?

Etant de tradition soufie [la voie mystique de l’islam], je pratique quotidiennement le dhikr, méditation qui vise à éveiller le cœur, son énergie, son intelligence. Mon rapport à l’islam s’exerce sur deux plans : le premier est ce lien purement spirituel que je viens d’évoquer ; mais je suis aussi un penseur réformiste, critique de l’islam dogmatique, afin qu’il sorte enfin de son sommeil. Et qu’il examine avec courage, lucidité et humilité ce que j’ai appelé dans ma Lettre ouverte au monde musulman les racines du mal qui le ronge.

Quand on regarde l’ensemble du monde musulman – même si certains considèrent que ce faisant, on tombe dans « l’essentialisation » – il y a des invariants extrêmement préoccupants : l’absence de démocratie, l’infériorisation des femmes, l’interdiction faite à la pensée de contester le dogme ou d’aborder de manière critique la lecture du Coran, etc.

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En tant qu’intellectuel musulman, j’ai une responsabilité critique quant à cette civilisation. Certains m’accusent d’être trop sévère avec l’islam. Je pense au contraire que ceux qui flattent l’islam en pensant le défendre ne font que l’encourager dans sa paresse intellectuelle et dans son illusion d’être une civilisation spirituellement forte – alors qu’elle est selon moi le contraire, déficiente, mal en point, et de ce point de vue pas du tout à la hauteur de son propre génie. L’amour que j’ai pour cette religion est à la mesure de ma sévérité car, comme le dit l’adage, « qui aime bien châtie bien ».

A un niveau plus personnel, j’ai grandi dans une culture spirituelle très ouverte. Ma mère était une catholique mystique qui s’est convertie à l’islam sans renier sa culture d’origine, et qui m’a parlé autant du christianisme que de l’islam. Pour moi, encore quotidiennement aujourd’hui, il est aussi important de lire les Evangiles que le Coran. Egalement par ma mère, j’ai été très nourri par l’hindouisme : Sri Aurobindo, Shankara et ses commentaires des Upanishads, la Bhagavad Gita, et j’ai un amour particulier pour Ramana Maharshi.

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Ma culture spirituelle est large car j’ai cette conviction que tous les chemins mènent à Rome – ou, plus exactement, qu’ils mènent à un rendez-vous profond que chacun a avec le mystère qui gît aussi bien dans son intériorité la plus profonde que dans tout ce que nous dit l’univers. D’une manière que j’essaie en permanence d’équilibrer, il y a également, bien sûr, toute l’influence qu’a eue sur moi la philosophie occidentale.

Pourquoi avoir choisi d’écrire cet appel sous la forme d’un poème ?

La forme s’est imposée à moi, ce qui a été une énorme surprise (rires). Comme d’habitude, je comptais écrire un essai philosophique en prose. Mais ça n’allait pas : ce que je cherchais à transmettre était un souffle, une espérance, un élan, la possibilité d’encourager cette jeunesse à aller vers ces horizons de sens et de spiritualité engagée.

La poésie s’est imposée car c’est la forme de l’épopée. Grâce à la musicalité et au rythme, il y a quelque chose de contagieux qui se communique, un enthousiasme, une confiance, un mouvement. Si j’avais fait un essai philosophique classique, je ne me serais adressé qu’à la raison des gens. Or je souhaite que nous mobilisions ensemble la raison et le cœur.

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Au-delà d’un appel à la résistance, vous vous livrez dans ce livre de manière intime, puisque vous dites avoir vécu deux expériences mystiques. Avez-vous hésité à le faire ?

Non, j’ai dépassé ce genre de peur du ridicule quant au jugement que cela pourrait provoquer (rires). Je ne me livre pas toujours de manière aussi personnelle, mais j’ai la conviction qu’une pensée s’incarne toujours dans un parcours de vie.

C’est pourquoi j’éprouve parfois le besoin d’en témoigner, de dire à celui qui me lit que je ne me contente pas de concevoir intellectuellement ce que j’écris, mais que cela vient de mon vécu personnel le plus profond. Et que je lui donne ce vécu en toute confiance, en toute sincérité, parce qu’il y a là pour moi, avec lui, dans le silence de sa lecture, la condition d’une relation authentiquement humaine. J’essaie de témoigner de manière personnelle pour me donner une chance de rencontrer l’intériorité de mon lecteur, son humanité.

Vous écrivez à la fin du livre que vous serez dorénavant muet. N’est-ce pas au contraire le moment de se livrer bataille, pourquoi pas en vous investissant en politique ?

Etre un leader politique n’est pas ma vocation. Le philosophe adore pouvoir rester à ses chères études ou y revenir régulièrement. Ecrire que je vais me taire est surtout une façon de dire que j’appelle maintenant cette jeunesse à s’engager.

Rassurez-vous, je vais continuer à écrire et à m’engager aussi moi-même. Je préside deux associations, Fraternité générale et le Sésame, et nous travaillons avec beaucoup d’autres dans des réseaux solides, au carrefour du spirituel et du politique, pour essayer de faire notre part de la révolution spirituelle.

Je suis un pèlerin. Cela fait longtemps maintenant que je m’engage. Je viens d’avoir 50 ans ; à cet âge, on ne s’imagine plus, comme ça peut être le cas quand on est plus jeune, qu’on est seul au front. Ce qui était très important pour moi en écrivant ce livre, c’était d’être dans le geste de la transmission d’un flambeau.

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« Révolution spirituelle ! » : un livre-poème pour réenchanter nos vies

C’est un ouvrage inattendu qu’Abdennour Bidar nous propose avec Révolution spirituelle ! (Almora, 158 pages, 12 euros). Non pas par la thématique abordée : la spiritualité et la résistance au consumérisme sont, de longue date, chères au philosophe – qui les a abordées dans Les Tisserands (2016) et Libérons-nous ! Des chaînes du travail et de la consommation (2018). Mais la forme surprendra sans doute les lecteurs habitués aux essais souvent denses de l’auteur. Car il nous propose ici un livre-poème, un chant, un peu à la manière des tragédies antiques ou de Victor Hugo.

Si le pari était osé, le résultat s’avère convaincant : en dépit du constat anxiogène que le philosophe dresse quant à la déliquescence de nos sociétés « sans âme », la lecture se révèle énergisante. « C’est quand tout semble perdu que tout est sauvé », considère en effet Abdennour Bidar, qui se qualifie d’« optimiste conscient ». A charge pour nous d’avoir le courage de mener à bien cette « révolution spirituelle » à laquelle il nous presse. Une révolution qui, en nous remettant sur le chemin de la « vie bien reliée », permettrait de sortir d’une postmodernité qu’il juge désenchantée et aliénante. V. La.

« Révolution spirituelle ! », Almora, 158 pages, 12 euros

 

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Covid-19: Spoutnik V, un vaccin russe très politique

ANALYSE - Moscou se sert de son sérum pour étendre son influence dans le monde et comme une arme idéologique.

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Des agents de piste de l’aéroport d’El Alto, à La Paz, déchargent d’un avion un container contenant le Sputnik V, jeudi dernier. AIZAR RALDES/AFP
 

Les vaccins contre le Covid-19 n’ont pas de passeport et l’intérêt qu’on leur porte ne doit par être mû par des considérations idéologiques. Surtout quand la campagne de vaccination de l’Union européenne est un fiasco… C’est la réponse de l’Europe à l’arrivée soudaine d’un nouveau venu sur la scène pharmaceutique, le Spoutnik V, dont l’efficacité - 91,6 %- vient d’être reconnue par la revue scientifique The Lancet.

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Angela Merkel a été la première à ouvrir la porte à l’outsider russe. «Tous les vaccins» autorisés seront «bienvenus» a affirmé la chancelière allemande, qui a même aidé Moscou dans ses démarches d’homologation. L’Institut Gamaleya, qui développe le Spoutnik V, a d’ailleurs pris contact mercredi avec le laboratoire allemand IDT.

Même tonalité en France, où Jean-Yves Le Drian d’abord, puis Emmanuel Macron, ont manifesté leur intérêt pour la solution russe, une fois qu’elle aura été approuvée par l’Agence européenne du médicament. «Les vaccins n’ont pas de nationalité. L’important, c’est d’avoir un médicament qui marche» a affirmé le ministre français des Affaires étrangères. Quant au gouvernement espagnol, il s’est déclaré «enthousiaste». L’Union européenne a entrouvert ses portes. «Si les producteurs russes, chinois ouvrent leurs dossiers, montrent de la transparence, toutes leurs données (…), alors ils pourraient avoir une autorisation conditionnelle de mise sur le marché comme les autres», a confirmé Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission.

Dans la course aux vaccins, le russe Spoutnik V, qui pendant longtemps n’avait pas été pris au sérieux, car son lancement avait été fait avant que les essais cliniques de masse aient été réalisés, tient sa revanche. Il a même dépassé son homologue chinois, jugé beaucoup moins efficace (50 %).

Une revanche contre les États-Unis et les démocraties occidentales

«Ce n’est pas une décision politique, mais une décision scientifique» a affirmé Emmanuel Macron. C’est peut-être vrai pour la France, pour l’Allemagne et pour les institutions européennes. Mais pas pour la Russie, qui considère au contraire son vaccin comme un instrument d’influence politique et une arme idéologique. Le nom d’abord, Spoutnik, fait référence à l’une des grandes victoires soviétiques sur l’Amérique pendant la Guerre froide, la mise en orbite, en 1957, du premier satellite. Une prouesse technologique de la part de l’URSS, qui avait pris de court les Américains.

Depuis son arrivée au pouvoir, Vladimir Poutine n’a eu de cesse d’œuvrer pour le retour de la Russie sur la scène internationale. Pour le journal Kommersant,le vaccin, qui fut le premier sur la ligne de départ en août, alors qu’il n’était pas abouti, «stimule l’augmentation de l’autorité» du pays. Il est considéré comme une revanche contre les États-Unis, vainqueurs de la guerre froide et contre les démocraties occidentales, qui font la leçon aux régimes autoritaires. Le «V» qui lui est accolé est celui de la victoire. Depuis qu’il a lancé les forces scientifiques du pays dans ce défi, Vladimir Poutine a répété que Spoutnik V était «le meilleur vaccin du monde».

Le vaccin a en tout cas prouvé une nouvelle fois que la Russie était de retour dans la cour des grands, même dans le domaine de la recherche scientifique, qui s’était effondré à la fin de la guerre froide, miné par les crises économiques et la corruption. C’est une belle vengeance pour le pouvoir, qui ne boude pas son plaisir. «La Russie avait raison depuis le début» affirme Kirill Dmitriev, le patron du fonds souverain russe. Dénonçant la «campagne pour discréditer le vaccin», il considère que les derniers résultats internationaux font «échec et mat» à toutes les critiques.

Le caractère politique du vaccin russe se lit aussi dans sa distribution géographique. Il a d’abord pénétré les zones d’influence du Kremlin, les anciennes Républiques soviétiques restées proches de Moscou, comme la Biélorussie et le Kazakhstan. Puis il a été fourni aux zones d’influence géopolitique de la Russie, aux pays amis comme l’Iran, le Venezuela, l’Algérie ou la Serbie. Au sein de l’UE, un seul pays avait rompu la solidarité européenne avant la confirmation de l’efficacité du vaccin, la Hongrie de Viktor Orban. À moins de dix dollars la dose, il faut dire qu’il est aussi plus abordable que les autres.

Alors que les pays européens ont un besoin urgent de vaccins, on voit mal comment Paris, Berlin et Bruxelles pourront longtemps maintenir leur politique de fermeté dans l’affaire Navalny

Un diplomate

Aujourd’hui, le Kremlin se sert de Spoutnik pour étendre son influence dans le monde. Reproduisant les méthodes de la Chine dans les instances internationales, la Russie a cherché à conditionner l’accès au vaccin à ses causes et à un soutien du Kremlin dans les grands dossiers multilatéraux. Et comme les symboles sont aussi affaire de politique, Moscou a livré des vaccins aux régions sécessionnistes d’Ukraine, Lougansk et Donetsk, à l’est du pays.

L’arrivée spectaculaire du vaccin russe sur la scène européenne intervient en pleine affaire Navalny, alors que les Européens envisagent de nouvelles sanctions contre le Kremlin. «Dans ce contexte, alors que les pays européens ont un besoin urgent de vaccins, on voit mal comment Paris, Berlin et Bruxelles pourront longtemps maintenir leur politique de fermeté dans l’affaire Navalny», s’interroge un diplomate.

Comme la fourniture, dès son lancement, de vaccins à la Hongrie était aussi pour la Russie un moyen -facile de surcroît - d’enfoncer un nouveau coin dans l’Union européenne, le succès de Spoutnik V attise les divisions intérieures des pays européens. C’est notamment le cas en France, où l’extrême droite et l’extrême gauche, par les voix de Marine Le Pen et de Jean-Luc Mélenchon, ont confirmé le caractère très politique de Spoutnik V en se portant à son secours. Mais l’urgence, il est vrai, est à la vaccination… Et peu importe la couleur de l’aiguille.

 
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141 commentaires
  • runuser

    le 04/02/2021 à 05:59

    Analyse impertinente, dégoulinante de russophobie. Complexe de supériorité typiquement occidental. Or, il reste encore de nombreux cerveaux scientifiques en Russie, ils ne sont pas tous passés en occident. Vous n'êtes pas sans savoir que la Russie a déjà composé un second vaccin (qui serait) efficace à 100%, ainsi que deux médicaments destinés aux malades déjà atteints qui donneraient d'excellents résultats. Ben oui...

  • KlingonBrain

    le 04/02/2021 à 04:25

    Bientôt, les vaccins que les gens pourront choisir en fonction de leurs opinions politiques. Les vaccins de gauche, de droite, du centre. Pro russe, pro USA, pro chinois. Vous ne saurez pas plus ce qu'il y a dans l'un ou dans l'autre, mais ça vous donnera l'illusion d'exister en faisant un choix.
    L'essentiel est de se croire plus intelligent que son voisin... même si ce n'est pas vrai.

  • Anonyme

    le 04/02/2021 à 02:09

    Visiblement ils pourrait fournir israel. Le président russe Vladimir Poutine lui-même a affirmé que le vaccin donnait « une immunité durable » contre le coronavirus, selon une information rapportée par i24. Toutefois, l'Organisation mondiale de la santé reste prudente : elle rappelle à Moscou que la « pré-qualification » et l'homologation d'un vaccin passent par des procédures « rigoureuses ». Interrogé sur les raisons qui ont poussé les autorités à déclarer une fonctionnalité du vaccin avant même la fin des essais cliniques, le centre médical israélien Hadassah, qui avait déclaré mardi dernier être impliqué dans le développement du vaccin russe, a réagi en précisant que les essais de phase 3 se déroulaient « comme il est d'usage dans le monde occidental », selon les termes de son PDG Zeev Rotstein. Soit en même temps que la finalisation du vaccin.

 
 

 

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Génération Y, le vin de A à Z - Le Point

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